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Pour sortir de la crise, les Verts prescrivent plus de régulation, plus d’investissements et des réformes socialement équilibrées
21-11-2011


Claude TurmesL’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a fait le point, le 21 novembre 2011, sur la crise monétaire, économique et écologique en Europe. "L’Europe peut casser ou s’approfondir avec cette crise", pense-t-il. Et pour voir comment elle peut s’approfondir, un retour dans l’histoire suffit, et plus précisément un retour vers le plan Werner de 1970. Il y est dit page 13 que "le centre communautaire devra être en mesure d’influencer les budgets nationaux, notamment en ce qui concerne le niveau et le sens des soldes ainsi que les méthodes de financement des déficits ou d’utilisation des excédents". Il y est question page 21 d’harmonisation de certains types d’impôts et d’harmonisation de la structure des impôts sur les sociétés et page 29 d’un "examen communautaire (…) avant que les gouvernements n’arrêtent leurs projets de budgets" qui ressemble fortement au semestre européen. Donc rien de nouveau pour Claude Turmes, mais « quelque chose qui aurait dû être réalisé avant, ce qui nous aurait évité beaucoup de déboires ». Mais quelque chose aussi qui devrait être réalisé aujourd’hui sous un angle plus vert, le "Green New Deal".

Les réformes monétaires selon les Verts européens

Les Verts européens, qui ont tenu un congrès à Paris les 12 et 13 novembre 2011, ont tiré plusieurs conclusions de la crise monétaire et financière en cours. La première, relate Claude Turmes, c’est que la méthode "Merkozy" a échoué. Le directoire franco-allemand n’a pas réussi à mettre en place un mur contre la contagion de la crise. A peine un sommet a-t-il pris une décision présentée comme définitive, et voilà que quelques jours après, elle est jugée insuffisante par les marchés. L’EFSF ne suffit pas à faire face. Ensuite, la dimension démocratique de l’UE en prend un coup. 17 pays sont membres de la zone euro, 25 pays, donc 8 Etats membres supplémentaires actuels sont censés y entrer, et voilà que le Danemark, qui ne veut pas entrer dans l’euro, prend en pleine tourmente la présidence tournante du Conseil dès janvier 2012.

Quelles mesures prendre contre la crise ? Pour les Verts, il faut renforcer la lutte contre la spéculation. Le vote intervenu au Parlement européen sur le rapport Canfin qui introduit une réglementation sur les ventes à découvert le 15 novembre 2011 est un premier pas.

Mais les voix s’élèvent maintenant parmi les analystes, au Royaume Uni, en Pologne, et les Verts s’y associent, pour que la Banque centrale européenne devienne le "lender last resort". Claude Turmes reconnaît néanmoins, en renvoyant à la lettre assez comminatoire adressée le 5 août 2011 par l’ancien chef de la BCE, Jean-Claude Trichet, à Silvio Berlusconi, à l’époque encore président du Conseil de l’Italie, qu’il s’agit d’un "instrument problématique" d’un point de vue démocratique. Car une telle manière de procéder se situe en dehors des processus de décision politique.

Une meilleure solution serait de donner à l’ESM, au mécanisme de stabilité européen qui entrera en vigueur en 2013, une licence bancaire et le droit d’accès à la BCE. Mais cela n’est pas dans les textes, admet l’eurodéputé. Et de surcroît, une telle mesure attise les craintes allemandes que la BCE n’ait recours à la planche à billets pour faire marcher le crédit et que cela n’entraîne un relâchement de la discipline budgétaire. Bref, dans une telle constellation, il faut aller vers une modification des traités. 

La décote de 50 % de la dette grecque n'est pas non plus suffisante pour les Verts, car avec le jeu de la durée de la dette et des paiements d'intérêts, cette décote ne représente pour eux que 35 % en termes réels. Pour eux, il faudrait plutôt aller vers les 60 % afin que la Grèce arrive à se désendetter. D'autres pays devraient aussi prendre dès aujourd'hui le chemin d'un désendettement conséquent et équilibré. 

Une autre manière de procéder serait de prendre le chemin des Eurobonds, ce que la Commission s’apprête à faire dans les prochains jours avec un livre vert sur les détails techniques pour lancer de telles obligations – ce donc Claude Turmes se félicite – et cela malgré le fait que là aussi, l’Allemagne ait déjà annoncé son "non" clair et net. L’Allemagne, explique l’eurodéputé, est pour l’austérité, et cette austérité brisera la conjoncture, finira par toucher l’Allemagne qui ne pourra donc rester indéfiniment un hard-liner.

Une autre proposition des Verts est la recapitalisation des banques sur la base d’un ratio de fonds propres de 15 %, plus élevé que celui prôné actuellement avec 9 %. Les Verts plaident aussi pour une séparation entre banques commerciales et d’investissement et pour la limitation de la taille des banques à un niveau qui leur permettra de faire banqueroute sans affecter de manière systémique les économies.

Plus de justice sociale dans le cadre du "Green New Deal"

Reste que les Verts s’inquiètent des réactions des citoyens. Claude Turmes a cité une participation électorale de 45 % en Espagne (pourtant les résultats officiels affichent plus de 71 %, ndlr). En Italie, il a cité la manière négative dont a été reçue par les syndicats l’idée du nouveau chef du gouvernement technique, Mario Monti, d’augmenter la TVA et de diminuer les impôts sur le revenu, et encore plus son idée de ne plus permettre des négociations salariales au niveau national, mais seulement au niveau des entreprises. "Si le gros de la population croit qu’elle perdra, de sérieux problèmes s’annoncent", pense Claude Turmes, pour qui moins d’impôts pour relancer la conjoncture, cela défavorise les populations et ne profite qu’aux gens les plus fortunés.

Pour les Verts européens, il faudrait plutôt miser sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS, ou CCCTB en anglais), une approche que le gouvernement et la Chambre du Luxembourg ne partagent pas, et l’introduction d’une taxe sur les transactions financières, que les Verts veulent voir appliquée par les 17 pays de la zone euro, alors que le gouvernement la souhaite au niveau de tous les Etats membres de l’UE et comme ressource propre de l’UE. Finalement, les Verts voudraient une généralisation de l’impôt sur la fortune (ISF) au niveau européen pour rendre moins intéressante l’évasion fiscale au sein de l’UE, un impôt qui a été supprimé depuis 2006 au Luxembourg pour les personnes résidentes ou non-résidentes, mais pas pour les sociétés opaques résidentes et non résidentes.

Plus d’investissements

Bref, pour les Verts, il faut de l’austérité, mais aussi des impôts pour que les Etats et l’UE puissent procéder à des investissements. Des investissements dans le domaine de l’énergie par exemple, où l’UE dépense 400 milliards pour importer du gaz et du pétrole, et où, en investissant dans la production propre et l’efficience, elle pourrait économiser jusqu’à 50 milliards et créer un demi-million d’emplois, notamment dans la construction.  Ici, un programme élaboré entre Parlement européen et future présidence danoise du Conseil et soumis au Conseil européen pourrait réorienter les choses.

Mais pour qu’une telle stratégie d’investissement soit possible, il faut drainer le capital privé vers l’investissement, ce qui est selon Claude Turmes en interdisant certains types de spéculation et en rendant ces investissements attrayants par la reprise de certaines tranches-risques de l’investissement par la BEI, un projet auquel la Commission travaille avec ses Project Bonds. Claude Turmes pense que dans une telle hypothèse, une recapitalisation importante de la BEI est incontournable.

Et la démocratie dans tout ça ?

Les Verts européens prônent un équilibre entre la démocratie et la nécessaire rapidité des décisions pour lutter contre la crise. Claude Turmes comprend que la France et l’Allemagne, qui fournissent à eux deux 47 % des fonds de l’EFSF, donnent de la voix. Il comprend aussi que des gouvernements techniques soient désignés. Mais il faut que tout cela reste l’exception. La codécision et la démocratie sont la référence. Des réformes institutionnelles dans l’UE sont néanmoins inévitables. Le papier sur lequel Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso et Jean-Claude Juncker travaillent à ce sujet n’est pas encore public, et la pression de "Merkozy  sur eux est grande" selon l’eurodéputé. Mais il faut rétablir certains équilibres que le traité de Lisbonne a fait perdre à l’UE.