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Fiscalité
Mini-sommet pour sauver le secret bancaire
Luc Frieden, Hans-Rudolf Merz et Josef Pröll se sont rencontrés à Senningen le 8 mars 2009
08-03-2009


Hans-Rudolf Merz, Luc Frieden et Josef PröllLe ministre luxembourgeois du Trésor et du Budget, Luc Frieden, a reçu au château de Senningen, le dimanche 8 mars 2009, Hans-Rudolf Merz, président et ministre des Finances de la Confédération suisse, et Josef Pröll, ministre des Finances autrichien. Au menu de ce mini-sommet : le secret bancaire, spécificité partagée par ces trois pays et remise en question par la Commission européenne et des Etats membres de l’Union européenne au nom de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, et ce en vue du sommet du G20 sur la crise financière, le 2 avril 2009 à Londres, un sommet auquel aucun de ces pays ne sera représenté.

Pour une stratégie en vue du G 20

L’objectif de ce mini-sommet était de préparer une stratégie en vue de la prochaine réunion du G 20, prévue à Londres le 2 avril prochain. Car, comme l’a souligné Luc Frieden, "les débats au sujet du secret bancaire sont menés dans des enceintes dont nous ne faisons pas partie, comme par exemple le G20".

Dans ce contexte, Luc Frieden s’est montré critique à l’égard de certains Etats membres de l’Union européenne qui prennent des "mesures unilatérales" et s’engagent sur de tels sujets au sein du G 20 sans consulter les pays plus petits. Le ministre luxembourgeois a donc appelé  à une discussion avec ses voisins car, selon lui, "l’Union européenne doit assumer pleinement son rôle".

Luc Frieden, avec un regard vers Berlin et Paris, a lancé un message clair : "L’Europe du 21e siècle ne peut pas fonctionner comme l’Europe du 19e siècle, où certains décidaient pour les autres. Nous devons discuter ensemble de façon constructive, c’est ce à quoi nous sommes prêts tous les trois."

Le ministre luxembourgeois a annoncé l’exigence, partagée par les autres participants à ce mini-sommet, "qu'on [leur] ouvre les portes de ces débats pour voir comment on va établir la liste des paradis fiscaux". "Nous regrettons que certains pays parlent d'oasis fiscaux, sans avoir mené de débats sur les critères définissant les paradis fiscaux", a-t-il ajouté, tandis que Hans-Rudolf Merz renchérissait en précisant que "l’objectif est de demander à être intégrés dans le processus d'établissement des listes noires" des paradis fiscaux.

Luc Frieden s’est appuyé sur les critères de l’OCDE pour redire que l’Autriche, le Luxembourg et la Suisse n’étaient pas des paradis fiscaux , notamment en faisant référence à leur respect des standards internationaux établis pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement d’activités terroristes et la fraude fiscale.

Luc Frieden a insisté sur la volonté des trois pays de coopérer et de contribuer à la lutte contre la fraude fiscale : "Nous sommes prêts à dialoguer pour trouver des pistes communes afin de renforcer la lutte contre les délits fiscaux".

C’est au nom du respect de la vie privée que les trois ministres se sont accordés pour exclure la levée du secret bancaire, et plus précisément, selon les termes de Hans-Rudolf Merz, " pour préserver la sphère privée contre toute immixtion". Josef Pröll a assuré pour sa part qu’une automatisation des échanges d’informations signifierait la fin de secret bancaire.

Enfin, dans le contexte de crise financière, Josef Pröll a tenu à préciser que "le secret bancaire n'a rien à voir avec la crise financière", tandis que Luc Frieden développait cet argument en expliquant que "le secret bancaire n’était ni à l’origine de ni la solution à la crise financière internationale".  

Explications du directeur de l’ABBL sur RTL Radio Lëtzebuerg

Jean-Jacques Rommes était interviewé le lundi 9 mars 2009 au matin sur la chaîne de radio RTL Radio Lëtzebuerg. L’occasion pour le directeur de l’Association des Banques et Banquiers (ABBL) de préciser, au sujet des "listes noires" évoquées pendant le mini-sommet de la veille, qu’"on parle en effet de 3 ou de 4 listes noires des paradis fiscaux. Ce n’est donc pas du tout clair et nous ne savons pas ce qui nous attend". Il a expliqué qu’il y a des projets d’établir une liste noire des pays qui ne sont pas bien réglementés, une autre liste noire des pays qui ne coopèrent pas assez dans la lutte contre le blanchiment et le terrorisme, et une troisième liste noire des pays qui ne coopèrent dans la lutte contre les délits fiscaux. Dans le cadre d’un projet de loi, les Etats-Unis veulent également établir leur propre liste noire.

Quant aux critères pour être inscrit sur une telle liste, Jean-Jacques Rommes a expliqué ne pas les connaître mais que "les responsables politiques de différents pays citent régulièrement nos pays, comme si nous étions suspects et susceptibles d’être mis sur une telle liste. Or, comme nous ne sommes pas un paradis fiscal mais on veut quand-même nous sanctionner, nous aimerions bien connaître ces critères".

Concernant les reproches d’être un paradis fiscal adressés au Luxembourg par ses pays voisins, il a déclaré que c’est parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi l’industrie des fonds a pu s’établir au Luxembourg avec des avoirs de 1600 milliards d’euros. "On pense toujours que cela est dû à des avantages fiscaux ou réglementaires, mais ce n’est pas le cas", a ajouté Jean-Jacques Rommes. Il a expliqué que le secret bancaire du Luxembourg est fort et qu’il permet de ne pas révéler immédiatement aux pays voisins les données personnelles des clients lors du plus petit délit fiscal, contrairement à beaucoup d’autres pays européens.

Le directeur de l’ABBL a tenu à souligner que le Luxembourg dispose d’instruments de lutte contre la fraude fiscale - l’impôt à la source en est un – et que ceux-ci ont juste besoin d’être adaptés. En cas de fraude fiscale, le Luxembourg coopère également au niveau légal avec les autres pays, et il dispose donc de toute une panoplie de mesures.

"Les clients qui viennent au Luxembourg, accordent une grande importance à la discrétion", a déclaré Jean-Jacques Rommes, "tandis que dans leurs pays d’origine, ils sont soumis de plus en plus aux mesures censées créer un citoyen transparent". En guise d’exemple, il a cité l’Allemagne, où les administrations d’aide sociale disposent d’informations sur la situation des comptes des gens. De nombreuses personnes qui n’apprécient pas cette transparence administrative, viennent donc au Luxembourg.

Concernant la chance du Luxembourg de s’imposer par rapport à la France ou aux Etats-Unis, Jean-Jacques Rommes a déclaré qu’il faut insister sur un contact civilisé entre pays, et ne pas faire des déclarations similaires à celles faites par le président de la SPD, Franz Müntefering le 25 février 2009 à Ludwigsburg, qui a notamment déclaré que "dans le temps, on aurait envoyé des soldats". Ce que Rommes souhaite, notamment après de pareilles déclarations, c’est un bon dialogue, auquel le Luxembourg, la Suisse et l’Autriche se sont déclarés prêts.

En guise de conclusion, Jean-Jacques Rommes a déclaré qu’il n’y a aucune relation entre le secret bancaire et la crise financière et que c’est un manœuvre de diversion de dire le contraire. Certes, il y a des différences de régulation entre les pays, qui ont favorisé la crise. Mais dans ce contexte, les Etats-Unis doivent aussi être montrés du doigt, parce que s’ils avaient eu une réglementation adéquate, "nous ne serions pas", selon le directeur de l’ABBL, "dans la situation actuelle".