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Protection des consommateurs - Télécommunications
Quelques jours après sa publication, le président de la Commission européenne fait retirer le projet de règlement sur l'abolition des frais d'itinérance à partir de juin 2017 qu'il ne juge "pas assez bon"
08-09-2016


La Commission a mis sur la table le projet de règlement d’application qui doit encadrer la fin des frais d’itinérance prévue pour juin 2017La Commission européenne a retiré le 8 septembre 2016 la proposition de texte présentée le 5 septembre pour encadrer la suppression prochaine des frais d'itinérance en Europe, fixée pour juin 2017. "Les services de la Commission ont, sur instruction du Président Juncker, retiré leur projet et travaillent sur une nouvelle version", était-il brièvement précisé dans un encart sur la page sur le marché unique numérique du site Internet de la Commission.

C'est au cours de la matinée du 9 septembre que ce message très discret a fini par être lu par des journalistes et que cette décision qui est un véritable coup de théâtre a fini par être reprise par les agences et organes de presse tout comme par les médias sociaux.

Le 9 septembre à midi, la Commission a publié un communiqué de presse un peu plus explicite, et son porte-parole-adjoint, Alexander Winterstein, était chargé d'expliquer le revirement dans l'affaire du roaming lors d'une conférence de presse.    

Dans le communiqué, la Commission explique qu'elle a publié le 5 septembre en vue d'une consultation des parties prenantes dans la prise de décision un projet sur les mesures qui devraient aboutir à la fin des frais d'itinérance en juin 2017. "Au regard des premières réactions au projet, le président Juncker a instruit les services de retirer ce texte et de travailler sur une nouvelle proposition", y lit-on. Le communiqué insiste sur le fait que "la Commission a travaillé durement pour que les frais d'itinérance soient réduits", et que "depuis 2007, ils ont diminué de plus de 90 % pour les appels, les SMS et la transmission de données". Elle précise aussi qu'elle a été chargée par le Parlement européen et le Conseil, qui l'ont suivi sur le chemin de l'abolition des frais d'itinérance, de définir les modalités techniques pour prévenir les abus en définissant une "fair-use-policy".

C'est pourquoi le projet de règlement d'application en question fixait à 90 jours par an minimum la durée pendant laquelle les frais d'itinérance auraient été totalement supprimés dans l'UE pour les consommateurs. Mais c'est aussi pourquoi il avait été immédiatement critiqué pour son manque d'ambition, puisque la Commission avait annoncé en juin 2015 l'abolition complète des frais d'itinérance pour 2017.

Le 7 septembre encore, le vice-président Andrus Ansip et le commissaire Günther Oettinger, tous deux compétents pour ce dossier qui relève du marché unique numérique, avaient défendu le projet de texte du 5 septembre dans une déclaration commune, rappelant l'argument principal de la Commission, à savoir qu'il s'agissait de protéger les opérateurs de téléphonie mobile contre d'éventuels abus des consommateurs en fixant l'absence de frais d'itinérance (ou "roaming") à 90 jours par an minimum. En vertu de l'accord trouvé en 2015 entre les deux co-législateurs, la Commission devait en effet proposer dans ce règlement d'application de définir le "plafond d'utilisation raisonnable" prévu par les deux co-législateurs pour prévenir d'éventuels les abus.  Les deux commissaires insistaient sur le fait que, pour la plupart des citoyens européens qui voyagent le font en moyenne 12 jours par an, et que la limite proposée par la Commission permettrait donc de voir la grande majorité des voyageurs européens exemptés des frais d'itinérance qu'ils paient actuellement.

Lors de la conférence de presse dirigée par Alexander Winterstein le 9 septembre, les journalistes avaient du mal à comprendre pourquoi ce qui était bon la veille ne l'était plus le lendemain et ont donc voulu en savoir plus sur les raisons de ce revirement de la Commission. Le porte-parole adjoint a insisté sur le fait que les frais d'itinérance disparaîtront en juin 2017. La Commission avait élaboré des modalités techniques dans le cadre de la "fair-use-policy", a-t-il expliqué, mais le président de la Commission ne les avait "pas trouvées assez bonnes", les a fait retirer et demandé qu'un projet meilleur soit tablé rapidement, pour que la décision puisse être prise dans le respect de l'échéance de juin 2017. Un membre de la presse ayant voulu savoir si le président Juncker n'avait pas validé le texte, le porte-parole a expliqué que le projet de règlement avait été publié selon les nouvelles règles de comitologie et que "le président de la Commission n'était pas au courant". Il a précisé que Jean-Claude Juncker en avait pris connaissance à sa publication, ne l'avait pas trouvé assez bon, avait pris sa responsabilité politique, l'avait fait retirer et demandé qu'un meilleur texte soit livré.         

Une volte-face qui étonne les commentateurs et ravit les politiciens

Cette volte-face de la Commission a étonné les commentateurs. "Juncker désavoue ses propres commissaires sur le roaming", a titré le journal en ligne bruxellois EU Observer. "Juncker somme la Commission européenne de revoir sa copie", a constaté pour sa part le quotidien français,  Les Echos. "La Commission européenne se prend les pieds dans le tapis du roaming. 3 explications des porte-paroles cette semaine et un texte retiré", a ironisé la correspondante pour RTS info et Europe1, Isabelle Ory.

Dans l'ensemble, le changement de cap a été salué par les eurodéputés, notamment par Manfred Weber, le président du PPE au Parlement européen. "Nous attendons de la Commission européenne qu'elle envoie un signal fort la semaine prochaine", a-t-il prévenu par communiqué. L'eurodéputée PPE luxembourgeoise et ancienne commissaire européenne, Viviane Reding a aussi réagi positivement à l'annonce sur son compte Twitter.

L'eurodéputée Kathleen Van Brempt, en charge du dossier pour le groupe S&D, a elle aussi jugé qu'il s'agissait là d'une bonne nouvelle. "Nous avons promis le 'roam like at home' (téléphoner au même prix qu'à la maison). Nous devons tenir notre parole!", a-t-elle dit sur le même réseau social.

"Je suis heureux que la Commission a vu l'intérêt d'une fin du roaming. C'est une bonne décision prise par Jean-Claude Juncker", a commenté le président du groupe ADLE, Guy Verhofstadt, qui avait appelé à une fin complète du roaming les jours précédents.