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Changement climatique - Énergie - Environnement
La Commission européenne présente un projet de directive pour réduire la teneur en carbone des carburants destinés aux transports, qui élimine la catégorie distincte pour les carburants dérivés des sables bitumineux
07-10-2014


sables-bitumineux-source-greenpeace-euLa Commission européenne a adopté le 7 octobre une proposition visant à mettre en œuvre les obligations inscrites dans le texte qui a modifié en 2009 la directive sur la qualité des carburants, qui signifie un revirement de sa part.

L’article 7 bis de cette directive impose aux fournisseurs de réduire de 6 %, d’ici à 2020, l’intensité d'émission de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie des carburants et des autres sources d'énergie fournis aux fins de leur utilisation dans les véhicules routiers.

Au titre de la directive, les fournisseurs sont en outre tenus de déclarer à l’autorité désignée par l’État membre l’intensité d'émission de gaz à effet de serre des carburants qu'ils fournissent. La proposition définit la norme relative aux carburants à faible teneur en carbone exigée par la directive sur la qualité des carburants et lui donne effet dans la législation de l’Union. 

Connie Hedegaard, membre de la Commission européenne chargée de l’action pour le climat, a indiqué à ce propos: «La Commission est enfin en mesure de présenter cette proposition, destinée à améliorer le bilan climatique de nos carburants utilisés pour les transports. On sait que notre proposition initiale n’a pas pu être adoptée, en raison des résistances rencontrées dans certains États membres."

En effet, dans une première proposition faite en octobre 2011, la Commission avait voulu attribuer aux sables bitumineux une valeur par défaut de gaz à effet de serre de 107 grammes d'équivalent CO2 par mégajoule (CO2 eq/MJ), alors que la valeur par défaut du pétrole brut est d'environ 87,5 grammes CO2 eq/MJ. Cette valeur pour les sables bitumineux, qui permettait que les sables bitumineux de l’Alberta canadiens fussent traités séparément avec une "valeur d’intensité" en gaz à effet de serre de 22 % supérieure à celle des bruts ordinaires, une valeur qui devait refléter les dégâts qu’ils ont causés sur l’environnement et décourager les importations à haute teneur en carbone.

Finalement, les Etats membres ont cédé aux pressions du Canada et cette première proposition n’est pas passée, au grand dam des grandes organisations écologiques européennes. La proposition révisée du 7 octobre 2014 élimine la catégorie distincte pour le carburant dérivé des sables bitumineux alors qu’au Canada, avec qui les négociations sur le CETA viennent d’être achevées, 80 % des projets d’extraction de pétrole bitumineux évitent d’ores et déjà les évaluations environnementales. Même si actuellement, seulement 0, 01 % des carburants utilisés dans l’UE sont issus des sables bitumineux, cette proportion va augmenter fortement sous peu.

Le revirement de la Commission est formulé avec les éléments de langage suivants attribués à la commissaire Hedegaard: "La Commission donne aujourd’hui une nouvelle impulsion à ce texte, pour faire en sorte qu’existe à l'avenir une méthodologie propre à encourager le recours à des carburants plus respectueux de l'environnement, de préférence à des combustibles plus polluants, comme les sables bitumineux. C’est pourquoi je recommande vivement aux États membres d’adopter cette proposition et de conserver les garanties qui permettront l'utilisation de carburants plus propres dans les transports en Europe." Reste que ces combustibles qualifiés comme les plus polluants n’apparaissent plus dans le texte législatif.

La proposition détermine une méthode de calcul de l’intensité en carbone des différents types de carburants, à savoir l’essence, le diesel, le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et le gaz naturel comprimé (GNC). Chacun de ces types de combustibles se verra attribuer une valeur par défaut sur la base des émissions produites tout au long de son cycle de vie. Les fournisseurs devront dorénavant utiliser ces valeurs lors de la déclaration de l’intensité en carbone des carburants fournis aux États membres, afin d’atteindre en 2020 une réduction de 6 % des émissions de carbone provenant des transports.

Pour accroître la transparence quant au type et à l’origine des carburants utilisés dans les transports routiers de l’UE, la Commission veut mettre en place des règles plus strictes en matière de déclaration. Ces informations devront être communiquées par les fournisseurs aux États membres et ensuite par les États membres à la Commission. Elles permettront de mieux connaître la combinaison de combustibles utilisés par les véhicules routiers dans l’Union.

La nouvelle méthode et la procédure de déclaration renforcée devraient également susciter des signaux du marché qui garantiront la réalisation de l’objectif de 6 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cela signifie que toute hausse potentielle du volume des pétroles bruts présentant une haute intensité en carbone (comme les sables bitumeux), par rapport à leur niveau de référence de 2010, devrait donner lieu à des efforts proportionnels visant à réduire les émissions dans d’autres domaines.

Cet objectif pourrait être atteint grâce à l’utilisation de biocarburants durables et de l’électricité, ou, par exemple, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre pendant l’extraction des combustibles fossiles.

Bref, la Commission passe de l’évaluation climatique, dont elle livre les éléments mais qu’elle dispense d’être obligatoire, à une obligation d’informer dont elle espère qu’elle déclenchera assez de pressions afin que l’industrie énergétique se tourne vers des sources qui ont moins d’impact sur l’environnement et le climat.

L’ONG Friends of Earth a parlé d’une "dilution de la politique climatique de l’UE et juge que cette manière d’agir à un an de la Conférence mondiale sur le climat à Paris est "irresponsable". La directrice de Greenpeace UE pour l’énergie et les transports, Franziska Achterberg, abonde dans le même sens: "Cette mesure ne permettra pas de stopper des carburants qui sont nocifs au climat comme les sables bitumineux d’entrer sur les marchés européens. Elle ne réussira pas à atteindre l’objectif de la législation qui est de rendre plus propres les carburants pour le transport en Europe."

La proposition va maintenant être soumise pour décision au Conseil, dans un délai de deux mois, et au Parlement européen pour examen.

Contexte

Réduire l’empreinte carbone des carburants utilisés dans les transports fait partie du paquet climat et énergie 2020. Cela fait aussi partie intégrante de l’action visant à "décarboniser" progressivement le secteur des transports, conformément à la politique de l’UE en matière de changement climatique et au Livre blanc sur les transports. Il s’agit d’une contribution à la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport aux niveaux de 1990, d’ici à 2020.