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Énergie - Environnement
Midis de l’Europe : Sauver le climat - Copenhague… et après?
L’eurodéputé vert Claude Turmes a donné des explications sur la situation de l’UE dans la lutte contre le changement climatique
01-02-2010


Les Midis de l'EuropeL'objectif de la 15e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, tenue à Copenhague du 7 au 18 décembre 2009, était de conclure un nouveau traité international censé prendre la relève du protocole de Kyoto, qui viendra à échéance le 31 décembre 2012. La conférence s'est terminée par une déclaration politique non contraignante en matière de droit international, dans laquelle un nombre de pays s'engagent à limiter à 2° C la hausse de la température moyenne de la planète par rapport à l'ère préindustrielle. Claude Turmes, eurodéputé des Verts, a expliqué, lors d’une conférence-débat qui s’est déroulée le 1er février 2010 dans le cadre des "Midis de l’Europe", la situation de l’Union européenne dans la lutte contre le changement climatique après cet accord, généralement considéré comme un échec.

Claude Turmes a expliqué que la Conférence de Copenhague n’a pas été la première conférence sur le changement climatique. Fin des années 1980, début des années 1990, régnait une certaine atmosphère de renouveau dans ce domaine et, avant la conférence de Rio sur le changement climatique en 1992, les connaissances scientifiques allaient dans le sens que si la quantité de CO2 augmentait, la température s’élèverait, et avec elle le niveau de la mer. Mais cette conférence fut un échec, notamment à cause du président américain Bush senior, qui ne voulait pas toucher au "american way of life". Par ailleurs, selon Claude Turmes, au niveau de l’Union européenne, la proposition d’une taxe énergétique avait été renversée six mois avant le sommet par Margaret Thatcher et quelques industriels. En parallèle, une énorme chute du prix du pétrole a fait que les connaissances scientifiques ont été ignorées et que rien ne s’est passé dans ce domaine.

"Or", a souligné Claude Turmes, "le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de 2006, le film "Une vérité qui dérange" d’Al Gore, le rapport Stern sur l’économie du changement climatique, ainsi que des catastrophes climatiques telles que l’ouragan Catarina en 2004, ont de nouveau fait émerger une certaine pression de la part des citoyens, mais aussi de la politique et des médias par rapport aux progrès qu’il fallait faire à Copenhague".

La faiblesse de Barack Obama

Mais quelles ont donc été les raisons de l’échec de la conférence sur le changement climatique ? Pour Claude Turmes, du côté des Etats-Unis, le président Barack Obama n’a pas pu agir à Copenhague parce qu’il a dû tenir compte de la majorité au Sénat. Cette institution, que l’eurodéputé qualifie "d’extrêmement réactionnaire", a, contrairement au Congrès, voté contre la loi environnementale. Un aspect positif du côté Etats-Unis est selon Claude Turmes le fait que Barack Obama ait investi énormément d’argent du programme conjoncturel américain dans l’efficience énergétique et dans des énergies renouvelables. Par ailleurs, le gouvernement américain a utilisé la faillite de General Motors pour contraindre le gérant automobile à ne plus construire de grandes voitures à haute consommation.

Le rôle de la Chine

Abordant le rôle négatif joué par le gouvernement chinois à Copenhague, Claude Turmes a expliqué que le rejet du document fixant une réduction de 80 % des émissions de CO2 des pays industrialisés, ainsi que l’acceptation d’une surveillance de la Chine dans ce domaine soit essentiellement dû à République populaire. Toutefois, l’eurodéputé a tenu à souligner qu’il n’y pas uniquement de points négatifs à reprocher à la Chine. Ainsi, depuis 2006, la Chine a beaucoup progressé dans la lutte contre le changement climatique, et son économie fait des sauts d’efficience inédits. "Pour obtenir une promotion dans les entreprises chinoises, on doit respecter les objectif d’efficience", a-t-il expliqué. Et d’ajouter que la Chine est en train de construire un énorme parc éolien en Mongolie.

Pas de position claire de l’UE

L’Union européenne, pour sa part, a commis deux erreurs : d’abord, elle a accepté de réduire ses émissions de CO2 de 20 % au lieu de 30 %. Ensuite, elle n’avait pas de position claire, ce qui l’a empêché de jouer le rôle qu’elle aurait pu avoir si elle avait parlé d’une voix. Dans ce cadre, Claude Turmes pense que notamment la Pologne, l’Italie et les lobbies du milieu industriel ont empêché que les émissions de CO2 doivent être réduites de 30 %.

Pour Claude Turmes, l’accord politique conclu à Copenhague comporte toutefois deux aspects positifs : il inclut plus de pays que le protocole de Kyoto, notamment les pays émergents. De plus, il fixe clairement que la hausse de la température mondiale ne doit pas dépasser 2° C. Le point négatif de l’accord est, d’après l’eurodéputé vert, qu’il ne soit pas si contraignant que le protocole de Kyoto.

"Le 31 janvier 2010, les pays ont dû communiquer leurs objectifs de réduction de CO2", a-t-il précisé, "et l’UE veut réduire ses émissions de 20 %, voire de 30 % si les autres pays s’engagent aussi davantage". Mais il a aussi expliqué qu’il y a souvent une grande divergence entre les objectifs de réduction et la volonté politique.

En vue de la Conférence de Cancun sur le changement climatique fin 2010, une conférence de préparation se tiendra en juin à Bonn. Claude Turmes pense qu’il faudra exercer de la pression politique sur les pays afin qu’ils se fixent des objectifs plus ambitieux pour limiter le réchauffement climatique en-dessous de 2° C. Et de se demander que, si l’UE n’est pas capable de conserver le rôle qu’elle a acquis à Kyoto en matière de lutte contre le changement climatique, quelle sera alors sa force géopolitique au 21e siècle dans un monde où la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et l’Amérique du Sud ne cessent de consolider leurs positions. Vu la saturation du marché européen, Claude Turmes pense que la croissance économique de l’UE ne va pas se poursuivre éternellement, et il faut donc investir dans les réseaux énergétiques et dans l’isolation des bâtiments, et intervenir dans les processus industriels par le biais des technologies de l’information.

Lutter contre le changement climatique, créer des emplois et être plus indépendant

"Il faut cesser de voir la lutte contre le changement climatique en termes de coûts, et commencer à la considérer comme base industrielle", a souligné Claude Turmes. Et d’expliquer que l’installation d’un réseau de stations éoliennes en mer du Nord par neuf pays de l’UE aura trois effets positifs d’un seul coup : elle fait diminuer les émissions de CO2, elle crée des emplois, et elle confère à l’UE une plus grande indépendance géopolitique. Dans cette perspective, l’eurodéputé pense que l’UE doit se positionner pour les 15 prochaines années en matière de lutte contre le changement climatique, notamment par l’élaboration de grands plans d’investissement, qui créeraient des situations gagnant-gagnant. "Nous pouvons prendre soin de l’environnement, tout en étant moins vulnérables face à des chocs de prix de gaz ou de pétrole, et en défendant notre leadership en la matière", a souligné le député européen. Et de conclure que "si nous n’investissons pas dès maintenant, nous devons payer un prix cher dans quelques années."

Pour Claude Turmes, ceux qui nient le changement climatique se trompent

Abordant une question sur la formation du personnel dans le domaine des énergies renouvelables, Claude Turmes a expliqué que l’UE manque de jeunes personnes qui veulent suivre la formation d’ingénieur, ce qu’il qualifie de problématique, notamment en termes de compétitivité. Pour lui, l’UE doit investir dans la formation, et notamment dans la formation continue afin que tous les acteurs du marché soient à la hauteur des technologies. Par ailleurs, il pense que la recherche et le marché doivent être connectés davantage afin de mieux calculer le retour sur investissement. Dans ce domaine, il pense que l’UE peut apprendre beaucoup de la Californie.

L’eurodéputé pense d’ailleurs aussi qu’il ne s’agit pas d’alarmisme, mais que la science climatique est extrêmement solide. Il a aussi regretté que "nous avons encore perdu du temps avec Copenhague", tout en dénonçant des campagnes mensongères sur internet qui font circuler des faux messages sur le changement climatique. "Ceux qui nient le réchauffement climatique se trompent", a-t-il déclaré. Et d’ajouter que "nous sommes la première génération disposant de telles connaissances et d’ordinateurs capables de faire des simulations", et nous devons en faire usage pour lutter efficacement contre le changement climatique.

"Les gaz à effet de serre restent entre 50 et 100 ans dans l’atmosphère", a déclaré Claude Turmes tout en soulignant que "la problématique du changement climatique est donc essentiellement lié aux Etats-Unis et à l’Europe". Pour lui, nous devons donc inventer un mode de vie décent qui consomme moins de ressources, "sinon nous allons droit dans le mur".

Pour sortir l’UE de la marginalisation dans laquelle elle se retrouve après la Conférence de Copenhague, Claude Turmes pense qu’il faudrait d’abord réaliser "dans nos têtes" que l’UE est la plus grande puissance au monde en matière de politique économique. Ensuite, il pense que la politique climatique doit être plus liée à la politique commerciale. "Il nous faut des moyens pour protéger nos industries si les autres pays ne veulent pas y participer", a-t-il expliqué en ajoutant que la Conférence de Cancun fin 2010 sera l’occasion de rattraper l’échec de Copenhague, notamment en persuadant la Chine et l’Inde de se fixer les mêmes objectifs que l’UE.

Pourquoi ne pas capter le soleil du Sahara ?

Marcel Oberweis, député du CSV et membre de la Commission parlementaire du Développement durable, a tenu à expliquer que l’UE a été si faible à Copenhague parce qu’elle n’a pas réussi à parler d’une seule voix. Pour lui, Barack Obama n’a par ailleurs pas eu de marges de manœuvre à cause de la puissance de la Chine, qui a investi plusieurs milliards de dollars aux Etats-Unis et détient une part substantielle de la dette publique américaine. Abordant le projet du parc d’éoliennes en Mongolie, Marcel Oberweis a suggéré que l’UE capte le soleil du Sahara, qui se trouve à la porte de l’UE, pour produire de l’énergie verte.

En guise de conclusion, Claude Turmes a souligné que, même si la Conférence de Copenhague a été une déception, elle est une motivation pour continuer à réfléchir à de nouvelles solutions et pour apprendre de ses erreurs.