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Recherche et société de l'information
Pour la commissaire européenne en charge de la recherche, Máire Geoghegan-Quinn, l’Europe est dans "une situation d’urgence dans le domaine de l’innovation"
06-10-2011


Un an tout juste après le lancement, le 6 octobre 2010, par la Commission européenne, de l’initiative pour une L'Union de l'Innovation, une des initiatives phares de la stratégie Europe 2020"Union de l’innovation", la commissaire européenne Máire Geoghegan-Quinn, qui est en charge de la recherche, de l’innovation et de la science, a donné une conférence à Luxembourg dans le cadre du Bridge Forum Dialogue.

Une situation d’urgence

Sa thèse : "L’Europe a désespérément besoin de croissance, et l’innovation est un catalyseur de la croissance." Elle a selon elle d’autant plus besoin d’innovation que ses concurrents, y compris parmi les économies émergentes, ne chôment pas dans ce domaine. L’Europe est en retard sur les Etats-Unis et le Japon, et l’innovation en Chine croît de 7 % plus rapidement que celle de l’Europe et des Etats-Unis. "Si des mesures drastiques ne sont pas prises, nous augmenterons notre retard", déplore la commissaire, qui parle, sans vouloir exagérer, "d’une situation d’urgence dans le domaine de l’innovation".

Les grandes décisions stratégiques

Máire Geoghegan-Quinn a narré les dilemmes auxquels elle et son équipe ont dû faire face avant de fixer les contours de l’initiative de la Commission : Quels étaient les moyens de la politique pour faire avancer les choses ? Quel type d’innovation devait être promu, et ce pour 27 Etats membres, tous très différents ? Jusqu’à quel point la Commission devait-elle soutenir l’ouverture, c’est-à-dire le passage de certaines connaissances dans le domaine public ? Comment concilier l’excellence et la cohésion, avec une excellence concentrée dans l’UE, comme aux Etats-Unis, dans des points très limités du territoire ? Fallait-il miser sur des produits à très haute valeur ajoutée ou aussi regarder du côté des innovations "plus frugales" des économies émergentes, qui répondent à des besoins réels dans ces pays, mais qui ont aussi un effet sur les économies européennes ? Tous ces dilemmes n’ont pu être résolus, mais la Commission a pris quelques décisions stratégiques :

  1. le développement d’une approche européenne spécifique de l’innovation basée sur l’excellence de la recherche, le marché intérieur, un secteur public important qui peut stimuler l’innovation à travers sa politique de marchés publics, et sa richesse et diversité culturelle ;
  2. influer sur la direction prise par l’innovation, par un accord commun sur les défis à affronter, qui sont entre autres le changement climatique, la sécurité énergétique et l’impact du vieillissement de la population ;
  3. favoriser la commercialisation des idées brillantes ;
  4. favoriser l’innovation non-technologique, tel que les modèles commerciaux, les processus, le design et les bonnes pratiques au lieu de travail ;
  5. soutenir les PME;
  6. soutenir l’innovation dans les services;
  7. soutenir l’innovation dans l’industrie, pour consolider une base industrielle solide dans l’UE ;
  8. créer des centres d’excellence partout en Europe, en mettant en avant les forces de toutes les régions de l’Union, une démarche appelée "smart specialisation", spécialisation intelligente. 

Et la mise en œuvre ?

La stratégie Europe 2020 fixe pour objectif de dépenser 3 % du PIB de l'Union pour la R&D à l'horizon 2020, ce qui pourrait créer 4 millions d'emplois et augmenter le PIB annuel de près de 700 milliards d'euros d'ici à 2025. Les 27 en sont à 2 % en moyenne, donc loin de l’objectif à atteindre. Les politiques de "consolidation budgétaire" ne facilitent pas les choses, de sorte que la commissaire plaide pour une "consolidation intelligente" et appelle à ne pas pratiquer des coupes sèches dans les domaines qui créent de la croissance, de la compétitivité et des emplois. L’Allemagne a augmenté ses crédits publics de 8,3 %, la Suède de 5,7 %. La Finlande aussi a été active dans le domaine. Et une approche similaire est souhaitable au niveau européen, où la valeur ajoutée serait une meilleure coopération transfrontalière en matière de recherche, une meilleure concurrence au niveau de l’Union en termes d’excellence, une plus grande mobilité des chercheurs et un effet de levier du financement public et privé dans des projets européens.

La Commission voudrait dans ce contexte que l’UE investisse jusqu’à 80 milliards d’euros entre 2014 et 2020. Tout cela s’articulerait en trois blocs distincts :

  1. l’excellence à la base de la recherche scientifique, avec un renforcement du Conseil scientifique européen
  2. assurer le leadership industriel et un bon cadre compétitif en soutenant l’innovation dans les PME à haut potentiel
  3. affronter les défis en matière de santé, de changement démographique, de bien-être, de sécurité alimentaire, d’énergie, de transport, d’approvisionnement en matières premières, d’efficience dans l’utilisation des ressources.

Pour y arriver, il faut selon Máire Geoghegan-Quinn un équilibre entre la recherche fondamentale et appliquée, entre une approche où certains objectifs sont fixés d’en haut, mais les approches scientifiques déterminées à la base, entre une approche déterminée par les besoins de l’industrie et une approche déterminée par les défis. Et pour que ces objectifs se répartissent dans toutes les régions de l’UE, des synergies doivent être envisagées avec les Fonds structurels.

Pour favoriser la commercialisation des nouvelles inventions, la Commission veut soutenir les partenariats public-privé, enlever les obstacles, faire avancer la standardisation, capitale pour la compétitivité, mais qui avance trop lentement selon la commissaire, arriver à un accord sur le brevet européen, encourager les marchés publics à inclure des produits innovants. Mais le plus grand obstacle reste l’accès au financement. Ici, la BEI pourrait jouer un rôle important, dans la mesure où le montant du capital à risque a baissé de 22 milliards en 2000 à 3 milliards en 2010. Parallèlement, la Commission va proposer fin 2011 un modèle de capital à risque qui s’appuiera entre autres sur le FEI, visera à lever en 2012 les obstacles aux opérations transfrontalières de fonds capitaux à risque, et après 2013, elle veut développer « une nouvelle génération d‘instruments financiers européens à effet de levier pour attirer plus de financement privé vers la recherche et l’innovation. Enfin, il faut trouver un système qui permette aux PME d’avoir aux grands marchés pour des produits qui combinent de nombreuses technologies à travers un Fonds de la propriété intellectuelle et trouver un moyen de rendre accessibles les résultats de la recherche publique.

La pratique quotidienne de son mandat a révélé à la commissaire que ce qui importe avant tout, c’est le processus de programmation annuelle qui détermine les grands sujets qui seront soutenus. Elle veut ici une coopération interdisciplinaire qui révèle de nouveaux champs de recherche, elle veut que les sujets fixés reflètent les priorités politiques définies selon les données les plus récentes afin que l’Europe fasse partie de ceux qui produisent les « technologies d’usage général de demain ».

L’Espace européen de la recherche (ERA)

Espace européen de la RechercheL’Espace européen de la recherche (ERA) est une autre corde à l’arc de la commissaire. Il devrait permettre à l’UE d’atteindre la masse critique requise en termes de recherche et de réduire les doubles emplois entre systèmes nationaux. Le Conseil européen de février 2011 lui a apporté son soutien et demandé à ce qu’il contribue à un espace de recherche vraiment unifié. Cinq objectifs se cristallisent :

  • la mobilité des chercheurs,
  • des programmes conjoints et d’autres formes de coopération transfrontalière,
  • la propagation et le transfert des résultats des recherches,
  • la création d’infrastructures de recherche européennes,
  • parler d’une voix aux autres grands acteurs du monde dans le domaine de la recherche.

Une consultation publique a été lancée pour vérifier si ces objectifs sont les bons.

Un autre chantier est la classification internationale des universités européennes qui se dégrade. Máire Geoghegan-Quinn veut en finir avec la complaisance sur cette affaire. Car il est urgent d’agir. Elle veut miser sur l’autonomie des universités, sur leur spécialisation, sur plus d’étudiants en sciences, ce qui implique que les méthodes d’enseignement changent à la base. Pour elle, « les enfants doivent être préparés à l’économie du futur ». Il faut leur apprendre à apprendre, tout au long de la vie, à être créatifs, critiques, à travailler en groupe, à s’adapter.

A la fin de son discours, Máire Geoghegan-Quinn a annoncé la tenue d’une Convention de l’Innovation les 5 et 6 décembre 2011 à Bruxelles. Elle réunira des leaders mondiaux de l’innovation, des scientifiques qui ont reçu le prix Nobel, des politiques et des innovateurs sociaux, pour discuter comment relancer et soutenir l’innovation en Europe.

Le prix Nobel d’origine luxembourgeoise Jules Hoffmann a bénéficié de 15,5 millions d’euros fournis par l’UE pour les recherches qui lui ont valu son prix

Le même jour, la commissaire européenne avait félicité les nouveaux prix Nobel de médicine, parmi lesquels Jules Hoffmann, né au Luxembourg. Elle a mis en exergue le fait que Jules A. Hoffman and Ralph M. Steinman (dont le décès n'a été connu qu'après sa nomination) ont bénéficié de bourses européennes pour mener leurs recherches pour dire que cela "montre la qualité de la recherche soutenue par l’UE". Les recherches récompensées sont celles soutenues par l’UE. Le professeur Steinman avait bénéficié de plus de 6 millions d’euros de soutien, et le professeur Hoffmann de 15,5 millions d’euros de la part de l’UE pour ses recherches