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Migration et asile
" Terre promise - terre due ? Les migrations africaines, un défi pour l'humanisme européen ?"
Le Forum pastoral 2009 a discuté avec des responsables politiques des défis que pose la situation migratoire au Nord de l'Afrique
30-04-2009


Nicolas Schmit, Charles Goerens et Nathalie GriesbeckDans le cadre du Forum pastoral 2009, Mgr. Vincent Landel, archevêque de Rabat (Maroc) a témoigné de la réalité de la vie des personnes dont le seul rêve est de rejoindre l´Europe. Son intervention a été approfondie avec une table ronde à laquelle ont participé Nicolas Schmit, ministre délégué aux Affaires étrangères et à l´Immigration, Mgr. Pierre Raffin, evêque de Metz, Charles Goerens, député et ancien ministre de la Coopération, de l´Action humanitaire et de la Défense, Nathalie Griesbeck, députée européenne et conseillère générale de la Moselle, Brigitte Vaisse, maire-adjointe de Thionville, et Jean-Paul Mathern, secrétaire du Mouvement International d´Apostolat des Milieux sociaux Indépendants (MIAMSI). Lors du débat animé par Johan Ketelers, secrétaire général de la International Catholic Migration Commission (ICMC), les intervenants ont discuté des défis que pose la situation au Nord de l'Afrique et des questionnements pour la politique de l'Europe.

Pour l'archevêque de Rabat, il faut aller voter aux les élections européennes pour "changer le monde"

Dans son témoignage, Mgr. Vincent Landel a tenu à souligner que l’immigration africaine est un enjeu politique. Abordant les tragédies sur les côtes de Malte, de Lampedusa et de l’Espagne, il a déclaré : "L’humanisme européen en a pris un sacré coup !" Pour lui, cet humanisme européen se trouve face à trois défis : premièrement, il faut que l'Europe s’ouvre à toutes les personnes quelque soit leur culture et leur religion, "même si elle ne peut pas accueillir tout le monde". Deuxièmement, l’Europe doit reconnaître qu’elle n’est pas le centre du monde, elle doit donc subir "un décentrement". Troisièmement, l’Europe doit être à l’écoute de l’humanisme africain, participer au développement de l’Afrique et accepter le "continent noir" comme partenaire à part égale.

Mgr. Vincent Landel pense que "renforcer Frontex", l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, n’est pas la bonne réponse face à aux flux migratoires en provenance de l'Afrique du Nord. Bien au contraire, il est d’avis que "l’Europe doit accueillir les migrants et en même temps aider à développer l’Afrique à long terme". Dans ce contexte, il a souligné l’importance des élections européennes, lors desquelles les citoyens européens doivent voter pour "changer le monde".

"On compte seulement les migrants qui arrivent, mais on oublie ceux qui sont restés dans la mer", a déploré Mgr. Landel, "mais si le monde ne change pas, ils continueront à risquer leur vie pour mettre un pied en Europe" et pour fuir "les salaires de misère, les soins de santé médiocres, l’éducation déficiente, la sécurité sociale rudimentaire, et l’absence de chômage et de retraites en Afrique".

"La migration est une chance pour construire des ponts entre les religions"

Depuis son "observatoire", comme il appelle le Maroc, Mgr. Landel se "pose de nombreuses questions", mais "n’a pas de solutions". Il pense cependant que nous devons assumer notre "responsabilité sociale, économique et politique" et ne "pas rester insensibles" si nous voulons que cette migration devienne quelque chose de "positif pour toute l’humanité". Et d’ajouter : "Si nous ne faisons rien, l’humanité, le monde occidental va s’exploser." Selon lui, la migration peut être une chance pour construire des ponts entre les religions, notamment entre l’islam et le christianisme.

Charles Goerens : "La Commission européenne doit coordonner les 27 politiques de développement et de coopération de ses Etats membres pour en faire une seule"

Charles Goerens, ancien ministre de la Coopération, de l´Action humanitaire et de la Défense, "Européen convaincu" J-P. Mathern, P. Raffin, V. Landel et J. Ketelerset "grand ami de l’Afrique", a expliqué qu’il faut aborder la question avec un certain pragmatisme. Selon lui, il faut une cohérence des politiques. "C’est un défi", a-t-il déclaré, "mais il faut donner des perspectives et de l’espoir aux gens de cette région, où il y a trop peu d’emploi et où les banques sont en surliquidité parce qu’il n’y pas d’affectations pour l’argent".

Selon le député du DP, la Commission européenne "doit coordonner les 27 politiques de développement et de coopération de ses Etats membres pour en faire une seule". Mais, selon lui, c’est notamment l’absence de volonté de coordonner ces politiques qui empêche que des progrès soient faits dans ce domaine. Parallèlement, il est d’avis qu’il faut promouvoir la dimension sociale dans les pays donateurs, parce qu’il y existe une corrélation entre taux d’aide et taux de précarité – si le taux de précarité est bas, le taux d’aide est haut, et inversement. Il pense également qu’il faut encourager d’autres formes de coopération, comme la transformation des richesses sur place, par exemple dans le delta du Niger.

Tempérer les flux migratoires, donner de l’espoir aux désespérés et laisser les portes ouvertes

Nicolas Schmit, ministre délégué aux Affaires étrangères et à l´Immigration, qui a récemment parlé au ministre maltais de l’Intérieur, a expliqué que "les gens de Malte sont désespérés, parce qu’ils ne savent plus comment traiter les personnes qui arrivent sur leurs côtes et qui vivent ensuite dans des conditions hygiéniques et alimentaires déplorables". L’objectif des politiques de migration est de "contrôler les flux migratoires", a-t-il précisé, "mais comment y arriver à court et à moyen terme ?" Il pense que la peur de nos sociétés, liée au phénomène de migration, peut être le "fondement de tout repli", notamment dans la politique.

"L’Europe forteresse n’existe pas", a souligné le ministre, "et les béliers qu’on construira en Afrique, seront plus forts que nos murs". Abordant la dimension du désespoir, mais aussi de la force des jeunes migrants africains, il est d’avis qu’il faut "combiner les politiques de développement et de coopération pour tempérer les flux migratoires, donner de l’espoir aux désespérés et laisser les portes ouvertes".

Quant à l’"optimisme" des systèmes africains, il pense qu’il y a un certain décalage entre les discours et la pratique. En parallèle, "les Européens et les Chinois sont impliqués dans la mauvaise orientation des politiques économiques en Afrique", a-t-il précisé. Et d’ajouter que la solution de la problématique ne peut se construire qu’à long terme parce qu’il y a toujours beaucoup de difficultés "sur le plan européen pour coordonner les politiques de migration".

"L’Afrique est aux Africains"

La députée européenne Nathalie Griesbeck a souligné que le Parlement européen est très engagé dans le domaine de la migration et que l'Union européenne dépense 46 milliards d’euros pour l’aide au développement jusqu’en 2013. Selon elle, l’Afrique, continent abandonné, mais aussi continent d’immenses richesses, appartient aux Africains, et c’est "notre responsabilité de la faire prospérer". "Paradoxalement, des milliers de personnes pensent que l’Europe, notre vieux contient vieillissant, est le paradis". Selon elle, c’est notre responsabilité de soutenir des projets en Afrique par des microcrédits, notamment accordées aux femmes africaines, ce qui représente une énorme chance pour elles.

Nathalie Griesbeck, qui a déjà visité plusieurs centres de rétention, a expliqué que les migrants "ne sont pas dangereux, mais ils sont en danger", et qu'il faut une prise de conscience individuelle de cette réalité. Elle pense en outre que la corruption est un énorme problème en Afrique, "un fléau comme le SIDA" qu'il faut combattre par tous les moyens.