Afin de limiter l’utilisation des recettes tirées de l'exploitation minière pour financer des conflits armés, la Commission européenne et le Conseil ont proposé de concert, le 5 mars 2014, un projet de règlement instaurant un mécanisme européen de certification volontaire pour les importateurs d'étain, de tantale, de tungstène et d'or qui choisissent d'en importer dans l'Union de manière responsable.
Présentée par la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union, Catherine Ashton, et le commissaire européen chargé du commerce, Karel De Gucht, cette stratégie européenne intégrée repose sur deux grands principes: faciliter la tâche aux entreprises qui souhaitent s'approvisionner de manière responsable en étain, en tantale, en tungstène et en or et encourager les échanges licites.
La proposition de règlement a été élaborée en réponse à une résolution de 2010 du Parlement européen appelant l'Union à légiférer en s’inspirant de la réglementation des États-Unis qui impose aux entreprises américaines utilisant des "minerais du conflit" d'en déclarer l'origine et d'exercer un devoir de diligence. Pour sa réalisation la Commission a beaucoup consulté : le projet fait suite à une consultation publique, une analyse d'impact et des consultations approfondies menées avec l'OCDE, les entreprises, la société civile, ainsi qu'avec les institutions des pays producteurs.
Le régime qui est proposé par le projet de règlement impose aux entreprises européennes qui importent ces métaux et leurs minerais d'exercer un «devoir de diligence» – en d'autres termes, d'éviter de nuire sur le terrain – en supervisant et en administrant leurs achats et leurs ventes conformément aux cinq étapes définies par l’OCDE dans son guide sur le devoir de diligence.
"Le but est d'agir au niveau le plus stratégique de la chaîne d'approvisionnement de l'Union concernant ces minerais et de permettre aux informations liées au devoir de diligence d'arriver jusqu'aux utilisateurs finaux", estime la Commission. Pour inciter les fonderies et affineries à rendre davantage compte de leurs activités, accroître la transparence dans la chaîne d'approvisionnement et faciliter l'approvisionnement responsable en minerais, l'Union se propose de publier chaque année une liste des "fonderies et affineries responsables", d'Europe ou d'ailleurs. Avec plus de 400 importateurs de ces minerais et métaux, l'Union constitue l'un des plus gros marchés pour l'étain, le tantale, le tungstène et l'or.
"Nous sommes décidés à empêcher que le commerce international de minerais ne contribue à l'escalade ou à la persistance de conflits", ont déclaré Catherine Ashton et Karel De Gucht par voie de communiqué. Et de poursuivre: "L'initiative d'aujourd'hui sur les 'minerais du conflit' aidera à ce que le commerce soit un facteur de paix et de prospérité, au service des populations locales, dans les régions du monde en proie à des conflits armés. Cette initiative, qui arrive à point nommé, est la première de l'Union européenne pour soutenir le consensus atteint par les entreprises, la société civile et les gouvernements des pays membres de l'OCDE sur la nécessité d'aider les populations locales à bénéficier de leurs ressources naturelles."
Le règlement proposé est par ailleurs assorti d'une "communication conjointe" qui présente la stratégie globale et complète de politique étrangère mise au point pour rompre le lien existant entre les conflits et le commerce de minerais extraits dans les zones concernées.
Ce document réaffirme la volonté de l'Union de favoriser l'application du guide de l'OCDE sur le devoir de diligence et définit les mesures de sensibilisation et de soutien à mener à cet égard dans le cadre de l'action extérieure européenne. Par cette communication, la Commission et la haute représentante confirment que les "minerais du conflit" sont à l'ordre du jour de l'action extérieure de l'Union et que celle-ci prendra des dispositions concrètes au niveau national et international, allant d'un soutien aux dialogues stratégiques à des échanges diplomatiques avec les pays accueillant des fonderies.
La Commission et la Haute représentante réitèrent dans la communication leur volonté de promouvoir une diplomatie européenne forte et cohérente en ce qui concerne les matières premières, en abordant la corrélation entre les questions de sécurité et de développement selon une démarche concertée et stratégique.
L'initiative conjointe de la Commission et du Conseil comprend également des mesures d'incitation à l'appui du règlement, visant à encourager les entreprises européennes à faire preuve de diligence à l'égard de leur chaîne d'approvisionnement, notamment:
Les ONG, qui réclamaient un cadre contraignant assorti de sanctions pour endiguer le commerce des minerais de guerre, tout comme le Parlement européen (co-décideur aux côtés du Conseil sur ce projet législatif) qui l’avait encore rappelé le 26 février 2014 dans une résolution adoptée en plénière, ne risquent vraisemblablement pas de se satisfaire du cadre proposé. Amnesty International France a ainsi souligné que la proposition de règlement était à ses yeux insuffisante pour "garantir que les entreprises européennes, qui les achètent, ne participent pas au financement de conflits ou à des violations des droits humains", lit-on dans un communiqué de l'ONG.
Amnesty rappelle par ailleurs que plus de 60 organisations non gouvernementales – dont Amnesty International - ont publiquement pris position en septembre 2013 pour souligner la nécessité d’une législation robuste, fondée sur les normes existantes en matière de diligence raisonnable, telles que définies par l’ONU et l’OCDE.