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Commerce extérieur
Le Parlement européen valide le CETA à une confortable majorité
15-02-2017


ceta-source-chambre-commerce-caRéuni en session plénière, le 15 février 2017, le Parlement européen a approuvé, par 408 voix pour, 254 contre et 33 abstentions, l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA). L'accord était soutenu par les eurodéputés des groupes PPE, ADLE, ainsi qu’une partie du groupe S&D, divisé sur la question. Le 24 janvier 2017, par 25 voix pour, 15 contre et une abstention, la commission Commerce international du Parlement européen s'était déjà prononcéé en faveur d'une recommandation approuvant l'accord.

Avec ce vote favorable, la partie du texte relevant de la compétence européenne pourra s’appliquer, de manière provisoire, dès lors que le Parlement canadien, qui doit s'exprimer dans les prochaines semaines, aura adopté à son tour le CETA. Un communiqué de presse du Parlement européen évoque le mois d’avril 2017 pour le début de cette application provisoire, qui ne sera elle-même définitive que lorsque le texte aura été ratifié par l'ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l'UE.

Par ailleurs, à une majorité plus large que pour le CETA, à savoir par 506 voix pour, 142 contre et 43 abstentions, le Parlement a également approuvé la conclusion d'un accord de partenariat stratégique (APS) UE-Canada. Complétant le CETA, cet accord vise à renforcer la coopération bilatérale UE-Canada sur un large éventail de questions non commerciales telles que la politique étrangère et de sécurité, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité organisée, le développement durable, la recherche et la culture.

Lors du débat au Parlement, la Commissaire européenne en charge du Commerce, Cecilia Malmström, a garanti que rien dans le CETA n'affecterait "la sûreté de la nourriture que nous mangeons ou des produits que nous achetons", ni n'entraînera "la privatisation" des services publics. "En ces temps d'incertitude, avec un protectionnisme croissant à travers le monde, le CETA souligne notre ferme engagement en faveur d'un commerce durable", a-t-elle déclaré, à l'issue du vote, selon des propos rapportés par le communiqué de la Commission.

"Les entreprises et les citoyens de l’UE vont commencer à récolter les bénéfices de cet accord aussi vite que possible. Cet accord a fait l’objet d’un contrôle parlementaire en profondeur qui reflète l’intérêt croissant des citoyens pour la politique commerciale. Les échanges intenses sur le CETA durant ce processus témoignent du caractère démocratique de la prise de décision en Europe", a pour sa part insisté le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

La Commission européenne souligne que l’accord supprimera d’emblée 99 % des droits de douane, faisant économiser 500 millions d’euros par an aux entreprises de l’UE exportant vers le Canada. Il profiterait davantage aux PME qui ont moins les moyens de faire face aux frais administratifs. Les citoyens y gagneraient par une plus grande offre respectueuse des standards européens.

Dans une infographie, la Commission explique que 129 compagnies luxembourgeoises exportent vers le Canada, ce qui concerne 1200 emplois.

Les déclarations des groupes politiques au Parlement européen

"En adoptant le CETA, nous avons choisi l’ouverture, la croissance et des normes élevées plutôt que le protectionnisme et la stagnation", a déclaré avant le vote l’eurodéputé PPE, rapporteur pour le CETA, Artis Pabriks. "Le Canada est un pays avec lequel nous partageons des valeurs ainsi qu’un allié sur lequel nous pouvons compter. Ensemble nous pouvons jeter des ponts, plutôt que construire des murs, pour la prospérité de nos citoyens. Le CETA servira de projet-phare pour les futurs accords commerciaux partout dans le monde". Dans un communiqué de presse, le groupe PPE conçoit également le CETA comme "la réponse de l’Europe et du Canada à la politique de Donald Trump". "En Europe, nous croyons que construire des ponts est plus efficace que de construire des murs", dit-il.

Resté divisé jusqu’au bout, la délégation française ayant notamment voté contre l’accord qu’elle considère comme "une menace directe pour l'emploi", qui "n'intègre pas l'urgence climatique et environnementale, ni le principe de précaution", le groupe S&D souligne dans un communiqué de presse les améliorations apportées à l'accord. "Nous prenons garde aux inquiétudes et préoccupations des citoyens. C’est pourquoi pour nous, le CETA est seulement un premier pas sur le chemin vers une nouvelle approche progressiste au commerce. L’ère de la globalisation sans entraves doit s’achever et être remplacée par un système commercial plus transparent et démocratique, dans lequel les bénéfices sont largement répartis parmi tous les citoyens", plaide-t-il.

"C’est une très bonne nouvelle pour tout le monde", a déclaré le rapporteur du groupe ECR, David Campbell Bannerman. Jugeant trop longue la période de négociation de sept années qu’il aura fallu pour en arriver là, il a jugé qu’il fallait à l’UE réduire ces délais pour rester pris au sérieux, notamment en vue de l’accord à négocier avec le Royaume-Uni, suite au Brexit.

Le président de l’ADLE, Guy Verhofstad, pense qu’avec l’adoption de cet accord, "nous avons démontré que l’Union européenne est un partenaire commercial crédible et fiable".  "Le président Donald Trump nous a donné une bonne raison supplémentaire d'intensifier nos liens avec le Canada - alors que Donald Trump instaure des tarifs douaniers, non seulement nous les supprimons, mais nous mettons aussi en place les normes progressives les plus élevées", a-t-il dit.  

Le groupe Verts/Ale estime au contraire que "la droite européenne et une partie des socialistes sacrifient le projet européen au nom du big business".  "Le Parlement européen ne tire aucune leçon de la victoire de Trump et du vote du Brexit en augmentant le pouvoir des multinationales et en réduisant celui des citoyens. Car le CETA est avant tout un accord négocié entre Harper, ancien premier ministre canadien et climato-septique notoire et De Gucht, ancien commissaire européen qui a des intérêts dans de nombreuses entreprises. Le conflit d’intérêts est patent et il a irrigué les négociations de cet accord construit par et pour le big business", accuse l’eurodéputé, Yannick Jadot. "Par ce vote, cette majorité déroule un tapis rouge pour l’extrême droite et les nationalismes les plus moisis qui montent partout en Europe et qui a gagné aux États-Unis", prévient-il déplorant que la majorité fasse "le jeu de tous ceux qui souhaitent que l’UE se délite pour se jeter dans les bras de puissances étrangères".

Opposé au traité, le groupe GUE-NGL rappelle qu’un referendum sur le CETA est attendu aux Pays-Bas, que la cour constitutionnelle allemande pourrait décider que l’Allemagne doit laisser tomber l’accord, tandis que plus de 2,000 villes, régions et organisations européennes se sont autoproclamées, des zones sans CETA ni TTIP. "Etant donné l’énorme pression qui s’accumule dans de nombreux pays, il y a une chance tout à fait raisonnable qu’au moins un Parlement bloque la ratification", estime l’eurodéputée, Anne-Marie Mineur, jugeant que “l’introduction de l’ICS hautement contesté, ne bénéficie qu’aux investisseurs étrangers, et le nouveau comité conjoint, dans lequel les lobbyistes des entreprises peuvent décider quelles propositions sont sur la table, est une attaque claire contre notre démocratie".

Du côté des eurodéputés luxembourgeois

Seul l’eurodéputé Verts-ALE, Claude Turmes, s’est prononcé contre le CETA.

Les trois eurodéputés luxembourgeois appartenant au groupe PPE ont voté en faveur du traité. Dans un communiqué de presse, l’eurodéputé PPE, Georges Bach, a fait savoir que sa décision avait été le fruit d’une mûre réflexion. Après avoir entendu les préoccupations et réflexions des différents groupes d’intérêt concernés durant les derniers mois, il a estimé que l’accord, "par le concours de tous", avait pu être fortement amélioré et être désormais considéré comme "l’accord le plus progressiste de notre époque".

"Toutes les lignes rouges du Parlement ont été respectées", estime-t-il encore, en citant la sécurité alimentaire et les droits des consommateurs. Il signale également les garanties en termes de conditions de travail, alors qu’est prévue la ratification des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail, ainsi que le système de l’ICS qui se base sur la transparence et la possibilité d’un recours. Evoquant le fait que la déclaration interprétative ajoutée au CETA en octobre 2016 a été acceptée par les 28 Parlements nationaux, il déclare que "les déclarations des populistes ici au Parlement, selon lesquelles cet accord n’est pas démocratique, ne valent rien". "Si nous ne parvenons pas à bâtir une zone de libre-échange avec le gouvernement de Justin Trudeau, alors les règles et standards internationaux seront fixés à l’avenir par des pays comme la Chine et les points de vue de l’Europe seront tout simplement insignifiants", conclue-t-il.

Pour le groupe Verts-ALE, l’eurodéputé Claude Turmes, estime que si "le protectionnisme et le nationalisme à la Trump ne sont pas les bonnes réponses aux problèmes créés par la globalisation incontrôlée des dernières décennies", "un simple ‘continuons comme jusqu’alors’ n’est pas une option". "Nous avons besoin d’une politique qui reconnaît que la globalisation a certes apporté de la prospérité, mais a réparti inégalement cette prospérité obtenue aux dépens de la paix sociale et de l’environnement", clame-t-il. "Nous avons besoin d’une politique qui reconnaît qu’à cause de l’actuelle politique commerciale, des travaux bien rémunérés ont été délocalisés ou alors dévalorisés, et que les pays en voie de développement n’eurent pas de chance de développer vraiment leurs économies nationales".  L’UE a une "responsabilité particulière" pour faire advenir "un commerce loyal, qui ne prend pas seulement en compte de hauts standards de protections dans tous les domaines mais les promeut activement", pense-t-il.

Dans le CETA, au contraire, "tandis que les investissements des multinationales sont protégés par un tribunal d’arbitrage, cela ne vaut pas pour les standards sociaux et environnementaux", plaide-t-il, déplorant l’absence de mécanismes de sanctions, pour poursuivre les violations de ces standards. Pour finir, Claude Turmes s’en remet à l’avis demandé par la Belgique à la CJUE, pour savoir si "la justice parallèle pour les grandes entreprises" est compatible avec le droit européen.

Du côté de la société civile

La Plate-forme luxembourgeoise Stop CETA et TTIP Plattform estime que le  CETA n’apporte rien de bon. "Le CETA ne génèrera aucune croissance mais mettra plutôt en danger des emplois, aux dépenses d’intérêts sociaux, écologiques et démocratiques. (…) Le CETA assure aux entreprises plus de droits qu’aux consommateurs, citoyens, syndicats etc. Il est ainsi de l’eau aux moulins des tendances populistes", dit-elle. Elle en appelle désormais les députés luxembourgeois à bloquer le CETA. "Nous avons besoin d’une réorientation complète de la politique commerciale internationale qui réponde aux objectifs de développement durable.  Seul qui organise le futur du commerce dans le sens de l’intérêt général et non d’entreprises, trouvera l’acceptation, agira contre les tendances protectionnistes et populistes et posera les bases d’un commerce mondiale plus juste", écrit-elle encore.

Dans un communiqué, le directeur general de BusinessEurope, Markus Beyrer, a estimé que l’UE envoie ainsi "un signal clair à l’heure où les tendances protectionnistes se renforcent chaque jour", le signal qu’elle est "ouverte aux partenaires qui partagent ses valeurs et visions sur le commerce international". "L’UE et le Canada pavent la voie pour un agenda de réforme du commerce, qui harnache la globalisation au bénéfice de la société dans son ensemble",  a-t-il ajouté.

Du côté des ONG environnementalistes, le constat est moins enjoué. Greenpeace estime que "les eurodéputés mettent le Parlement du mauvais côté de l'histoire", tandis que Foodwatch, juge que "le CETA est tout aussi mauvais que le TTIP".