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Parlement européen - Economie, finances et monnaie
Le Parlement européen a adopté à une large majorité la directive sur les fonds d’investissement alternatifs
11-11-2010


Le Parlement européen a adopté, à l’occasion d’un vote en mini-plénière qui s’est tenu à Bruxelles le 11 novembre 2010, la directive dite AIFM, qui imposera, en matière de commercialisation des fonds d’investissement alternatifs dans l’UE, des conditions d'enregistrement, de suivi et de capital initial.

La réglementation a été approuvée par 513 voix pour, 92 voix contre et 3 abstentions. Jean-Paul Gauzès (PPE), rapporteur de la directive AIFM félicité par ses pairs dans l'hémicycle à l'issue du vote le 11 novembre 2010 © European Parliament / Pietro Naj-Oleari

Ce texte était le fruit d’un compromis trouvé le 26 octobre dernier au terme de longs mois de négociations menés entre Commission, Conseil et Parlement européen. Le Conseil Ecofin du 19 octobre avait ouvert la voie à ce compromis et le Parlement s’était félicité d’avoir obtenu des concessions des États membres dans un certain nombre de domaines visant  à augmenter la stabilité économique et la sécurité de l'investisseur, deux priorités-clés pour le Parlement, tout au long du processus.

A l’occasion du débat qui a précédé le vote et qui s’est tenu la veille, le 10 novembre 2010, l’eurodéputé socialiste Robert Goebbels, qui a tenu le rôle de rapporteur fictif sur le dossier pour son groupe parlementaire, est intervenu, rappelant le chemin parcouru, les batailles gagnées et appelant son groupe à soutenir un texte qu’il juge certes "perfectible".

Astrid Lulling (PPE), est elle aussi intervenue dans le débat. Apportant elle aussi son soutien au texte arrêté, l’eurodéputée luxembourgeoise a cependant tenu à souligner que le respect du principe de l'égalité de traitement entre gestionnaires de fonds, dont elle a fait son cheval de bataille car il représente un enjeu important pour l’industrie de fonds luxembourgeoise, ne manquerait pas de poser quelques difficultés dans la mise en œuvre de cette directive.

Europaforum.lu livre ici les interventions des deux eurodéputés luxembourgeois dans leur intégralité.

Des appels à la régulation des marchés financiers à une proposition de directive, certes imparfaite, mais constituant une avancée notable : l’intervention de Robert Goebbels en plénière

"Le Sommet européen, puis le G-20 appelèrent à la régulation et à la supervision de tous les segments du marché financier.

La Commission a rapidement fait des propositions. Mais un lobbying d'une rare intensité a suscité des réticences à réguler chez certains décideurs politiques, notamment pour les fonds alternatifs.

La Grande-Bretagne s'est érigée en protecteur des Hedge funds localisés dans les îles, proches ou lointaines. La France, championne autoproclamée de la régulation internationale, retomba dans son protectionnisme habituel.

Au Parlement, ce furent surtout les libéraux qui tentaient de s'opposer à cette législation. Le Groupe de M. Verhofstadt, d'ordinaire si pro-européen, proposa de rejeter en totalité la proposition de la Commission !

Grâce au rapporteur Jean-Paul Gauzès, grâce à la coalition PPE-S&D-Verts et même GUE au niveau de la Commission ECON, une position majoritaire conséquente fut ficelée.

21 trilogues plus tard, les négociateurs du Parlement aboutirent à une proposition de directive, certes imparfaite, mais constituant une avancée notable, surtout à moyen terme.

Car il faudra attendre 2018 pour aboutir à un marché intérieur imposant les mêmes devoirs, les mêmes obligations, mais conférant aussi les mêmes droits à tous les fonds.

La régulation européenne se mettra en place dès 2013. Il y aura une montée en puissance du régulateur européen ESMA, auquel la directive apportera pas moins de 72 pouvoirs d'intervention et de surveillance.

La directive, il faut le souligner, est la première législation européenne s'imposant aux Hedge funds et autres Private equity.

Elle garantira une très grande protection aux investisseurs, non seulement professionnels, mais surtout aux citoyens investissant leur épargne dans des produits financiers. 

Il y aura des règles très précises sur la gestion du risque, la gestion des liquidités. Il y aura plus de transparence, plus d'informations aux investisseurs sur les stratégies suivies par les gestionnaires.

L'effet de levier sera encadré. Les gestionnaires devront annoncer à l'avance leurs propres limites pour le recours à l'endettement avec l'utilisation d'un levier. Les régulateurs pourront intervenir en cas de stratégie trop hasardeuse.

La rémunération dorée des gestionnaires et les bonus effrontés seront limités et ne pourront pas être encaissés immédiatement dans leur totalité.

La directive imposera plus de transparence aux Private equity funds. Ceux-ci seront le bienvenu pour financer l'économie réelle. Mais la directive imposera aux fonds vautours de sérieuses limites au dépeçage d'entreprises. Il y aura une période de deux années, où le capital et certaines réserves de la société prise sous contrôle ne pourront pas être distribués aux nouveaux propriétaires. A ce "lock-in" s'ajoutent des consultations du personnel de l'entreprise et une information de l'Etat où celle-ci a son siège sur la stratégie entrepreneuriale des acquéreurs.

En résumé, la directive est perfectible. Mais les Socialistes et Démocrates y apportent leur adhésion, car elle apportera beaucoup de lumière dans ce trou noir de la finance internationale qu'étaient jusqu'ici les fonds alternatives."

Le principe de l’égalité de traitement entre les gestionnaires de fonds ne va pas simplifier la mise en œuvre d’un texte "de nature satisfaisante", a expliqué Astrid Lulling en plénière

"Tout au long du difficile accouchement de cette directive sur les fonds alternatifs, je n'ai cessé de plaider pour le principe de l'égalité de traitement entre les gestionnaires de fonds qu'ils soient de l'Union européenne ou non. Ce principe sonne bien comme une évidence, mais cette évidence s'est heurtée à d'innombrables difficultés.

Le résultat qui nous est présenté aujourd'hui est de nature satisfaisante. Je remercie les négociateurs. Notons cependant que la question du traitement des pays tiers doit être observée de deux façons, que l'on soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'UE.

Grâce notamment au Parlement, tous les fonds qui seront vendus dans l'UE seront effectivement soumis à une réglementation comparable. On peut dès lors plus ou moins parler de "level playing field". Il reste que durant la période transitoire les entités non-UE profiteront du régime de placement national tandis que les fonds et gestionnaires UE seront soumis à la directive qui est généralement plus stricte.

La situation est différente sur les marchés qui se trouvent hors de l'Union européenne. Là, les fonds européens et leurs gestionnaires resteront soumis à la directive, ce qui n'est pas le cas des fonds de pays tiers. Il sera dès lors beaucoup plus difficile de vendre des produits européens dans le reste du monde, car ils seront moins flexibles et plus coûteux. Nous devons être conscients de ce désavantage, même s'il était pour une part inévitable.

En ce qui concerne les dépositaires, sachons là aussi que nous rendons l'exercice plus contraignant, notamment à cause des nouvelles responsabilités qui leur incomberont. Le renchérissement devrait entraîner des modifications substantielles du métier.

Je ne dis pas cela pour montrer mon opposition, mais pour indiquer que cette réglementation nouvelle n'a rien d'anodine. Sa mise en œuvre qui est nécessaire comportera aussi des difficultés dont il faut être conscient."