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Énergie - Environnement
Robert Goebbels pour plus de flexibilité et de transparence dans la lutte contre le changement climatique
29-09-2008


Robert GoebbelsLe paquet climat/énergie de la Commission européenne qui a pour but de lutter contre le changement climatique est une bonne initiative, mais pour que les Etats membres puissent atteindre leurs objectifs, il faudra introduire plus de flexibilité. C’est la position que défend Robert Goebbels, député socialiste au Parlement européen, qui est le rapporteur d’une des directives de ce paquet au Parlement européen. Lors d’une conférence de presse le 29 septembre 2008, il en a présenté les points principaux, ainsi que les amendements essentiels que contient son rapport.

En quoi consiste le paquet de la Commission européenne ?

Le paquet climat/énergie de la Commission européenne prévoit la réforme du système commun d’échange des quotas d’émission (SCEQE), l’augmentation de 20 % des énergies renouvelables jusqu’en 2020 et la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 2005. Cet engagement pourrait même être revu à la hausse (30 %) en cas d’accord global sur l'environnement ("Kyoto II") suite à la conférence de Copenhague qui se tiendra en automne 2009.

Cinq directives différentes ont été proposées par la Commission européenne pour lutter contre le changement climatique. Une première directive prévoit l’amélioration et l’extension du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. La deuxième proposition de décision concerne les efforts que les Etats membres devront fournir pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. La troisième directive est dédiée à la promotion des énergies renouvelables, et la dernière concerne l’établissement de normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves.

C’est la deuxième partie de ce paquet dont Robert Goebbels est rapporteur à la commission ITRE (Industrie, Recherche et Economie) au Parlement européen. Cette directive traite du partage des efforts entre les Etats membres pour atteindre l’objectif de réduire d’ici à 2020 de 20 % les émissions de gaz à effet de serre. La Commission a fixé des objectifs différents pour chaque Etat membre. Ce partage des efforts couvre tous les domaines qui ne sont pas concernés par le système des quotas : le transport, la construction, le bâtiment, etc.

Les points centraux du rapport Goebbels

Dans son rapport, Robert Goebbels a insisté sur plusieurs points centraux qu’il juge essentiels pour que chaque pays puisse atteindre son objectif fixé.

Selon le député socialiste, le paquet de la Commission est trop rigide et ne permettra pas à tous les pays d’atteindre leur objectif. Tel par exemple le Luxembourg, qui devra réduire ses émissions de CO2 de 11 %, tout en augmentant la part de ses énergies renouvelables à 10 %. Afin d’atteindre cet objectif, le Luxembourg devra, selon Goebbels, recourir à l’aide de ses pays voisins."Une étude de l’Ökoinstitut Darmstad a révélé que le Luxembourg dispose uniquement d’un potentiel de 4,5 % en matière d’expansion des énergies renouvelables", a-t-il avancé.

Robert GoebbelsLa première objection du rapport Goebbels concerne donc l’introduction de plus de flexibilité dans les mécanismes de réduction. D’un côté, au niveau interne de l’UE, Robert Goebbels propose d’augmenter le mécanisme de flexibilité de 2 % à 3 %. En achetant de l’électricité issue d’énergies renouvelables auprès de ses voisins européens ou en investissant dans des projets comme les parcs éoliens dans la Mer du Nord, les Etats membres comme le Luxembourg qui ne disposent pas d’un très grand potentiel, pourront plus facilement atteindre leurs objectifs.

D’un autre côté, Goebbels revendique également une plus grande flexibilité externe. Ce mécanisme permet aux Etats membres d’investir dans des projets de réduction de CO2 ou d’énergies renouvelables dans des pays tiers, et de se faire créditer ces efforts pour leur objectif national. Goebbels propose d’augmenter ce mécanisme de 3 % à 4 %. "Mais pour éviter que tous ces projets soient financés dans des pays comme la Chine ou l’Inde, je propose qu’au moins 50 % soient installés dans les pays les plus pauvres du monde ainsi que dans les îles", a souligné Goebbels. Il a donné pour exemple l’investissement du Luxembourg dans une installation qui produit de l’électricité à partir de déchets au Salvador, pays-cible de la coopération luxembourgeoise, et dont le bilan de CO2 est crédité au Luxembourg.

Autre point d’attaque du rapport Goebbels : le régime des sanctions. Une de ses collègues, la députée verte finlandaise Satu Hassi, voudrait instaurer un régime de sanction où les Etats membres qui ne respectent pas leurs engagements devraient débourser une somme considérable par tonne de CO2 non réduit et verraient leurs objectifs substantiellement augmentés. Cette idée n’est point partagée par Robert Goebbels, pour qui la Commission européenne devrait avoir le droit de faire une plainte et d’agir par voie de référé contre les Etats membres non-respectueux devant la Cour de Justice des Communautés européennes.

Le dernier point de critique du rapport Goebbels se concentre sur l’objectif que l’Union européenne s’est donnée de réduire de 30 % des émissions de gaz à effet de serre si un accord international sera signé à la suite de la conférence de Copenhague (Kyoto II). "Je ne veux en aucun cas remettre en question cet objectif, qui est absolument justifié à mes yeux. Mais il faudra d’abord analyser, à travers une étude d’impact, comment cet objectif pourra être atteint et comment les efforts pourront être répartis entre les Etats membres", a insisté Robert Goebbels. C’est pourquoi une définition de ce que pourrait être cet accord international a été introduite dans son rapport.

Robert Goebbels : Le Parlement européen, un facteur de pouvoir aux "majorités changeantes"

Robert Goebbels a essayé d’expliquer le fonctionnement du Parlement européen dans le traitement de la question de la lutte contre le changement climatique. Pour lui, le Parlement européen ne fonctionne pas comme un parlement classique, avec une majorité et une opposition structurées. Au contraire, ces majorités sont "changeantes" en fonction des sujets. Deux commissions de travail sont compétentes pour les cinq initiatives législatives de l’Union européenne pour mettre en œuvre le paquet climat/énergie : la commission ITRE (industrie, recherche et économie)  et la Commission ENVI (environnement, santé publique et sécurité alimentaire).

Les sensibilités qui prévalent dans ces deux commissions sont différentes. Dans la commission ITRE, l’on accorde plus d’importance à la dimension économique des questions traitées. A la commission ENVI, les questions environnementales son traitées sans que l’on se préoccupe trop de leur dimension économique. Cela générera des conflits et créera de la confusion, car les avis des deux commissions sur les cinq initiatives sur le paquet climat/énergie comptent au Parlement européen. "Et nul ne sait comment résoudre cette question ?", a lancé, soucieux, Robert Goebbels.

Pour un débat public, en plénière, en deux lectures, avec des faits, des arguments et des amendements

Robert Goebbels n’est en tout cas aucunement d’accord pour qu’une mise en œuvre de la baisse de 30 % des émissions de CO2 soit en fin de compte décidée par un comité d’experts qui siège à huis clos. Il veut une étude d’impact de cet objectif sur l’économie européenne dans son ensemble, et un débat parlementaire réel, public, basé sur des études et des faits.

Robert Goebbels a été très clair : "Je dénonce le fait qu’il y a des tendances de mettre en œuvre le paquet climat/énergie en excluant le public. Je suis pour un débat en plénière du Parlement européen, une plénière que d’aucuns veulent court-circuiter. Il y a des négociations qui sont menées avec la Présidence française, qui veut boucler le dossier en décembre 2008, pour tester des compromis possibles qui devraient être présentés lors d’une plénière où aucun vrai débat, aucun amendement ne serait possible, où l’on procéderait par vote bloqué. Cela est inacceptable pour des raisons démocratiques. Il faut que l’on nous soumette des propositions en première lecture, qu’on en débatte, qu’on puisse les amender, et que nous ne votions que lors d’une deuxième lecture."

Cette charge de Robert Goebbels en a entraîné une autre, contre les méthodes de travail au sein des commissions de travail du Parlement européen. Il a notamment dénoncé le trop court délai qu’il existe entre la remise aux députés des amendements de rapports dans les trois langues de travail anglais, français et allemand, et le passage au vote. "Ici, l’on prend des pré-décisions qui concernent 500 millions de personnes sans savoir vraiment sur quoi on vote".

Goebbels est d’avis qu’il faut prendre son temps avant de décider. La conférence de Copenhague sur le changement climatique n’aura lieu qu’en automne 2009, et la conférence de Poznań de décembre 2008 n’aura pas la possibilité de prendre de grandes décisions, puisque les USA, incontournables sur la question de la baisse des émissions de gaz à effet de serre, ne disposeront pas encore de leur nouvelle administration qui seule pourra prendre des décisions qui les engagent.               

Goebbels contre des idées reçues sur le nucléaire et la hausse des prix alimentaires

Le député européen socialiste a profité de la conférence de presse pour marquer son soutien à "l’enthousiasme" de son collègue vert Claude Turmes, dont le rapport sur la directive sur les énergies renouvelables au sein de la même commission ITRE a été voté à la mi-septembre 2008. "Mais", a ajouté Goebbels, "que nous arrivions en 2020 à 20 ou à 30 % d’énergies renouvelables ne changera rien au fait qu’il faudra garantir le reste, c’est-à-dire 70 à 80 % de notre énergie, avec des sources d’énergie traditionnelles."

Quant au nucléaire, Goebbels a pensé pouvoir identifier au Parlement européen une majorité claire qui pense qu’il ne sera pas possible de se passer du nucléaire et que la décision d’un Etat membre de recourir ou non, de cesser de recourir ou de continuer à recourir à l’énergie nucléaire tombe sous le principe de la subsidiarité et relève donc de sa compétence.

Robert Goebbels pense également que le débat en cours qui rend le recours accru aux biocarburants responsable de l’augmentation des prix alimentaires est "en train de devenir plus objectif ". Les campagnes contre les biocarburants de certaines ONG ont été selon lui financées par des fonds de l’OPEC (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Quant à la hausse des prix alimentaires, elle n’est pour lui ni si générale qu’on l’a prétendu ni due aux besoins de l’industrie des biocarburants. Ses exemples : au Brésil, le prix du sucre n’a pas augmenté, bien qu’il entre dans la production locale d’éthanol ; le prix du blé a autant baissé que celui du pétrole ; le prix du maïs a augmenté, mais seul le maïs jaune entre dans la production de biocarburants, ce qui ne permet pas d’incriminer l’industrie nord-américaine de biocarburants, comme on l fait au Mexique ; et s’il y a un prix alimentaire qui a fortement augmenté, c’est celui du riz, or le riz n’entre pas dans la production de biocarburants.

Les personnes économiquement plus faibles risquent d’être les perdants de la lutte contre le changement climatique

Goebbels est certain que la lutte contre le changement climatique, et notamment l’obligation des industries d’acheter des quotas, produira des gagnants et des perdants. Ceux qui croient que la lutte contre le changement climatique ne concerne que les industries et les Etats se trompent lourdement. Elle touchera tout le monde. L’augmentation des prix de production sera répercutée sur les consommateurs. Les prix de l’électricité augmenteront fatalement pour "les consommateurs captifs que nous sommes tous", de même que les prix des transports, notamment aériens. Les personnes les plus faibles du point de vue économique paieront proportionnellement le prix le plus élevé.

"C’est pourquoi il faut de la transparence dans ce dossier. Car si l’offre de l’Union européenne à a la conférence de Copenhague est bien de baisser de 30 % les émissions de CO2, il n’est pas encore clair comment cet effort pourra être fourni, et nous manquons encore d’études sur l’impact de cet objectif sur notre industrie et le reste de la société. Certes, l’Union européenne ne pourra pas dévier de son offre, mais la conséquence en est qu’il faudra plus de flexibilité", a conclu Robert Goebbels.