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Transports
La Commission européenne lance une procédure d'infraction contre l'Allemagne concernant le nouveau système de tarification routière pour les véhicules de tourisme ("PKW-Maut")
18-06-2015


Le 8 juin 2015, l'Allemagne a adopté une loi introduisant un système de tarification routière sous la forme d'une vignette redevable par les véhicules de tourisme empruntant le réseau autoroutier. Dans le même temps, une réduction de la taxation applicable aux véhicules immatriculés en Allemagne a été décidée. Cela permettra aux véhicules immatriculés en Allemagne - et uniquement à ces véhicules – d'être de facto exemptés de la vignette.Un panneau routier en Autriche indiquant un péage (Source: Asfinag)

Cette loi avait déjà suscité un grand débat à la fois en Allemagne dans les régions frontalières tout comme dans les pays qui ont une frontière commune et souvent franchie avec l’Allemagne, comme le Luxembourg.

Comme Jean-Claude Juncker l’avait déjà annoncé début juin 2015, la Commission européenne a lancé le 18 juin 2015 une procédure d'infraction contre l'Allemagne concernant son nouveau système de tarification routière pour les véhicules de tourisme.

Pour la commissaire aux Transports Violeta Bulc, "un système de tarification routière n'est compatible avec le droit européen que s'il respecte le principe fondamental de non-discrimination inscrit dans les Traités. Nous doutons sérieusement que la législation allemande respecte ce principe. Une procédure d'infraction permettra de lever ces doutes. Dans l'intérêt des citoyens UE, il n'y a pas de temps à perdre."

La Commission est principalement préoccupée par un effet de discrimination indirecte fondée sur la nationalité. Deux caractéristiques du système allemand augurent selon la Commission d'une telle discrimination :

  1. Les utilisateurs allemands – et uniquement eux - n'auront pas, dans les faits, à payer pour utiliser le réseau autoroutier car ils bénéficient d'une réduction fiscale d'un montant exactement équivalent au prix de la vignette.
  2. Le prix des vignettes de courte durée, qui sont le plus susceptibles d'être achetées par des utilisateurs étrangers, est disproportionnellement élevé.

La Commission insiste dans son communiqué sur le fait que, depuis que le principe du dispositif a été annoncé en 2013, elle a "maintenu un dialogue intense avec les autorités allemandes afin d'en évaluer la compatibilité avec le droit européen".

Sur la base d'analyses juridiques exhaustives, la Commission a plusieurs fois exprimé des réserves, tant auprès des experts techniques qu'à un niveau plus politique lors de contacts avec le ministère fédéral compétent. Suite à l'annonce de la version finale du texte de loi, la Commission se voit donc être "au regret de constater que ses préoccupations liées au caractère discriminatoire de la mesure n'ont pas été levées".

La Commission est d'avis que le nouveau système de tarification routière pour les véhicules de tourisme – parfois qualifié de "péage pour étranger" – pénalise les conducteurs européens bien plus que les conducteurs allemands. Des systèmes de tarification mis en place dans d'autres pays de l'Union, comme l'Autriche ou la Slovénie, ne présentent pas un tel caractère discriminatoire, "grâce notamment à l'intervention de la Commission en amont de leur introduction".

Suite à la publication des lois en question dans le Journal Officiel allemand le 11 juin 2015, la Commission, agissant dans son rôle de "gardienne des traités" que lui ont confié les 28 Etats Membres de l'Union, a immédiatement décidé de l'envoi d'une lettre de mise en demeure. La Commission reste disposée à discuter avec les autorités allemandes.

La Commission préconise le recours à des mécanismes de tarification qui soient proportionnels et basés sur la distance (type "péages") afin de mieux refléter les principes "utilisateur-payeur" et "pollueur-payeur", notamment pour financer l'entretien des routes.

Le Livre Blanc sur les Transports de 2011 formulait de telles recommandations ainsi qu'une refonte de la fiscalité des véhicules, afin d'adresser des signaux économiques clairs et cohérents à l'ensemble des utilisateurs.

Le système adopté en Allemagne "ne respecte pas les principes du Livre Blanc sur les Transports de 2011, dans la mesure où il n'y a pas de corrélation entre l'intensité d'utilisation du réseau et le montant de la redevance due", conclut la Commission.

Prochaines étapes

Les autorités allemandes ont désormais deux mois pour répondre aux arguments juridiques mis en avant par la Commission dans sa lettre de mise en demeure. Si malgré cela des doutes persistent, la Commission pourrait envisager d'adresser un Avis Motivé à l'Allemagne.

La réaction du ministre des Transports allemand, Alexander Dobrindt

Dans une interview donnée à la Bild-Zeitung, le ministre allemand des Transports, Alexander Dobrindt, a dû admettre que la procédure engagée par la Commission européenne freinera la mise en œuvre de la "Maut" en 2016. Le ministre issu de la CSU bavaroise a déclaré que l’Allemagne appliquera les règles de l’Etat de droit et sursoira à la mise en œuvre du nouveau système en attendant une décision de la Cour de Justice de l’UE. Lui-même mènera dans le cadre de la procédure engagée "une confrontation dure avec Bruxelles", excluant donc implicitement un règlement à l’amiable. Pour Alexander Dobrindt, "le gouvernement fédéral a prouvé sans équivoque que la loi sur la ‘Maut’ est conforme au droit européen". Par ailleurs, le Ministère des Transports allemand continuera de préparer les marchés publics pour l’adjudication de la mise en œuvre du système de péages mis en cause par la Commission.

Le nouveau système allemand de tarification routière pour les véhicules de tourisme est par ailleurs loin de faire l’unanimité en Allemagne. Le SPD, qui fait partie de la coalition gouvernementale, est opposé à toute solution qui pourrait conduire après un arrêt de la CJUE à de nouveaux frais pour les automobilistes allemands. La Gauche récuse une solution qui conduirait à un péage pour tous, et les Verts ont systématiquement demandé le retrait de la loi.