Principaux portails publics  |     | 

Parlement européen - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Emploi et politique sociale
Le Parlement européen entend porter le congé maternité à 20 semaines dans l’UE, au lieu du seuil minimal de 14 semaines qui existe actuellement
20-10-2010


Une majorité d’eurodéputés réunis en plénière à Strasbourg a voté le 20 octobre 2010 en faveur de la prolongation du congé de maternité minimum de 14 à 20 semaines, allant ainsi au-delà de la proposition de la Commission européenne qui proposait de l'étendre à 18 semaines. Les parlementaires votaient au sujet d’une résolution rédigée par la socialiste portugaise Edite Estrela qui a été adoptée par 390 voix pour, 192 contre et 59 abstentions.L'eurodéputée Edite Estrela à l'issue du vote du Parlement européen sur le congé maternité le 20 octobre 2010 © European Parliament / Pietro Naj-Oleari

Toutefois, les députés ont adopté des amendements ajoutant que, dans le cas où un congé pour évènements familiaux existe au niveau national, les quatre dernières semaines peuvent être considérées comme un congé de maternité payé au minimum à 75 %.

En octobre 2008, la Commission avait proposé de revoir la législation actuelle (directive 92/85), dans le cadre du paquet "équilibre entre vie professionnelle et vie familiale", basé sur la convention de l'OIT sur la protection de la maternité datant de 2000.

Les députés ont soutenu la proposition de la Commission selon laquelle, en dehors du congé de maternité total, 6 semaines devront être prises après l'accouchement

Les travailleuses en congé maternité doivent percevoir l'intégralité de leur salaire, et la prestation doit être égale à 100 % de leur dernier salaire mensuel ou de leur salaire mensuel moyen, indique la résolution adoptée. La Commission européenne propose une rémunération de 100 % au cours des six premières semaines du congé de maternité. Pour le reste du congé, elle recommande d'accorder le plein traitement. Cette dernière disposition n'est pas contraignante, mais le montant versé ne devra pas être inférieur à un congé de maladie.

Le projet de loi vise à fixer des règles minimales au niveau de l'UE. Les États membres peuvent adopter ou maintenir les règles existantes qui sont plus favorables aux travailleurs que celles prévues dans la directive.

Les États membres sont invités à faire bénéficier les pères d'un congé de paternité entièrement rémunéré d'au moins deux semaines au cours de la période de congé maternité, indique le texte adopté. Les députés qui se sont opposés à cette disposition ont fait valoir que le congé de paternité se trouve hors du champ d'application de cette législation traitant de "la santé et la sécurité des femmes enceintes".

Le Parlement européen à l'issue du vote sur le rapport Estrela le 20 octobre 2010 © European Parliament / Pietro Naj-OleariLe Parlement a également adopté des amendements pour interdire le licenciement des travailleuses enceintes dès le début d'une grossesse et jusqu'à six mois, au minimum, après le terme du congé maternité. Les députés ont également précisé que les femmes doivent pouvoir retrouver leur emploi ou un "poste équivalent", c'est-à-dire avec le même salaire, dans la même catégorie professionnelle et dans le même type de fonctions que ceux qu'elles avaient avant le congé maternité.

Le Parlement a ajouté que les travailleuses ne doivent pas être obligées de travailler la nuit ou ni d'effectuer des heures supplémentaires au cours des 10 semaines précédant l'accouchement, pendant le reste de leur grossesse en cas de problème de santé de la mère ou de l'enfant à naître, et pendant toute la durée de l'allaitement maternel.

Astrid Lulling s’opposait avant le vote aux "solutions maximalistes préconisées par le rapport Estrela" et annonçait que "si le maximalisme devait l'emporter, ce serait à coup sûr un échec pour la politique familiale en Europe"

Au cours du débat qui a précédé le vote et qui s’est tenu le 18 octobre 2010, l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling (PPE), qui est membre de la commission des Droits de la femme et de l’égalité des genres, s’était opposée "aux solutions maximalistes préconisées par le rapport Estrela". Selon elle en effet, en voulant aller trop loin, la gauche n’a aucune chance de voir ses vues acceptées par le Conseil. Elle appelait donc ses collègues à voter des "dispositions réalistes qui ne grèveraient pas les budgets des Etats membres et constitueraient néanmoins un progrès appréciable".

Jugeant le rapport Estrela "tout aussi confus, contreproductif et chaotique que celui qui fut renvoyé en commission en mai 2009", Astrid Lulling regrette que deux ans aient déjà été "perdus pour améliorer la protection de la maternité" et craint que plus de temps ne soit perdu encore. A ses yeux en effet, la proposition initiale de la Commission européenne était "raisonnable, tout en assurant un progrès substantiel dans les Etats membres qui, en matière de durée et d'indemnisation du congé de maternité, restent en deçà de ce qui existe dans certains pays, dont le Luxembourg".

"N'oublions pas qu'il s'agit d'instaurer des seuils minima et qu'il ne peut s'agir d'imposer une solution maximaliste aux 27", plaidait Astrid Lulling qui estimait qu’il était plus important pour une femme salariée qu'elle dispose d'un droit à un congé moins long mais indemnisé à 100 % que d'un congé de 20 semaines et plus, sans garantie totale de salaire. L’eurodéputée luxembourgeoise avançait par ailleurs que les propositions du rapport Estrela seraient "impossibles à financer, que ce soit pour les gouvernements ou pour les entreprises".

Astrid Lulling avait donc annoncé qu’elle ne voterait pas pour ce rapport tel qu’il était soumis et elle appelait ses collègues à "rejeter tous les amendements n’ayant rien à voir avec la protection de la maternité, comme le congé de paternité ou les dispositions concernant les indépendants." Elle les invitait à voter en revanche pour les amendements restreignant le congé à 18 semaines.

"Seule en effet une attitude raisonnable et responsable peut améliorer la protection de la maternité", déclarait Astrid Lulling qui annonçait que "si le maximalisme devait l'emporter, ce serait à coup sûr un échec pour la politique familiale en Europe."

Claude Turmes qui voit dans le vote du Parlement européen un avancée vers une protection concrète des mères qui travaillent, estime que le Parlement se place en bonne position pour négocier avec le Conseil

Pour Claude Turmes (Verts/ALE), le vote du Parlement européen constitue une "avancée vers une protection concrète des mères qui travaillent". En se prononçant en première lecture pour le principe d’un congé maternité de 20 semaines, avec une rémunération à taux plein pour 16 d’entre elles et un revenu minimum pour les quatre dernières, en introduisant dans toute l’Europe un congé paternité, le Parlement se dote selon l’eurodéputé "d’une bonne position de négociation avec le Conseil".

L’objectif selon Claude Turmes ? Obtenir au Conseil un accroissement significatif de la durée du congé maternité fixée jusqu’ici à un minimum de 14 semaines. Pour l'eurodéputé, le Parlement européen doit maintenant montrer au Conseil qu’il reste ferme sur ses principes de "pleine rémunération" et de "durée du congé adaptée".

"Il est important que les femmes enceintes aient droit à un congé maternité adapté sur le plan de la durée et pleinement rémunéré, tout en veillant à ce que cela ne grève pas leurs chances sur le marché du travail", a expliqué Claude Turmes qui voit dans le modèle luxembourgeois un bon exemple. Les femmes enceintes y ont un congé parental de 16 semaines qui peut être prolongé de quatre semaines supplémentaires dans certains cas particuliers. Pour l’eurodéputé, ce modèle a fait ses preuves et il estime, comme le Conseil national des femmes, que la durée de congé ne doit pas être plus prolongée.

Par ailleurs, Claude Turmes estime qu’il conviendrait de penser à une flexibilité dosée du congé maternité au Luxembourg. Jusqu’ici un congé prénatal est prévu huit semaines avant la date présumée de l’accouchement et un congé postnatal de huit semaines suit l’accouchement, ces deux périodes étant rémunérées à taux plein. Or selon l’eurodéputé, toutes les situations médicales et tous les métiers n’exigent pas un congé prénatal aussi long. Il est en effet d’avis que nombre de femmes apprécieraient de pouvoir prendre une plus grande partie de leur congé maternité après la naissance. Déi Gréng vont faire prochainement des propositions dans ce sens au Luxembourg.

L’eurodéputé socialiste Robert Goebbels a "soutenu" par son vote "sa collègue Edite Estrela dans ses positions en faveur de l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail".

Jugeant ce vote "ambitieux", la commissaire européenne Viviane Reding, qui est en charge du dossier, a estimé pour sa part qu'il "ne faciliterait pas la quête d'un compromis équilibré dans un proche avenir" avec les gouvernements.