Principaux portails publics  |     | 

Énergie - Environnement
Un atelier de travail expose le paquet de mesures de la Commission européenne relatif au combat contre le changement climatique
29-02-2008


Lucien Lux, Tom EischerLe jeudi 28 février 2008, le ministre de l’Environnement, Lucien Lux, avait invité à un atelier de travail qui a eu pour objet le paquet de propositions "Climat/Energie" de la Commission européenne sur la lutte contre le changement climatique. L'objectif de ce premier atelier de travail, qui s’est déroulé à la Chambre de Commerce, était d’expliquer aux acteurs du secteur en quoi consistent précisément les propositions de la Commission européenne. Les participants, des députés, des syndicalistes, des représentants des secteurs d’activité et des professions concernées, étaient venus nombreux.

Le ministre de l’Environnement, Lucien Lux, a précisé que d’autres ateliers de travail seraient organisés "avant les vacances d’été 2008", car il ne fallait pas "attendre 2013 pour adopter des mesures", ajoutant que le gouvernement luxembourgeois soutenait le train de mesures présenté par la Commission européenne.

Les propositions de la Commission européenne

Henri Haine, conseiller de direction au Ministère de l’Environnement, présenta le train  de mesures de la Commission européenne. Il rappela que l’impulsion de faire de l’Union européenne un précurseur dans la lutte contre le changement climatique était venu du Conseil européen de printemps 2007. Celui-ci avait décidé de prendre un engagement volontaire de réduire de 20 % d’ici à 2020 les émissions de gaz à effet de serre, et d’augmenter de 20 % la part des énergies renouvelables.

Le paquet que la Commission vient de présenter le 23 janvier 2008 prévoit trois grands axes de mesures : une réforme du système d’échange de quotas d’émission (ETS), la promotion des énergies renouvelables ainsi que de répartition sur les Etats membres des efforts à fournir pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 10 % dans les secteurs non couverts par l’ETS.

Dans la mise en œuvre du paquet de mesures, la Commission européenne entend privilégier des principes telles que la flexibilité, un bon rapport coût-efficacité, l’équité entre les Etats membres ou encore la subsidiarité.

Le système des quotas d’émission

Le système communautaire d’échange de quotas d’émissions couvre les émissions de gaz à effet de serre des centrales électriques et des grandes installations industrielles. Il couvre actuellement 40 % des émissions de l’Union européenne des 27. Désormais, un plafond communautaire unique sera établi. Les certificats seront réduits d’années en année pour permettre une réduction de 21 % par rapport à 2005 d’ici 2005.

Les recettes issues des quotas seront redistribuées aux Etats membres et devront servir pour la lutte contre le changement climatique. La distribution se fera proportionnellement au PIB par habitant des Etats membres. Trois pays, dont le Luxembourg, recevront cependant 10 % de droits supplémentaires, puisqu’ils devront affronter des coûts très élevés résultant du paquet.

Un participant de l'atelier de travailLes objectifs non couverts par le système des quotas d’émission

En ce qui concerne les domaines qui ne sont pas couverts par le système ETS, comme par exemple le transport, l’agriculture ou la construction, la Commission entend réduire les émissions de 10 % en 2020 par rapport à 2005. Elle propose de répartir l’effort de manière équitable sur les Etats membres, en fixant des objectifs individuels pour les 27 Etats membres. C’est le PIB par habitant qui a été retenu comme critère de calcul de ces objectifs. Les objectifs à atteindre par les Etats membres sont compris dans une fourchette allant de -20 % à +20 % selon les pays et le type d’économie.

Les coûts et bénéfices du paquet selon la Commission

Finalement, Henri Haine a porté l’attention des participants sur les coûts et les bénéfices du train de mesures. Selon la Commission européenne, les coûts directs pour atteindre les objectifs s’élèveraient à 0,60 % du PIB en 2020, soit 90 milliards d’euros. Pourtant, la mise en œuvre du paquet de mesures permettra d’éviter les coûts de l’impact du changement climatique, et de rendre l’Union européenne moins dépendante des importations de pétrole et de gaz.

Le volet "énergie"

Tom Eischen, Commissaire de gouvernement à l'énergie, a passé en revue les principaux objectifs et obligations qui découlent de la proposition de directive du Parlement et du Conseil relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources  renouvelables.

Les objectifs de la directive

Les mesures prévues dans la directive concernent trois secteurs : l’électricité, le chauffage et le refroidissement et les transports. La directive prévoit un objectif contraignant de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie et un objectif contraignant de minimum 10 % pour la part des agrocarburants dans les transports d’ici 2020. Elle fixe des objectifs nationaux globaux pour les Etats membres. La part d’énergies renouvelables prévu pour le Luxembourg est de 11 %.

Pour atteindre ces objectifs chiffrés, chaque Etat membre adopte un plan d’action national qui fixe des objectifs sur la part de sources d’énergies renouvelables dans les différents secteurs. Un Etats membre dont la part de sources d’énergies renouvelables reste en-dessous des objectifs fixés présente un nouveau plan d’action et est tenu d’expliquer les mesures qu’il envisage d’adopter pour améliorer ses performances.

La mise en place d’un système de garantis d’origine

Pour comptabiliser la part d’énergies renouvelables de chaque Etat membre, la directive prévoit la mise en place d’un système de garanties d'origine. La garantie d’origine est un document électronique qui permet de prouver qu’une quantité donnée a été produite à partir d’énergies renouvelables. Pour enregistrer ces garanties et tenir à jour un registre national des garantis d’origine, chaque Etat membre crée un organisme indépendant. L’article 9 sur le transfert des garanties d’origine prévoit également la possibilité pour un Etat membre qui dispose de trop de garanties d’origine de les transférer vers un autre Etat membre.

Les Etats membres peuvent augmenter leur quote-part d’énergies renouvelables en investissant dans des projets à l’étranger à condition que cet effort contribue à l’effort global de l’UE.

Outre ces objectifs, la directive prévoit des outils pour promouvoir le développement des énergies renouvelables. Elle insiste sur la transparence et la proportionnalité des procédures administratives, de la planification et de la construction et souligne la nécessité d’informer et de former les consommateurs, les entrepreneurs, les ingénieurs et les architectes.

Le débat

Marcel OberweisMarcel Oberweis, président de la Commission de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural de la Chambre des députés, s’est interrogé sur la mise en œuvre des objectifs sur le terrain. Il s’est montré préoccupé par les effets néfastes qui pourraient être engendrés par la proposition de la Commission: "Je me demande si on ne procèdera pas à une déforestation dans des pays tels que l’Indonésie pour économiser des émissions de gaz à effet de serre".

Le degré d’efficacité des différentes sources d’énergies renouvelables a également été abordé. "Est-ce que les différences d’efficacité qui existent entre les sources d’énergies renouvelables seront prises en compte dans la directive européenne? "Cette dimension n’est pas prise en compte", a répondu Tom Eischen en ajoutant que cela "n’empêche toutefois pas les Etats membres de prendre ces éléments en considération pour élaborer leurs plans d’action nationaux".

Les paradoxes du plan de la Commission selon Dieter Ewringmann

Dieter Ewringmann, qui avait déjà été consulté par le gouvernement luxembourgeois dans le cadre du plan national d’allocation de quotas d’émissions de gaz de serre, prit ensuite la parole. L’expert de la FIFO de Cologne déclara qu’il lui était de plus en plus difficile de lire et de comprendre les paquets politiques élaborés par la Commission européenne, et notamment d’établir la relation entre les détails des paquets et leur approche systématique, tant la matière devenait de plus en plus complexe. Il qualifia le défi du paquet climat/énergie de la manière suivante : "Nous tous, nous devons nous engager jusqu’en 2020, sur les prochains quinze ans, sans connaître tous les détails du processus sur lequel nous devons nous engager."

Ewringmann mit en évidence que l’on était en train de discuter d’une proposition de la Commission, et non pas d’une matière qui liait déjà juridiquement les acteurs, et qu’il fallait s’attendre à ce que les propositions et le processus changent en route. Pour l’expert allemand, le paquet climat/énergie comporte certaines inconsistances. L’on attend ainsi des Etats membres des performances en matière de réductions de Co2 sans évoquer leur potentiel de réduction réel. D’autre part, l’alternative proposée, de leur offrir la possibilité de faire ailleurs ce qu’ils ne peuvent faire chez eux est limitée et aléatoire. Aussi, les flexibilités possibles et permises ne sont pas précisément définies. Ewringmann a par contre salué que les ETS aient été sortis des mécanismes nationaux et répartis sur toute l’Union européenne, car  le système actuel a conduit, par le jeu des égoïsmes nationaux, à des distorsions de marché. De l’autre côté, Ewringmann était d’avis que l’approche de privilégier les biocarburants était erronée.

De toute façon, s’est demandé l’expert de Cologne, comment peut-on fixer des objectifs sur 15 ans en se basant sur des chiffres qui changeront dans les 2 à 3 ans à venir ? Et où a-t-on prévu des mécanismes de correction ou d’adaptation, si des erreurs sur le chiffrage des objectifs deviennent évidentes ? Où peut-on trouver de manière précise des détails sur tout le processus, qui impose des devoirs sans dire aux acteurs quels sont leurs droits ?

Ewringmann a mis en évidence un paradoxe important pour le Luxembourg : d’un côté, les effets globaux de l’approche "biocarburants" peuvent être néfastes, de l’autre côté cependant, le recours aux biocarburants peut être excellent pour le bilan des réductions de Co2 au Luxembourg. Pourquoi ? Dans la mesure où c’est le "Tanktourismus", qui alourdit le bilan des émissions de CO2 du Luxembourg, une présence de 10 % de biocarburants dans les émissions relatives aux transports peut conduire à une réduction de % % des émissions globales, c’est-à-dire un quart des 20 % de réduction qui sont l’objectif global du pays selon la Commission. Et si des mécanismes de flexibilité avec des performances à l’étranger devaient pouvoir être inclues, cet effet passerait même de 5 % à 6,5 %.

Par ailleurs, si le mécanisme de flexibilité devait en rester à 3 % pour le Luxembourg, il aurait un effet de 0,32 millions de tonnes de CO2 sur un déficit total de 2,1 millions de tonnes. Conséquence : 1,8 millions de tonnes devraient être l’objet de réductions au Luxembourg même. Le "Tanktourismus" va donc se retrouver dans la mire des acteurs.

Autre souci d’Ewringmann : le cadre pour les certificats d’origine qui peuvent être échangés en Union européenne n’est pas suffisant et constitue donc un facteur à risque. D’où sa recommandation : "Les petits pays doivent intervenir pour que les règles retenues dans le paquet climat/énergie soient applicables."

Des participants de l'atelier de travailLa FEDIL : d’accord pour lutter contre le réchauffement climatique, mais il faut prévoir des objectifs réalistes et des mécanismes clairs, flexibles et accessibles  

René Winkin intervint au nom de la FEDIL. Il précisa que ce n’était pas la Commission qui avait fixé les objectifs sur lesquels l’on discutait, mais bien les chefs d’Etat et de gouvernement au cours d’un Conseil européen, encore qu’ils y aient été poussés par la Commission qui aurait, selon lui, "opéré avec des faux faits."

Le représentant de l’industrie exigea que les objectifs nationaux soient limités à deux fois leur potentiel. Donc, s’il y a un potentiel national en matière d’énergies renouvelables de 4 %, alors, au lieu de fixer un objectif de 11 %, il faudrait fixer un objectif de 8 %.  Il demanda également que l’on prévoie une révision des objectifs nationaux en fonction du futur taux obligatoire de biocarburants dans le bilan du pays. Un libre accès aux certificats d’origine dans d’autres Etats membres devait être garanti et la coopération avec l’étranger devait être facilité. Le système de financement de ces coopérations devrait être basé sur la capacité contributive des secteurs d’activité concernés.

Winkin mit en garde sur le fait que l’effort national était fortement centré sur des secteurs qui n’étaient pas inclus dans les ETS. D’autre part, le Luxembourg, ayant besoin d’une croissance moyenne de 4 % pour arriver à financer son système de protection sociale, il fallait s’attendre à une baisse d’intensité de CO2 de 55 %, demande des efforts de réduction accrus. Un rôle important revenait dans le système proposé par la Commission aux biocarburants qui seraient la flexibilité essentielle de laquelle le Luxembourg disposerait.

Ceci dit, la limite de 3 % pour recourir à des mécanismes de flexibilité est pour Winkin trop basse. Et le risque est grand, vu que les difficultés d’acheter à des certificats d’origine fasse monter les enchères et augmente le coût de la réduction par tonne de CO2. Exemple : l’industrie de l’électricité est obligée d’acheter des certificats et fait, par sa capacité d’absorption, monter les prix pour d’autres industries, ce qui crée de l’insécurité pour les investisseurs, fait monter les charges et suscite des risques de délocalisation.

Cela n’a pas empêché le représentant de l’industrie d’approuver l’approche générale d’harmoniser le système d’allocation de quotas d’émission et de généraliser la vente aux enchères des certificats, à condition que l’on veille à éviter les distorsions de concurrence et accorde aussi une priorité à un approvisionnement en énergies propres, diversifiées et sûres. Un accord global sur le climat aurait dans ce sens un impact important.

Lucien Lux conclut en disant que, si sur les détails il n’y avait pas toujours accord, il était clair que les préoccupations des acteurs se rejoignaient sur la nécessité de créer un nouveau cadre pour lutter contre le réchauffement climatique et sur deux points essentiels dans les propositions de la Commission européenne: la limite de 3 % pour les mécanismes flexibles et la question de l’accès aux certificats d’origine.