Après le rejet fracassant de l’accord Swift par le Parlement européen le 11 février 2010, un nouvel accord entre UE et Etats-Unis sur le transfert de données financières dans le cadre du programme américain de lutte contre le terrorisme et son financement a été signé le 28 juin dernier.
Ce nouvel accord que la Commission européenne a négocié en s’efforçant de tenir compte de la position du Parlement européen a reçu l’approbation de la Commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) le 5 juillet 2010.
Dès le 6 juillet, date du débat sur ce sujet, les représentants des groupes politiques conservateurs, libéraux et socialistes au Parlement européen avaient laissé présager l’approbation en plénière du nouvel accord conclu entre UE et Etats-Unis.
Le 8 juillet, les eurodéputés ont finalement donné leur approbation à une large majorité. 484 députés ont ainsi approuvé l’accord, 109 s’y sont opposés, tandis que 12 se sont abstenus.
Cet accord est aux yeux du socialiste Martin Schulz "un compromis acceptable", tandis que l’eurodéputé PPE Manfred Weber estime que le Parlement européen "ne pouvait pas s'attendre à obtenir 100 % de ses demandes".
Pour le libéral Alexander Alvaro, rapporteur, "c'est un succès parlementaire", et il salue tout particulièrement le fait que l’UE va devoir se doter d'ici 5 ans de son propre programme de surveillance du financement du terrorisme. Il n’a pas manqué de souligner non plus au cours du débat que le Parlement européen avait, dans ce dossier, fait la preuve, suite à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de sa capacité à coopérer et de sa volonté de prendre ses responsabilités. "Je crois que nous avons ouvert une nouvelle ère dans le processus législatif européen", a-t-il conclu.
Le groupe des Verts se montre en revanche nettement plus critique à l’égard d’un accord qui "laisse inchangées les lignes rouges qui ont motivé notre refus initial, à savoir le transfert des données en vrac, une durée de rétention des données excessive, l'absence de recours effectif pour les citoyens européens et l'absence de contrôle par une institution européenne à caractère judiciaire", comme l'a déclarée l'eurodéputée Hélène Flautre.
Le nouvel accord va entrer en vigueur le 1er août 2010 pour une durée de cinq ans, et il sera ensuite renouvelable année par année. Européens et Américains vont devoir faire le point sur le fonctionnement des garde-fous et systèmes de contrôle de l'accord au plus tard six mois après son entrée en vigueur.
Parmi les eurodéputés luxembourgeois, Georges Bach, Astrid Lulling et Charles Goerens ont, comme la majorité des parlementaires de leurs groupes politiques respectifs, voté en faveur de l'approbation de l'accord. Claude Turmes, à l'image de la très grande majorité des Verts européens, s'y est opposé. Quant à Robert Goebbels, il compte parmi la minorité d'eurodéputés socialistes qui se opposés à la résolution d'Alexander Alvaro.
L’eurodéputé libéral luxembourgeois Charles Goerens a fait part au journaliste Guy Kemp, qui rapporte ses propos dans le Tageblatt daté du 8 juillet 2010, de sa satisfaction à l’idée que "les Européens aient obtenu gain de cause sur des points essentiels" au cours des négociations.
Pour le parlementaire libéral, "on est arrivé à un équilibre entre liberté et sécurité". Charles Goerens a par ailleurs lui aussi salué le fait que l’Europe se donne les moyens de mettre en place son propre programme, ce qui lui permettra à l’avenir de travailler d’égal à égal avec les Etats-Unis.
Georges Bach, qui avait voté pour le rejet de l’accord SWIFT en février dernier, a voté cette fois-ci pour le nouvel accord. "Certes l’accord n’est pas parfait", reconnaît-il en soulignant que la Commission va devoir veiller à mettre en place son propre système de contrôle aussi vite que possible. S’il a approuvé ce compromis, c’est en raison des dispositions complémentaires en matière de protection des données et de protection juridique des citoyens européens qui ont pu y être intégrées.
Georges Bach salue la procédure de contrôle des demandes d’informations américaines à différents niveaux, même s’il souligne que le rôle d’Europol fait l’objet de discussions en la matière. "Au lieu d’une confiance aveugle à l’égard des Américains, une procédure de surveillance va désormais permettre une coopération mieux contrôlée", se félicite l’eurodéputé. Et, s’il estime que ce vote ne va pas mettre fin aux débats sur le sujet, Georges Bach conclut cependant en affirmant que "nous avançons dans la bonne direction".
Mais pour l’eurodéputé vert Claude Turmes, le vote du Parlement européen "porte un coup aux négociations en vue d’une protection contraignante des droits fondamentaux dans le cadre de la coopération internationale en matière de sécurité". S’il reconnaît dans un communiqué publié sur son site Internet en date du 12 juillet 2010 des progrès par rapport au premier accord SWIFT, Claude Turmes regrette que la critique fondamentale sur le transfert massif de données et sur une trop longue durée de conservation des données n’ait pas eu de suite.
A ses yeux, la coalition des conservateurs, libéraux et sociaux-démocrates a donc accepté un abaissement des principes de l’Etat de droit en vigueur jusque là. L’eurodéputé vert craint par ailleurs que ce vote n’affaiblisse la capacité d’influence de l’UE par rapport à la partie américaine. "Un vrai changement en matière de droits civils dans la lutte contre le terrorisme nécessite plus de courage et de persévérance", conclut Claude Turmes.
En contrepartie d'un soutien à l'accord, les députés ont obtenu que les travaux sur la mise en place d'un équivalent européen au "Terrorism Finance Tracking Programme" (TFTP) nord-américain, qui mettrait fin aux transferts de données bancaires non-individualisées, débutent dans les douze mois. L'Europe aurait ainsi une structure permettant d'analyser les données sur son sol et ne transmettrait alors que les informations relatives à une piste terroriste précise. La Commission va initier les premiers travaux sur ce TFTP européen au cours du second semestre 2010.
Un nouveau rôle pour Europol
Le nouvel accord confère à Europol la capacité de bloquer les transferts de données vers les Etats-Unis : l'Agence basée à La Haye devra vérifier que chaque requête formulée par le Trésor américain est justifiée au regard de la lutte antiterroriste et que le volume de données demandé est aussi limité que possible. Les données ne pourront être transférées qu'en "push" et non en "pull", c'est à dire qu'elles seront transmises par les Européens, et non collectées par les Américains eux-mêmes.
Un représentant de l'UE aux Etats-Unis pour surveiller l'utilisation des données
En outre, la nouvelle version de l'accord prévoit que l'utilisation des données par les Américains, qui doit être exclusivement à caractère antiterroriste, soit supervisée par un groupe de contrôleurs indépendants, incluant une personne désignée par la Commission européenne. Cette personne aura la possibilité de demander justification avant toute utilisation des données et de bloquer les recherches qu'elle estimera illégitimes.
L'accord interdit au TFTP américain de procéder à la "fouille" ("data mining") des données ou à tout type de recherche automatisée, de profilage algorithmique ou de filtrage électronique. Toutes les recherches conduites dans les données SWIFT devront être basées sur une information préexistante selon laquelle l'objet de la recherche est en lien avec le terrorisme ou son financement.
Un droit à la réparation pour les citoyens européens
En février dernier, après avoir rejeté l'accord précédent, les députés avaient exigé que toute nouvelle proposition permette que soient garanties aux citoyens européens les "mêmes procédures judiciaires de réparation que celles qui s'appliquent aux données détenues sur le territoire de l'Union européenne, en particulier du versement d'une indemnisation en cas de traitement illégal de données à caractère personnel". Les députés faisaient valoir que le "US Privacy Act", qui protège les citoyens américains contre de tels abus, ne s'applique pas aux citoyens européens qui en seraient victimes sur le sol américain. La nouvelle proposition indique cette fois que la loi américaine doit prévoir des droits de recours sans discrimination de nationalité et d'obtenir réparation.
Rétention et effacement des données
Le texte indique que les données extraites ne pourront être conservées que pendant la durée des procédures et investigations spécifiques pour lesquelles elles sont utilisées. Chaque année, le Trésor américain devra faire le bilan des données non-extraites, c'est à dire non-individualisées, qui ne seront plus utiles à des fins antiterroristes, et les effacer.
Enfin, l'accord permet à l'une des deux parties de suspendre l'accord, avec effet immédiat, en cas d'infraction à ses règles par l'autre partie.