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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Dans une interview avec le journal suisse Finanz und Wirtschaft, Luc Frieden met en garde contre une sur-régulation du secteur bancaire
07-07-2010


Finanz und WirtschaftDans une interview publiée le 7 juillet 2010 par le journal suisse Finanz und Wirtschaft, le ministre des Finances Luc Frieden a abordé la crise économique et financière. Il a notamment insisté sur la nécessité de contrer les affaires bancaires trop peu transparentes et sur une meilleure coordination entre les des administrations de surveillance au niveau européen et mondial, mais il a aussi mis en garde contre une sur-régulation du secteur bancaire. Selon le ministre, la consolidation des systèmes financiers va dans la bonne direction, mais elle pourrait toutefois se faire plus rapidement. Par ailleurs, il a expliqué que l’Europe et les Etats-Unis doivent aller main dans la main autant que possible en ce qui concerne la régulation des marchés financiers, et il pense qu’une action isolée européenne dans ce domaine n‘est pas raisonnable.

Abordant les conséquences du renforcement de la régulation des marchés financiers, Luc Frieden pense que les mesures y relatives vont soutenir la croissance. Afin d’empêcher une sur-régulation du secteur bancaire, il pense que chaque mesure doit être examinée sur ses pours et contres, tout en évitant que la régulation rende les affaires bancaires trop chères, parce que cela nuirait en effet à la croissance. Selon le ministre, le Luxembourg introduira une taxe sur les transactions financières sous condition que tous les autres pays fassent de même. Il a rappelé dans ce contexte que la balle est actuellement dans le camp de la Commission européenne qui doit faire des propositions. La décision des Etats-Unis d’introduire une taxe sur les transactions financières a sans doute facilité la prise de décisions en Europe, ainsi qu’a tenu à le souligner le ministre en rappelant que "nous devons éviter un déplacement des flux de capitaux".

En ce qui concerne la crise budgétaire de certains pays membres de la zone euro, Luc Frieden a souligné qu’une croissance économique à moyen terme suppose des finances publiques saines. Il pense que c’est la seule façon dont on puisse gagner la confiance des investisseurs. Selon le ministre, les programmes d’austérité actuellement lancés ne devraient pas causer davantage de dégâts et les paquets de relance économique ficelés pendant la crise ne prendront fin qu’en 2011, lorsque la conjoncture aura de nouveau repris.

Le ministre des Finances s’est par ailleurs montré confiant que la zone euro restera un espace économique stable, pour ce qui est de la stabilité des prix, mais également de la politique budgétaire et économique. La condition est cependant, selon Luc Frieden, que le pacte de stabilité et de croissance soit appliqué "dans les bons comme dans les mauvais jours". Il croit que l’Europe a en outre besoin de réformes structurelles, notamment dans le domaine des assurances sociales. Si l’Europe n’agit pas pendant les deux années à venir, il pense que la prochaine crise est inévitable. Mais il a aussi tenu à souligner dans ce contexte que l’Europe ne doit pas devenir un espace économique à taxes élevées et qu’elle doit veiller à ce qu’elle garde des taux raisonnables. "Le Luxembourg poursuit depuis des années le principe selon lequel un budget de l’Etat doit se consolider non pas par une levée d’impôts mais par une réduction des dépenses. Ce principe devrait aussi valoir au niveau européen", a-t-il déclaré.

Concernant la pression des grands pays voisins, le ministre a souligné que le Luxembourg a toujours considéré le processus d’unification européenne comme moyen de résoudre les problèmes de façon pacifique autour d’une table des négociations. "Nous voulons entretenir un contact étroit et amical avec nos voisins", a-t-il souligné en déclarant que, du point de vue luxembourgeois, le fait d’être membre de l’Union européenne facilite la communication.

En faisant référence aux attaques, au printemps 2009, de certains responsables politiques des grands pays voisins du Grand-Duché contre les présumés paradis fiscaux , Luc Frieden a salué qu’actuellement, les ministres des Finances allemand et français, Wolfgang Schäuble et Christine Lagarde, ont réussi à trouver le "ton juste" pour mener un dialogue constructif avec les Luxembourgeois. "Vouloir s’imposer à quelqu’un n’est pas utile à une coopération à moyen et long terme", a-t-il expliqué en déclarant : "Les grands pays de l’UE doivent apprendre cela."

Dans le contexte des relations entre l’UE et la Confédération helvétique, le ministre a souligné que l’Europe a besoin de la Suisse, et la Suisse a besoin de l’Europe. Pour lui, le cadre juridique de la coopération est moins important que l’objectif de celle-ci. En tant qu’ami de la Suisse, il a par ailleurs exprimé le souhait de voir le pays "un jour assis autour de la grande table et participer aux discussions". Toutefois, le ministre est conscient que seul le peuple suisse pourra répondre à la question de l’adhésion à l’UE.

Dans le domaine de la fiscalité de l’épargne, Luc Frieden a souligné que si on soutient les citoyens de l’UE à investir leur argent au Luxembourg, il faut aussi aider leurs pays d’origine à soumettre à l’impôt les bénéfices. C’est la conséquence du fonctionnement du marché intérieur, dont un des principes est la libre circulation des capitaux, ainsi qu’il a expliqué. Le ministre aurait pourtant préféré introduire un impôt sur le revenu des capitaux unique pour toute l’Europe. Un tel impôt permettrait au citoyen d’investir son argent là où il obtient la meilleure consultation et le meilleur rendement. La proposition suisse d’un impôt sur le revenu des capitaux, le ministre la juge "intéressante" et pense que les ministres européens des Finances en devraient discuter, mais il juge peu probable qu’une majorité des pays européens y serait favorables. La raison en est que 25 des 27 Etats membres de l’Union européenne – le Luxembourg et l’Autriche font exception – appliquent l’échange d’informations automatique, a-t-il expliqué.

Luc Frieden sait que la discussion sur un échange d’informations automatique dans l’UE reste "compliquée". Selon lui, le Luxembourg va seulement y donner son aval s’il est prouvé qu’il fonctionne mieux que le modèle de l’imposition à la source et s’il y a une garantie qu’il n’aboutira pas à la fuite des capitaux hors de l’Europe. Le ministre des Finances est d’ailleurs persuadé que l’Autriche ne changera pas de position par rapport au secret bancaire. Si l’Autriche devait changer de position, le Luxembourg serait le seul Etat membre de l’UE à ne pas pratiquer l’échange d’informations automatique. Et de conclure que l’abolition de l’imposition sur le revenu des capitaux nécessiterait de toute façon l’unanimité dans l’UE.