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Énergie - Environnement
Hearing public sur le changement climatique à la Chambre des députés
21-10-2009


Commission du développement durable de la Chambre des députésPendant que le Conseil des ministres européens de l’Environnement discutait le 21 octobre 2009 au Kirchberg d’une position commune de l’UE pour la Conférence de Copenhague sur le changement climatique, différents acteurs de la société civile luxembourgeoise se sont prononcés, au cours d’un hearing public sur le même sujet à la Chambre des députés, devant la Commission du développement durable présidée par Fernand Boden. Quelle doit être la contribution du Luxembourg aux efforts internationaux destinés à limiter l’augmentation de la température globale et quelle est la position que l’Union européenne devra adopter lors de la Conférence de Copenhague ? Tant de questions controversées auxquelles les membres de différentes ONG, ainsi que les représentants des communes et des chambres professionnelles ont apporté leurs pistes de réflexions.

Par sa présence à une partie du hearing, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker n’a laissé aucun doute sur l’importance accordée par les responsables politiques à la lutte contre le changement climatique. Les associations écologistes, de leur côté, ont regretté que le hearing se soit déroulé si tard et au même moment que le Conseil "Environnement". Ils auraient préféré faire part de leurs idées au ministre du Développement durable lorsque l’Union européenne avait entamé ses discussions sur une position commune.

180 ° : Notre climat est un mur de barrage à fissures

Albert Calmes du panel 180 ° , qui regroupe des citoyens engagés dans la lutte contre le réchauffement planétaire et dans la défense de l’environnement, a comparé les défis du changement climatiqueJean-Claude Juncker et Fernand Boden à un mur de barrage qui présente des fissures et qui risque de s’effondrer à tout moment. Une des mesures qu’il a proposées dans la lutte contre le réchauffement climatique est la création d’un institut climatique à Luxembourg, et ce de préférence encore avant la Conférence de Copenhague. Pour le député Marcel Oberweis, cet institut climatique devrait relever de la Grande Région, vu le grand nombre de travailleurs frontaliers que compte le Grand-Duché.

D’après le panel 180 °, une des mesures les plus importantes est de fixer des objectifs précis de réduction des gaz à effet de serre, à savoir une réduction de 40 % d’ici 2020. En outre, il pense qu’il faudra limiter les mécanismes flexibles du protocole de Kyoto, parce que ce "système déplace la problématique" et permet au "monde industriel de se racheter". Pour Albert Calmes, comme pour la plupart des intervenants, le Luxembourg doit d’ailleurs progressivement sortir du tourisme à la pompe.

Mouvement écologique : L’UE doit prendre ses responsabilités à Copenhague, avec ou sans le soutien des Etats-Unis

Blanche WeberBlanche Weber du Mouvement écologique a émis de nombreuses critiques à l’égard du questionnaire que la Commission du développement durable avait distribué au préalable aux intervenants. Elle pense que ce n’est pas la question "s’il faut lutter contre le changement climatique ou pas", mais "de quelle manière". Le Luxembourg, qui est loin de l’objectif de la réduction de 28 % des émissions de CO2 jusqu’en 2012 prévue par le protocole de Kyoto devrait faire une analyse de son échec et investir dans une économie sans émissions de CO2. Elle pense d’ailleurs aussi qu’une croissance économique de 4 % du Luxembourg n’est pas compatible avec les objectifs environnementaux". 

Blanche Weber estime que la lutte contre le changement climatique produira d’importants changements culturels dans notre société, notamment en ce qui concerne notre style de vie. "Mais nous devons atteindre une réduction 30 % des émissions de CO2 d’ici 2020", a-t-elle  souligné en ajoutant que "l’Union européenne doit prendre ses responsabilités à Copenhague même si les Etats-Unis ne veulent pas participer".

Le Luxembourg et par extension l’UE devraient montrer l’exemple pour inciter les pays émergents à développer des énergies renouvelables. Et de conclure que, par l’introduction d’une taxe carbone, le Luxembourg pourrait jouer le rôle de leader dans ce domaine au niveau européen.

Votum Klima : L’UE n’est pas prête à assumer ses responsabilités

Martina Holbach de Votum Klima, une initiative de Caritas Luxembourg, Action Solidarité Tiers Monde, Mouvement Ecologique et Greenpeace, a estimé que le Conseil Ecofin du 20 octobre 2009 a échoué dans la définition du financement de la lutte contre le changement climatique et de l’argent mis à disposition des pays en voie de développement qui souffrent le plus ces conséquences du changement climatique. "L’UE n’est donc pas prête à assumer ses responsabilités", a estimé Martina Holbach.Votum Klima

Selon Votum Klima, l’Union européenne émet un tiers du CO2 mondial, mais ses décideurs politiques n’ont toujours pas compris que le moment est venu pour agir. Pour Martina Holbach, l’UE ne doit donc pas se reposer sur son paquet climat avec une réduction de 20 % des gaz à effet de serre d’ici 2020, mais elle doit revoir à la hausse ses objectifs pour atteindre une réduction de 40 % de CO2. Cela compte surtout dans le contexte de l’insécurité énergétique et de la fin de l’ère du pétrole à bon marché.

Votum Klima regrette que les 27 Etats membres de l’UE, "qui se cachent derrière leur rôle de leader", n’aient pas réussi à poser les jalons et à faire des propositions concrètes en vue de la Conférence de Copenhague. Il devrait donc se passer un miracle lors du Conseil européen du 29 au 30 octobre 2009, pour que l’UE n’échoue pas et pour que Copenhague soit une réussite. Si les Etats-Unis ne veulent pas suivre, l’Europe devrait d’ailleurs faire tout ce qui est en son pouvoir pour se fixer des objectifs concrets en accord avec les pays industriels émergents, comme l’Inde, la Chine et le Brésil.

Le Luxembourg, en tant qu’un des Etats membres les plus riches de l’UE, devrait être ambitieux, contribuer à la définition d’objectifs ambitieux pour le sommet de Copenhague et servir ainsi de bon exemple dans la lutte contre le changement climatique.

SYVICOL : Impliquer davantage les communes dans la lutte contre le changement climatique

Dan KerschL’après-midi, la Commission du développement durable a reçu le Syndicat des villes et communes (SYVICOL), les différentes Chambres professionnelles ainsi que le Klimabündnis Lëtzebuerg.

Dan Kersch, président du SYVICOL, a abordé dans son intervention le Livre Blanc de la Commission européenne sur le changement climatique, qui voit une élévation du niveau de la mer comme une des principales conséquences du réchauffement climatique. "Ces variations du niveau des eaux et des températures ne seront pas sans conséquence sur l'approvisionnement alimentaire, la santé, le secteur industriel, les transports et l'intégrité de l'écosystème. Pour faire face aux répercussions importantes, notamment dans certaines régions et certains secteurs qui seront touchés plus sévèrement que d'autres, il faut mettre en place des mesures écologiques, économiques et sociales", estime le bourgmestre socialiste de la commune de Monnerich en ajoutant que les dépenses que nous devons faire maintenant ne sont pas comparables à ce qui nous attend si nous n’agissons pas aujourd’hui.

Dans son avis sur le Livre Blanc de la Commission, le Comité des Régions demande que les entités locales et régionales soient impliquées davantage dans la lutte contre le changement climatique. Dan Kersch a donc revendiqué que la Conférence de Copenhague trouve un accord juridiquement contraignant qui définit à quel point les communes sont impliquées et qui offre à leurs missions un cadre légal précis.

Klimabündnis : L’Etat doit repenser son attitude à l’égard des communes

En guise d’introduction, Paul Polfer a expliqué que le Klimabündnis regroupe 35 communes luxembourgeoises – et 1 400 communes et villes au niveau européen – qui s’engagent pour réduire leursKlimabündnis émissions de CO2. Il pense que le Luxembourg doit se tenir à ses obligations et réduire ses émissions de CO2 de 30 % d’ici 2020. Pour lui, Copenhague ne doit pas échouer, et même au cas où la conférence n’aboutirait pas à un traité international, elle doit au moins fixer les grandes lignes. Paul Polfer pense que dans ce contexte il serait mieux de conclure un accord sérieux avec l’Inde et la Chine mais sans les Etats-Unis – si ce n’est pas possible avec eux - que de faire trop de concessions. Cependant, l’UE devrait faire pression sur les Etats-Unis et l’Australie de signer l’accord, parce que "ce sont les plus grands pollueurs".

Selon Paul Polfer, l’inclusion du transport aérien et maritime dans le système des quotas fera que la destruction climatique aura un prix qui sera ressenti par les compagnies et les utilisateurs et encouragera ainsi la recherche de techniques alternatives et plus respectueuses de l’environnement.

Le Klimabündnis s’engage pour un renforcement des marchés régionaux, notamment de l’énergie et des produits alimentaires, qui entraînerait un meilleur bilan en matière d’émissions. Dans un premier temps, certains secteurs économiques en Europe et au Luxembourg vont souffrir d’un calcul plus réaliste du transport aérien et maritime, pense Polfer, mais cela permettra de protéger l'environnement plus efficacement et de renforcer des marchés régionaux.

Le Klimabündnis souhaite également plus de transparence dans le domaine des CDM et des droits d’émissions que le Luxembourg a achetés pour 50 millions d’euros. Par ailleurs, le Luxembourg devrait vendre, voire arrêter d’acheter des CDM, parce que seulement un cinquième de ces droits permet vraiment de réduire les émissions de CO2.

L’Etat devrait en outre repenser son attitude à l’égard des communes et collaborer plus étroitement avec les entités locales, comme le stipule la politique climatique et de coopération de la Commission européenne. Ainsi, les communes pourraient jouer un rôle actif dans la production d’énergie renouvelable et dans la mise en place de nouveaux concepts de transport.

Chambre de l’Agriculture : Le secteur agricole émet 9 % du CO2 dans l’UE

Henri KoxRobert Ley de la Chambre de l’Agriculture a expliqué que le secteur agricole émet 9 % du CO2 dans l’Union européenne, surtout à cause des vaches et des engrais. Entre 1990 et 2008, l’UE aurait cependant réduit les émissions des gaz à effet de serre de 20 %, mais le secteur agricole reste très sensible au changement climatique.

Il faudrait donc réorienter l’agriculture sur les énergies renouvelables, sur la production durable et sur la culture de plantes énergétiques, parce que, comme l’a souligne le député vert Henri Kox, l’agriculture "conventionnelle" est trop dépendante du pétrole. Il a remis en question le système des importations agricoles et a proposé de produire le fourrage en Europe.  

Robert Ley pense que les agriculteurs seraient d’accord avec de telles mesures mais il a aussi tenu à souligner qu’un comportement plus saisonnier du consommateur serait alors nécessaire, c’est-à-dire qu’il ne devrait plus acheter de fraises en hiver et ne plus manger autant de produits finis.

Encore quelques pistes de réflexion…

Christian Reding de la Chambre des Métiers a finalement souligné qu’il importe de prendre en considération les potentiels de chaque pays. Cela compte notamment pour le PIB très élevé duCarlo Thelen Luxembourg, qui conditionne le calcul des droits d’émission de CO2.

Pour Carlo Thelen de la Chambre de Commerce, la Conférence de Copenhague est importante dans la mesure où elle réunit tous les espaces économiques autour d’un sujet et permet de poser les jalons pour un développement écologique et durable qui aura des effets positifs sur l’économie.

René Winkin de la Fedil pense que ceux qui concluront l’accord à Copenhague devront s’assurer que l’industrie soit prête pour les nouveaux engagements. Il pense d’ailleurs que l’UE est vouée à continuer, non seulement pour des raisons écologiques mais parce que "cela fait du sens". En ce qui concerne les mécanismes flexibles, il pense qu’ils sont nécessaires mais la problématique doit être abordée au niveau européen, sinon les pays vont "blanchir leurs CDM par des transferts aux pays voisins".