Les ministres des Finances de l’UE ont salué le 27 janvier 2015 la proposition de règlement introduisant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) censé attirer 315 milliards d'euros d'investissements privés sur 3 ans. La Commission européenne espère un accord politique sur cette proposition, présentée le 13 janvier 2015, en mars et une adoption pour juin pour lancer le Fonds en été, a déclaré Valdis Dombrovskis, commissaire européen chargé de l’euro et du dialogue social, lors d’une conférence de presse à l’issue du Conseil. L’EFSI comprendra une garantie de 16 milliards d'euros provenant du budget de l'UE, combinée à 5 milliards d'euros engagés par la BEI, indiquent les conclusions provisoires.
Les ministres des Finances ont également discuté sur la gouvernance économique et la flexibilité au service de l’investissement dans le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). La Commission européenne avait présenté le 13 janvier 2015 une communication détaillant la manière dont elle appliquera les règles du PSC pour renforcer le lien entre réformes structurelles, investissements et responsabilité budgétaire pour favoriser la création d’emplois et la croissance. Le sujet avait également été discuté la veille par l’Eurogroupe.
"Les règles s’appliquent à tous les Etats membres de manière égale, tout en prenant en compte la situation économique dans chaque Etat membre", a précisé Valdis Dombrovskis. Il a souligné que seuls les Etats membres qui ont des "politiques budgétaires crédibles" et qui présentent des "mesures concrètes" en terme de réformes structurelles ou d’investissements pourront profiter d’une plus grande flexibilité. "Les intentions ne suffisent pas", a mis en garde le commissaire. Il a rappelé que la Commission "ne change pas les règles", mais qu’elle "les clarifie". Les Etats membres devront faire des "efforts budgétaires" lors d’une période de croissance économique et réduire ces efforts lors d’une récession.
Le Conseil a en outre approuvé un accord en trilogue de décembre 2014 sur une quatrième directive anti-blanchiment qui vise à renforcer les règles de l’UE relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le terrorisme. Elle avait été présentée par la Commission européenne en février 2013, avec un règlement sur les informations accompagnant les virements de fonds qui vise à améliorer la traçabilité en exigeant l'inclusion d'informations sur le bénéficiaire. Ces registres seraient accessibles aux personnes ayant un "intérêt légitime", tels que les journalistes d'investigation ou d'autres citoyens concernés.
Cette directive est "la pierre angulaire" dans la lutte contre le financement du terrorisme, a jugé Janis Reirs, le ministre letton des Finances, qui préside le Conseil ECOFIN. Les conclusions provisoires évoquent une déclaration commune du Conseil et de la Commission, qui appellent à transposer rapidement ces nouvelles règles et à renforcer la coopération entre les services de renseignements financiers des Etats membres.
Le Conseil a également évoqué l'octroi d'une nouvelle aide macro-financière de 1,8 milliard d’euros à l'Ukraine, comme l’avait proposé la Commission européenne le 8 janvier 2015. "Nous allons procéder à l'adoption de la décision permettant d'attribuer cette somme", a indiqué Valdis Dombrovskis, rappelant qu'un soutien était conditionné à l'application de réformes. L'aide sera attribuée en 3 tranches de 600 millions d'euros, avec un premier décaissement qui devrait se faire à la mi-2015. Le travail sur cette aide va être une "priorité" de la présidence lettone, notent les conclusions.
Le Conseil a par ailleurs approuvé les modalités de la participation de l’UE à la réunion des ministres de Finances au G20 le 9 et 10 février 2015. Les ministres ont par ailleurs discuté du programme de la présidence lettone et du programme de travail pour 2015 de la Commission européenne.
Les ministres des Finances ont adopté une proposition modifiant la directive "sociétés mères-filiales" de l'UE via l’introduction d’une clause générale anti-abus contraignante, suite à un accord politique trouvé lors du Conseil Ecofin de décembre 2014. Le projet de clause anti-abus vise à mettre un terme à l'évasion fiscale et à la planification fiscale agressive des groupes d'entreprises. Il est formulé comme une règle "de minimis" permettant aux Etats membres d'appliquer des règles nationales plus strictes, tant qu'ils respectent les exigences minimales de l'UE. Les Etats membres ont jusqu’au 31 décembre 2015 pour transposer la directive, indique le communiqué.
Pour mémoire, la directive "mères-filiales" actuellement en vigueur visait à ce que les bénéfices réalisés par les groupes transfrontières ne soient pas imposés deux fois (double imposition), cela contrairement aux groupes nationaux. Or, certaines lacunes dans ce texte permettaient aux groupes d'entreprises d'exploiter les asymétries entre les règles fiscales nationales de façon à échapper à l'impôt sur certains types de bénéfices distribués au sein du groupe (double non-imposition) grâce, entre autres, aux dispositifs dits de prêts hybrides.
La révision de la directive "mère-filiales", proposée par la Commission en novembre 2013, visait à combler ces lacunes avec le double objectif de traiter la question des dispositifs de prêt hybrides et d'insérer une clause générale anti-abus. Après un premier accord politique relatif aux prêts hybrides au Conseil en juin 2014, les ministres étaient une nouvelle fois invités à s’accorder sur une proposition de compromis de la Présidence concernant une règle commune anti-abus, après avoir échoué lors du Conseil ECOFIN de novembre 2014.
Concrètement, la nouvelle clause vise à empêcher une utilisation détournée de la directive et à assurer une plus grande cohérence dans son application par les différents États membres. Son objectif est de "lutter contre un montage ou un ensemble de montages non authentique, c'est-à-dire qui ne reflète pas la réalité économique", note le texte, qui souligne la nécessité d’une application "proportionnée". Autrement dit, les Etats membres "n'accordent pas les avantages de la présente directive à un montage ou un ensemble de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir (…) un avantage fiscal" allant à l'encontre de la directive et qui "n'est pas authentique". Un montage est défini comme "non authentique s'il n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique".
La clause anti-abus "ouvre la voie à d’autres mesures dans ce domaine", notamment l’échange automatique d’informations (EAI) sur les décisions fiscales anticipatives pour lequel la Commission veut présenter une proposition législative au printemps, a déclaré Valdis Dombrovskis. "Grâce à cette clause, nous allons combler une lacune pouvant être exploitée pour une planification fiscale agressive", a-t-il ajouté.