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Entreprises et industrie - Environnement
La Fedil appelle à une réforme du système d’échange de quotas d’émissions et met en garde contre une pénurie croissante de quotas
27-11-2014


fedilLa fédération des industriels au Luxembourg (Fedil) a appelé à une réforme du système d’échange de quotas d’émissions de CO2 (SEQE ou ETS) alors qu’elle craint une pénurie croissante des quotas, lors d’une conférence de presse le 27 novembre 2014. La Fedil, qui dénonce incertitude et imprévisibilité sur le marché des quotas, demande à la Commission européenne de proposer dans les prochains mois un paquet de réforme du système ETS, qui inclut entre autre une nouvelle méthode d’allocation, en amont du Conseil Compétitivité (4 et 5 décembre) et du Conseil Environnement (17 décembre).

"Sous sa forme actuelle, l’ETS encourage la non-production et contribue dans le contexte global à la délocalisation de l’industrie hors de l’Union européenne. Nous proposons, ensemble avec nos partenaires européens, une réforme en bloc du système qui permettra à l’industrie de disposer d’une plus grande visibilité quant à leurs coûts de production et, par ce biais, un cadre plus propice à l’investissement en Europe", estime René Winkin, secrétaire général de la Fedil, dans un communiqué.

Le contexte

Selon la Commission, l’ETS couvre 45 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union, émis notamment par des installations de production d’énergie, installations industrielles (sidérurgie, métaux, ciment, verre, chimie, …). Les émissions restantes, qui ne sont pas couvertes par le système ETS, sont inclues dans le secteur non-ETS (transports, bâtiments, agriculture).

Créé en 2005, le marché européen du carbone visait à réduire, d’ici 2020, de 21 % les émissions des secteurs industriels qu’il couvre (par rapport à 2005). Un "quota" correspond à l’autorisation d’émettre une tonne d’équivalent de CO2. Le principe du système est que si les entreprises émettent plus, elles doivent racheter des quotas sur le marché, alors que si elles émettent moins que prévu, elles peuvent revendre le surplus.

Avec la crise, l’excédent des quotas s’est avéré problématique. La Commission a alors demandé un gel temporaire des quotas, adopté, non sans susciter d’importants débats au Parlement européen, en décembre 2013. "L'excédent des quotas d'émission, lié à une offre excessive et à la crise économique, a entraîné une diminution du prix du carbone à des niveaux beaucoup plus bas que ne le laissaient prévoir les estimations lors de la création du SCEQE", avait alors justifié le Parlement.

L’accord sur le climat trouvé par le Conseil européen en octobre 2014 prévoit une réduction de 40 % des émissions de CO2 d’ici 2030. Dans le secteur ETS, cette réduction se fera grâce à une réforme du SEQE.

L'enjeu de la suppression de l'attribution gratuite de quotas

Pour le secteur ETS, cela représente une réduction de 43 %, pour le secteur non-ETS une réduction de 30 % par rapport à 2005, selon une infographie présentée par la Fedil. Cela correspond à une réduction annuelle de 2,2 % à partir de 2021 (pour le secteur ETS). Un des enjeux importants du Conseil était l’attribution gratuite des quotas, qui ne sera finalement pas supprimée, selon les conclusions. Celles-ci promettent des attributions qui "garantiront une meilleure prise en compte des variations des niveaux de production dans différents secteurs". Afin de préserver la compétitivité internationale, les installations les plus efficaces dans ces secteurs ne devraient pas être exposées à des coûts du carbone excessifs entraînant une fuite de carbone, peut-on lire dans les conclusions.

Pour rappel, la directive de 2009 visant à améliorer le SEQE prévoyait que l’allocation de quotas à titre gratuit diminuerait chaque année d’une quantité égale, pour atteindre 30 % de quotas gratuits à compter de 2020, en vue de parvenir à la suppression des quotas gratuits en 2027. Elle prévoyait toutefois aussi que certains secteurs à forte consommation d’énergie pourraient continuer d’obtenir des quotas gratuits pour éviter tout risque de fuite de carbone ("Carbon leakage"), c’est-à-dire un risque de délocalisation dans des pays tiers où les lois relatives à la protection du climat sont moins strictes.

En 2011, la Commission avait adopté une décision relative aux modalités d'allocation gratuite des quotas d'émission à compter de 2013. Selon ce texte, les secteurs à risque de fuite de carbone recevraient des quotas à titre gratuit jusqu'en 2020, tandis que les autres secteurs se verraient allouer des quotas à concurrence de 80 % d’un référentiel établi en 2013, cette proportion diminuant ensuite pour tomber à 30 % en 2020. Selon le communiqué, les quotas gratuits permettraient aux entreprises de couvrir jusqu'à 70 à 80 % des émissions de la période 2005-2008.

Les producteurs d’électricités sont exclus des quotas gratuits depuis 2013. Au Luxembourg, une quinzaine d’entreprises industrielles tomberaient sous le système ETS, dont onze profiteraient de quotas gratuits, selon le Quotidien.

"Si un accord international qui prévoit des contributions équivalentes pour tous les espaces économiques n’est pas trouvé d’ici 2015, l’Union européenne devra assurer que son industrie puisse rester compétitive. Dans ses conclusions, le Conseil européen partage notre analyse et nous estimons qu’il faut agir dans ce cens dès maintenant", estime Robert Dennewald, président de la Fedil.

La Fedil met en garde contre une pénurie de quotas et propose une réforme de la méthode d'allocation gratuite

La Fedil met en garde contre une sous-allocation de quotas sous laquelle tomberont "quasiment toutes les entreprises entre 2013 et 2020. Selon la Fedil, l’industrie européenne en général, et luxembourgeoise en particulier, est confrontée à un manque prévisible de quotas d’émissions jusqu’en 2020. La fédération craint que cette pénurie s’accentuera suite à la nouvelle trajectoire de réduction prévue à l’horizon 2030. Selon le Quotidien, le manque est estimé à plus de 20 %.

La Fedil estime que les excédents accumulés en période de crise seront insuffisants pour compenser le besoin et que le potentiel technologique pouvant être mobilisé pour réduire les émissions est "très limité". Ces incertitudes auraient un effet "détériorant" sur le climat d'investissement.

La fédération propose une réforme "en profondeur" de la méthode d’allocation gratuite des quotas ainsi que des mesures qui prennent en compte les différentiels de prix de l’énergie entre l’Europe et ses principaux concurrents. La méthode d’allocation gratuite devrait se baser sur la production réelle pour encourager ainsi les investissements alors qu’elle se base actuellement sur un niveau historique de production (entre 2005-2008). L’actuel système fonctionne comme une récompense en cas de baisse de production, estime la Fedil.

Le mécanisme de réserve de stabilité du marché remis en question

"Les propositions qui sont en discussion actuellement, telles la réserve de stabilité du marché, ne font qu’aggraver le problème de coûts et d’incertitude de l’industrie. Ces discussions devraient être mises en suspens et discutées dans le contexte de la réforme complète du système", constate René Winkin.

Censée "remédier au problème des excédents de quotas d'émission", selon la Commission, la réserve de stabilité du marché vise à créer une réserve de quotas en retirant 12 % du marché en cas d’excédent pour les réinjecter en cas de besoin. Cette proposition a été présentée par la Commission en janvier 2014 lorsqu’elle a fait ses propositions en vue de définir les objectifs de l’UE en matière de climat et d’énergie pour l’horizon 2030. La réserve a "pour fonction de déclencher un ajustement des volumes annuels de quotas à mettre aux enchères lorsque le nombre total de quotas en circulation sort des limites d'une certaine fourchette prédéfinie".   

Ces ajustements se feront à partir de la prochaine période d’échange de quotas d’émission du SEQE en 2021. Selon la Fedil, cette proposition vise à propulser le prix des quotas.

La proposition de la Fedil vise à adapter le volume des quotas alloués gratuitement à l’évolution de la production. Cela éviterait le risque d’une sur-allocation en cas de crise et celui de pénalisation en cas de hausse des niveaux de production, estime-t-elle. Cette méthode "stimulerait davantage de progrès technologiques puisque les réductions de production ne seraient plus une option pour combler un déficit de quotas".