La commission des droits de la femme et de l’égalité des genres a adopté le 20 janvier 2015 le rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’Union européenne en 2013, a annoncé le Parlement européen dans un communiqué. Le rapporteur Marc Tarabella (S&D) a un changement "trop lent" : "Si nous continuons à ce rythme, la différence de rémunération entre les hommes et les femmes ne disparaîtra qu'en 2084. Depuis mon dernier rapport il y a cinq ans, l'emploi des femmes a augmenté de 60 à 63 %, ce qui n'est pas suffisant", a-t-il déclaré. Le rapport qui a été adopté avec 24 voix pour, 9 contre et 2 abstentions, fait le bilan des progrès en matière d'égalité entre hommes et femmes en 2013. Il met en lumière les problèmes qui subsistent, tels que l'écart salarial ou la violence contre les femmes.
Le rapport aborde la question du droit des femmes à l’avortement, une question qui divise le Parlement européen. Pour mémoire, le Parlement européen avait rejeté en décembre 2013 le rapport sur la santé et les droits sexuels et génésiques de la socialiste Edite Estrela, qui avait plaidé pour rendre l’avortement "légal, sûr et accessible à tous". Ce rapport avait souligné que "l'accès à un avortement sûr est interdit, sauf dans des circonstances très limitées, dans trois États membres de l'UE (Irlande, Malte et Pologne)" et que les femmes "vivant dans des pays imposant des restrictions à la pratique de l'avortement se rendent dans d'autres Etats membres pour se faire avorter".
Le rapport Tarabella met en avant que les femmes "doivent avoir le contrôle de leurs droits sexuels et reproductifs, notamment grâce à un accès aisé à la contraception et à l'avortement". Il appelle à mieux les informer de leurs droits et des services disponibles, mais également à "sensibiliser les hommes quant à leurs responsabilités sur les questions sexuelles et reproductives". Selon Marc Tarabella, ce rapport "n'est pas pour ou contre l'avortement" mais "concerne l'égalité et le droit de choisir, qui sont des droits fondamentaux".
Le rapport Tarabella demande aux Etats membres de relancer les négociations sur la directive sur le congé de maternité et "déplore le blocage du Conseil". Cette proposition de directive est bloquée depuis quatre ans et sous menace d’être retirée dans le cadre de l’agenda "Mieux légiférer", ce qui a suscité de vives critiques du groupe S&D. Pour mémoire, le Parlement européen avait adopté en octobre 2010 une résolution en faveur de la prolongation du congé de maternité minimum de 14 à 20 semaines, tandis la Commission avait proposé 18 semaines. Le Conseil n’a toujours pas adopté de position. Dans le rapport, les députés réitèrent leur volonté de coopérer pour trouver un compromis.
Un point très important est la violence contre les femmes. Le rapport demande ainsi à la Commission et aux États membres d'instituer une Année européenne de lutte contre la violence envers les femmes en 2016 (celle de 2015 étant consacrée au développement). "Ce serait une mesure symbolique, mais il est important d'en parler car c'est encore un tabou dans certains pays", a commenté Marc Tarabella. Le texte rappelle qu'une femme sur trois dans l'Union européenne a déjà subi de la violence physique et/ou sexuelle. Le rapport demande également à la Commission d'encourager les ratifications nationales et de lancer au plus vite la procédure d'adhésion de l'Union à la Convention d'Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
Le rapport appelle la Commission et les Etats membres d'instituer un congé de paternité rémunéré d'une durée minimale de 10 jours ouvrables, en rappelant qu'un quart des États membres ne proposent pas de congé de paternité. Il appelle à favoriser les mesures permettant aux hommes, et en particulier aux pères, d'exercer leur droit à concilier vie privée et vie professionnelle.
Un autre sujet du rapport est la différence de rémunération et la différence de pension entre les femmes et les hommes. Il insiste sur "l'impérieuse nécessité de réduire" cette différence, notamment via l’application de la directive 2006/54/CE sur l’égalité des chances. Le texte rappelle que la différence s'élève à 16,4 % et que l'égalité de rémunération serait une réalité en 2084, si les choses continuaient au rythme actuel. Il insiste sur le fait que le taux d'emploi des femmes s'élève à 63 % et que l’objectif de 75 % serait atteint à ce rythme en 2038. Il précise en outre 73 % des députés nationaux sont des hommes et que les femmes représentent 17,8 % des membres des conseils d'administration des grandes entreprises. "Le plafond de verre est encore une réalité, surtout dès que l'on parle de quotas de femmes dans les entreprises cotées en bourse. On peut en parler pendant 30 ans, mais pour permettre une réelle évolution, il faut des mesures coercitives", a déclaré Marc Tarabella.
Le texte rappelle que le coût des services de garde reste un obstacle important pour les femmes. Ainsi, 53 % des mères qui déclarent ne pas travailler ou travailler à temps partiel pour des raisons liées aux services formels de garde, considèrent le prix comme un obstacle. Ce chiffre est supérieur à 70 % en Irlande, aux Pays-Bas, en Roumanie et au Royaume-Uni, note le texte. Dans ce contexte, le rapport félicite la Suède, la Belgique, la France, la Slovénie, le Danemark et le Royaume-Uni d'avoir atteint les objectifs de Barcelone, convenus en 2002, sur l'amélioration des services de garde d'enfants.
Le rapport met en garde contre les politiques d'assainissement budgétaire qui toucheraient plus les femmes, plus présentes dans le secteur public. Cela entrainerait "une double peine", note le rapport, qui y voit le risque d’une "plus grande précarisation du travail, notamment par l'accroissement du temps partiel et des contrats temporaires". Dans ce contexte, il souligne l'urgence de lutter contre la pauvreté féminine, en particulier la pauvreté des femmes âgées et des mères célibataires.
Pour conclure, le rapport regrette le fait qu’il ne soit qu’un document de travail annexé au rapport sur l'application de la charte européenne des droits fondamentaux et demande à la Commission une adoption officielle et distincte.