Le 21 mars 2013, les gestionnaires d’infrastructure et "organismes de répartition des capacités" des cinq pays traversés par le corridor de fret 2, à savoir les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la France et la Suisse, ont créé l’organe de gouvernance opérationnel qui accompagnera la réalisation de ce projet ferroviaire défini comme une priorité par la Commission européenne.
Ainsi, prenant la forme juridique d’un Groupement européen d’intérêt économique (GEIE), le comité de gestion du corridor de fret 2 réunit en son sein Marion Gout-van Sinderen, PD-G de Prorail (Pays-Bas), Luc Lallemand, administrateur délégué d’Infrabel (Belgique), Alex Kremer, directeur général des Chemins de Fer Luxembourgeois (CFL), Marc Oestreicher, directeur de l’Administration des Chemins de Fer (ACF, Luxembourg), Alain Quinet, directeur général délégué de Réseau Ferré de France (RFF), Philippe Gauderon, chef de l’infrastructure des Chemins de Fer Fédéraux (CFF, Suisse) ainsi que Thomas Isenmann, directeur de Sillon Suisse (TS). Il travaille en collaboration avec un comité exécutif réunissant les représentants des ministères du Transport des cinq Etats membres.
Cet organe de gouvernance est le successeur de l’organe de gouvernance du corridor dit "ERTMS C", créé en mars 2007, pour mettre en œuvre l’un des six corridors de fret européens définis par le programme des Réseaux transeuropéens (RTE). Rassemblant Français, Luxembourgeois, Belges et Suisses, l’organe avait accueilli les Néerlandais après la déclaration de Rotterdam du 24 juin 2010, qui a prolongé jusqu’à Rotterdam le parcours du corridor. De même, ce dernier s’est vu doter d'un itinéraire supplémentaire, reliant Anvers à Metz via Gand et Lille.
Ce premier organe avait pour mission principale de mettre en œuvre sur le corridor C le système européen de surveillance du trafic ferroviaire dit ERMTS. Toutefois, il "n’avait cependant jamais eu la vocation unique de traiter d’ERTMS", a rappelé le directeur général des Chemins de Fer Luxembourgeois, Alex Kremer. "En effet, l’un des buts (…) était de faciliter la coopération des gestionnaires d’infrastructure pour améliorer la qualité des circulations et l’interopérabilité des réseaux. Le corridor C était donc en cela une réelle préfiguration du corridor de fret 2". "Si le corridor de fret 2 se place dans la continuité du corridor C, sa création n’en constitue pas moins un évènement majeur pour le développement du fret ferroviaire", a néanmoins déclaré pour sa part l’administrateur délégué d’Infrabel, Luc Lallemand.
Le corridor de fret 2 a été créé par le règlement n° 913/2010 de la Commission européenne, créant neuf corridors de fret européens pour lesquels devait naître entre Etats membres une coopération renforcée pour améliorer la qualité de circulation et l’interopérabilité. Il relie par le réseau ferroviaire les principaux ports européens (Rotterdam et Anvers) aux zones industrielles de l’Europe de l’Ouest ainsi qu’aux portes d’entrée vers le Sud de l’Europe (Suisse, Sud de la France, Espagne et Italie). Le corridor de fret 2 est l’un des corridors ferroviaires les plus porteurs en Europe, avec déjà plus de 30 000 trains par an transportant plus de 20 millions de tonnes sur des relations internationales.
La création d’un comité de gestion est l’une des mesures prescrites par le règlement européen pour le lancement effectif des corridors le 10 novembre 2013. Ce jour-là, le comité de gestion publiera toutes les informations nécessaires aux conditions d’utilisation du corridor. Auparavant, il transmettra pour consultation le plan de mise en œuvre du corridor de fret 2 à ses futurs utilisateurs. Ce plan décrira les caractéristiques du corridor, les éléments essentiels de l’étude de marché, les objectifs poursuivis, le plan d’investissement et les mesures destinées à mettre en œuvre le règlement européen. Il sera ensuite transmis pour approbation au comité exécutif avant le 10 mai 2013.
Le comité de gestion publiera à l’automne 2013 un plan d’investissement présentant les investissements que ses membres comptent réaliser au cours des dix prochaines années. Il permettra d’harmoniser le déploiement d’ERTMS, la résorption des goulets d’étranglement, l’amélioration du gabarit des lignes ou les projets permettant de faire circuler des trains plus longs.
Par la création de neuf corridors de fret européens, la Commission entend créer un réseau européen pour un fret compétitif. "La longue distance est le domaine de pertinence du fret ferroviaire", a déclaré Luc Lallemand. "C’est sur la longue distance que le rail a le plus de chance de pouvoir gagner des parts de marché à la route. Or, en Europe, la longue distance signifie souvent l’international." Les systèmes nationaux, hérités du XIXe siècle, montrent encore de grands problèmes d’interopérabilité. "Aujourd’hui, le franchissement d’une frontière est plus facile pour un poids lourd que pour un train de marchandises", poursuit Luc Lallemand. Ainsi, il nécessite pour les entreprises ferroviaires, la mise en œuvre de moyens supplémentaires, telle l’ajout de plusieurs locomotives.
Le comité de gestion du corridor de fret 2 s’engage ainsi à lever tout obstacle. Pour ce faire, ses missions élargies couvrent l’allocation de capacité, la coordination des travaux, la coordination de la gestion des circulations et la planification des investissements.
A partir de novembre 2013, le corridor disposera d’un ensemble de sillons destinés uniquement aux trains de fret internationaux. La construction de ces sillons restera de la compétence des réseaux nationaux mais elle sera coordonnée par le comité. La Commission européenne a pour l’ensemble de la période 2008 à 2013 attribué une aide de 79 millions d'euros au corridor pour la réalisation de travaux d'infrastructure.
Il sera ainsi créé un guichet unique, donnant aux entreprises ferroviaires la possibilité de présenter des demandes de sillons en un seul. "Cette nouvelle règle permettra d’assurer une plus grande efficacité du processus d’attribution de capacité pour les trains de fret internationaux ainsi qu’un meilleur service pour le client", a déclaré Thomas Insenmann.
Le règlement de novembre 2010 insiste sur la place centrale à réserver aux clients du rail, terminaux et entreprises ferroviaires, dans les préoccupations des corridors. Le comité de gestion du corridor travaille également en étroite collaboration avec les terminaux : ports maritimes et fluviaux, chantiers de transports combinés, gares de triage. Il a créé pour cela, en 2012, un "groupe consultatif Terminaux", à la suite de la création d’un groupe consultatif Entreprises ferroviaires. Il s’agit notamment de discuter par exemple de l’information qui sera transmise aux utilisateurs du corridor ou de la cohérence entre la capacité des lignes ferroviaires et celle des terminaux. "La qualité de la connexion entre le corridor et les terminaux est de la plus haute importance pour maximiser l’attractivité du mode ferroviaire", a souligné Marion Gout-van Sinderen.
Cette dernière a cité l’enjeu du développement du port de Rotterdam pour le corridor de fret 2. Le plus grand port maritime d’Europe doit connaître une extension très importante grâce à la création d’un nouveau terminal en eau profonde, qui multipliera par trois le trafic de conteneurs dans le port d’ici à 2035. Or, les terminaux qui voudront utiliser cette nouvelle infrastructure maritime ne seront pas autorisés à transporter plus de 35 % des marchandises arrivant par la route. Ainsi, "on s’attend à ce qu’au moins 20 % du fret arrivant des navires continue son chemin par le rail".