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Éducation, formation et jeunesse - Traités et Affaires institutionnelles
Nicolas Schmit a exposé les défis de l’Union européenne à un groupe d’étudiants de Vienne
"Il faut intégrer l’Europe de nouveau dans le débat public quotidien"
02-04-2009


Nicolas SchmitLe 2 avril 2009, Nicolas Schmit, ministre délégué aux Affaires étrangères et à l'Immigration a rencontré des étudiants de la Diplomatische Akademie Wien. Devant ce groupe d’une centaine d’étudiants en provenance du monde entier – des Pays-Bas, d’Irlande, de la Grande-Bretagne, de la Turquie, d’Autriche bien sûr, mais aussi du Luxembourg -, Nicolas Schmit a abordé le G20 de Londres, la place du Luxembourg en Europe, ainsi que le rôle de l’UE dans la crise financière et économique. Il s’ensuivait un échange de vues avec les étudiants sur la surreprésentation du Luxembourg au sein du Conseil de l’Union européenne, l’opinion publique luxembourgeoise par rapport à l’Union européenne et l’euroscepticisme au Luxembourg, le rejet du Traité de Lisbonne en Irlande, les relations transatlantiques et l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

"Le défi du G20 est comparable à la celui de la conférence de Bretton Woods"

En guise d’introduction, Nicolas Schmit a avoué que la politique étrangère luxembourgeoise, de laquelle il était censé parler, ne l’inspirait pas tellement en ce moment où plein d’autres choses cruciales se passaient dans le monde. Il a notamment pensé au G20, qui se déroulait le même moment à Londres, et dont il s’attendait à de claires indications et orientations concernant l’organisation du monde dans ces temps de problèmes financiers et économiques. "Le défi du G20 est comparable à la celui de la conférence de Bretton Woods", a déclaré Nicolas Schmit en expliquant que les négociations de Bretton Woods et du G20 étaient comparables en termes de difficulté, et que les fondements du monde avaient changé depuis le début de la crise.

Le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l'Immigration a jugé incertain le rôle réservé à l’Union européenne dans la nouvelle donne des grands acteurs du monde et des pays émergents censés réorganiser l’économie mondiale. Nicolas Schmit a identifié la question de la représentation de l’Union européenne comme un de ses vrais problèmes. "L’Union européenne en tant que telle ne participe pas au G20, mais seulement certains de ses Etats membres", a-t-il expliqué "et on ne sait pas à quel point le président de la Commission ou la présidence tchèque vont y défendre les intérêts de l’Union européenne". Selon lui, il faut que l’UE soit perçue comme une force unique dans les discussions d’une telle importance. "L’Union européenne doit parler aux Etats-Unis en tant qu’Union européenne et non pas comme France, Allemagne ou Grande-Bretagne", a-t-il souligné.

En abordant la différence entre les Etats-Unis et l’UE, Nicolas Schmit a expliqué que les Etats-Unis vont se Nicolas Schmit et Christine Stix-Hackl, ambassadrice d'Autricheconcentrer sur l’économie réelle pour sortir de la récession, tandis que l’UE va mettre l’accent sur la régulation. Cela signifie que les Etats-Unis vont reconstruire leur économie dans le but de devenir les nouveaux leaders dans différents secteurs, notamment dans les nouvelles technologies, d’où leur changement d’attitude par rapport au changement climatique. "L’action de l’UE par rapport à la crise, une accumulation de plans nationaux des Etats membres et du plan de relance de 5 milliards d’euros, n’était cependant pas très coordonnée, ni convaincante", a-t-il estimé.

"L’Union européenne a besoin d’une intégration politique plus solide"

Nicolas Schmit a souligné que "l’euro est un facteur absolument positif, et sans lui, nous nous trouverions aujourd’hui face à une crise monétaire aux conséquences désastreuses". Selon lui, l’euro est un protecteur valide et solide de la stabilité des monnaies, qui a évité que les gens se soient laissés emporter par le protectionnisme, ce qui aurait causé encore beaucoup plus de pressions et ce qui aurait pu mener à la décomposition du marché intérieur, une autre réussite de l’intégration européenne. "L’Union européenne a besoin d’une intégration politique plus solide", a tenu à souligner Nicolas Schmit. Il pense par ailleurs que les politiques économiques de l’Union européenne manquent de cohérence et qu’il faut une sorte de "gouvernance économique" définissant clairement sa position et permettant à ses Etats membres de résoudre la crise ensemble.

"Dotée d’une constitution, l’Union européenne serait probablement perçue d’une autre façon sur la scène internationale"

En ce qui concerne les institutions de l’Union européenne, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l'Immigration pense que celles-ci ne permettent pas actuellement de relever tous les défis politiques et économiques. Il est d’avis que, dotée d’une constitution, l’Union européenne serait probablement perçue d’une autre façon sur la scène internationale. Pareil pour le Traité de Lisbonne, avec lequel l’Union européenne "s’en sortirait mieux", selon Nicolas Schmit, "mais nous avons raté ces deux occasions". Il pense qu’on ne peut pas être un partenaire crédible si on change de présidence tous les 6 mois. Parallèlement, un ensemble de 27 Etats membres ne peut pas fonctionner de la même manière qu’un ensemble de 6, 12 ou 15 Etats membres parce qu’il est difficile de gérer un groupe aussi grand et de prendre des décisions ensemble. Concernant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, Nicolas Schmit a toujours de l’espoir, même s’il s’inquiète un peu de tout ce qui se passe actuellement en République tchèque.

"La Commission a fait un bon travail en matière de lutte contre le changement climatique", a expliqué Nicolas Schmit, "mais elle a aussi ses limites, notamment s’il s’agit de questions moins législatives et plus politiques". Il a expliqué que la Commission avait été absente lorsqu’il s’agissait d’inclure le secteur automobile, secteur clé en Europe, dans son plan de relance. "La Commission est une institution essentielle, qui doit inspirer et faire avancer les Etats membres, et leur indiquer la direction", a-t-il déclaré, "mais Bruxelles n’émet pas toujours des signaux forts. Jacques Delors, par contre, était plus courageux et a donné plus d’indications, même s’il avait aussi ses moments faibles en tant que président de la Commission."

Selon Nicolas Schmit, il vaut mieux répartir les tâches dans une Commission restreinte. Inventer des postes pour remplir les rangs, par contre, mènerait à l’immobilisation du système. Tous les Etats membres de l’Union européenne doivent avoir le sentiment de jouer un rôle politique, mais la réforme institutionnelle est une nécessité, selon Nicolas Schmit, parce qu’il faut une stratégie politique plus claire, plus compacte et plus coordonnée.

Nicolas Schmit ne pense pas que le Luxembourg ou Malte soient surreprésentés au Conseil de l’UE

Répondant à une étudiante qui demandait si la pondération des voix au Conseil de l’Union européenne n’avait pas pour effet que le Luxembourg soit surreprésenté, Nicolas Schmit a souligné que ce n’est pas vraiment une question de surreprésentation mais que chaque pays doit avoir le sentiment de d’appartenir au groupe. Quant au Luxembourg, il ne pense pas qu’il bloque souvent des décisions. "Le malaise de l’Union européenne est né quand on a commencé à discuter de la surreprésentation des petits et grands pays, et ce psychodrame nous a mené en partie à la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui", a-t-il expliqué. Selon Nicolas Schmit, tous les pays devraient être traités de la même façon et il ne pense pas que le Luxembourg ou Malte soient surreprésentés. Il pense d’ailleurs qu’il faut veiller à ce que le processus décisionnel soit démocratique, légitime et accepté par tous les Etats membres de l’Union européenne.

La question d’un étudiant luxembourgeois abordait le rôle de l’Union européenne dans la crise financière. Nicolas Schmit s’est montré étonné du fait que les paradis fiscaux se trouvent tout à coup au centre de la discussion, qu’il juge "un peu exagérée", même s’il comprend que les pays veulent augmenter la justice fiscale et qu’il faut en conséquence changer les règles. Il a d’ailleurs tenu à parler de la faiblesse avec laquelle la Commission et les institutions de l’UE ont agi dans ce contexte. Cette faiblesse a créé un vide dont les grands pays ont profité pour se mettre en avant. Or, si le système de l’Union européenne doit continuer de fonctionner "normalement", il faut trouver des compromis et des ouvertures, et discuter de l’avenir au sein de l’UE.

Euroscepticisme au Luxembourg ?

Abordant la question d’une étudiante autrichienne sur l’opinion publique et l’euroscepticisme au Luxembourg, Nicolas Schmit a expliqué que "certainement pas tout le monde était d’accord" avec lui "pour abandonner un Commissaire", mais qu’il n’y avait de toute façon pas de grande discussion à ce sujet parce que les Irlandais ont obtenu le maintien d’un commissaire par pays. "Lors du référendum sur le Traité constitutionnel de l’UE, les Luxembourgeois ont voté à 56 % pour, mais de nombreux points d’interrogation sont restés, notamment au sujet des 44 % qui avaient désavoué la Constitution européenne", a expliqué Nicolas Schmit.

En ce qui concerne la polémique sur les paradis fiscaux, il a souligné que l’attitude "peu communautaire et diplomatique" de certains pays voisins avait créé un certain malaise à leur égard. "La manière de parler à ces pays voisins a un impact sur l’opinion publique", a-t-il souligné en ajoutant que les petits pays comptent de la même manière que les autres et qu’ils méritent aussi d’être respectés. Nicolas Schmit a par ailleurs tenu à préciser que les Luxembourgeois sont conscients qu’il est mieux d’être dans l’Union européenne qu’en dehors, et que l’UE basée sur le droit est meilleure qu’une UE basée sur la force.

"Intégrer l’Europe de nouveau dans le débat public quotidien"

Nicolas Schmit a expliqué que le rejet du traité de Lisbonne par la population irlandaise était partiellement dû au fait que le gouvernement irlandais avait sous-estimé la question et parce que la "classe européenne" avait échoué dans l’explication des enjeux aux citoyens. Pour remédier à ce sentiment des citoyens de ne pas être pris en considération par les autorités, il faut, selon Nicolas Schmit, renforcer le lien entre les processus de l’Union européenne et les citoyens et surtout intégrer l’Europe de nouveau dans le débat public quotidien.

Au sujet des relations transatlantiques, Nicolas Schmit a expliqué que chaque pays doit choisir à qui il veut s’allier et qu’il faut trouver des compromis entre différents intérêts. "L’Europe peut toujours être fière de son héritage culturel si elle ne gagne pas la course pour la première place dans l’ordre mondial", a-t-il ajouté non sans ironie. Il pense qu’il faut une forte alliance transatlantique, mais qu’il faut une égalité dans les relations entre les Etats-Unis et l’UE.

Concernant l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l'Immigration n’a pas donné une réponse claire. Il pense que les relations avec la Turquie sont très importantes pour l’Union européenne, mais il ne sait pas si ces relations vont se dérouler dans le cadre d’une adhésion de la Turquie à l’UE ou d’un partenariat privilégié. Et de conclure : "La Turquie a des travaux à domicile à faire et il faut attendre les résultats des négociations."