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Environnement
Répondant aux accusations de Camille Gira, Claude Wiseler explique que l’achat de droits d’émission à l’Estonie n’est pas "un simple transfert de hot air", mais permettra des réductions réelles d’émissions de CO2
18-01-2011


Le gouvernement luxembourgeois a décidé de participer à un transfert de droits d'émission combiné à un programme de rénovation d'immeubles à appartements en Estonie pour une somme de 30 millions d'euros. Il s'agit d'un contrat sur l'achat d'Unités de quantité attribuées (Assigned Amount Unit - AAU).

C’est ce que rappelle le député Camille Gira (déi gréng) dans une question parlementaire adressée au ministre du Développement durable et des Infrastructures, Claude Wiseler, le 7 décembre dernier.

Quelques jours auparavant, Camille Gira avait dénoncé aux côtés de Claude Turmes le "scandale" que représente à leurs yeux le rachat de certificats d’émission "hot air" - c’est ainsi en effet qu’ils désignent ces AAU - par le gouvernement luxembourgeois. Europaforum.lu s’était déjà fait l’écho des débats suscités par les "certificats hot air" alors que la conférence de Copenhague, en décembre 2009.

Dans sa question parlementaire, le député poursuivait donc la charge lancée contre le gouvernement luxembourgeois, insistant sur le fait que ces AAU sont fortement critiquées par des ONG. Selon Camille Gira, ces AAU "ne correspondent pas à de réelles réductions d'émissions de CO2 d'aujourd'hui, mais à des crédits d'émissions provenant d'activités économiques abandonnées au début des années 90, le plus souvent dans les pays de l'Europe de l'Est".

C’est dans le contexte, que le député juge "opaque", de ces achats de certificats de CO2 que le député demandait au ministre combien d’AAU ont été acquis à l'aide du contrat en question et à quel prix par tonne de CO2. Il souhaitait aussi savoir si des commissions ou autres frais supplémentaires ont dû être payés, ce qui n’est, aux dires du ministre, pas le cas.

Camille Gira s’enquérait aussi de la réduction en tonnes de CO2 que le ministre estimait voir réalisée par le programme de rénovation de l'habitat que le gouvernement estonien compte entreprendre avec les 30 millions d'euros versés par le Luxembourg.

L'Estonie a lié ses ventes de droits d'émission AAU à la mise en place d'un "Green Investment Scheme", c'est-à-dire que les recettes de la vente de AAU doivent être utilisées pour mettre en œuvre des mesures résultant à de véritables réductions d'émission de gaz à effet de serre, explique le ministre

Dans sa réponse, le ministre Claude Wiseler écarte les accusations de Camille Gira en expliquant qu’il ne s'agit pas "d'un simple transfert de hot air".

Lors de l'adoption du protocole de Kyoto, le statut d'économie en transition a été reconnu aux pays de l'ancienne URSS et aux pays de l'Europe Centrale et Orientale, rappelle en effet le ministre. L'Estonie, comme beaucoup d'autres nouveaux Etats membres de l'Union européenne, s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % pendant la période 2008-2012 par rapport à 1990. Comme tous les autres Etats membres, elle doit mettre en œuvre des politiques et mesures au niveau national, et dans le cadre du paquet climat-énergie de l'Union européenne, elle fait partie des Etats membres dont les émissions des secteurs non-ETS pourront augmenter d'ici 2020 par rapport à 2005.

Le logo du MInistère de l'Environnement estonienEn effet, poursuit Claude Wiseler, le PlB par habitant étant nettement inférieur à la moyenne communautaire, l'objectif 2020 de l'Estonie correspond à une augmentation de 11 % des émissions de gaz à effet de serre, alors que celui du Luxembourg par exemple correspond à une réduction de 20 %.

L'Estonie a lié ses ventes de droits d'émission AAU, dont le volume total est d'ailleurs nettement inférieur à ce qu'elle pourrait légalement vendre, à la mise en place d'un "Green Investment Scheme" (GIS), c'est-à-dire que les recettes de la vente de AAU doivent être utilisées pour mettre en œuvre des mesures résultant à de véritables réductions d'émission de gaz à effet de serre. Et c’est bien sur ce point qu’insiste le ministre en précisant que, dans le cadre du transfert avec le Luxembourg, les recettes provenant de ce transfert sont destinées à cofinancer des mesures de rénovation d'immeubles à appartements, en particulier :

  • isolation thermique de murs, façades, toitures, caves,
  • remplacement de fenêtres,
  • installation de systèmes de chauffage, en particulier des centrales fonctionnant aux énergies renouvelables,
  • rénovation de systèmes de ventilation, nouveaux systèmes de ventilation,
  • utilisation d'énergies renouvelables.

Les bénéficiaires, ajoute encore Claude Wiseler, sont les associations d'immeubles à appartements et les communautés/copropriétés de propriétaires d'appartements. L'immeuble doit être soumis à un audit avant qu'une demande d'aide soit introduite. Le projet de rénovation doit être conforme à l'audit et mener à une réduction de la consommation énergétique d'au moins 20 %. Le taux d'aide peut varier de 15 % à 35 %, selon les économies d'énergie réalisées. A titre d'exemple, pour obtenir une aide de 35 % des dépenses effectives, une économie d'énergie de 50 % doit être réalisée.

Selon le ministre, un comité ("implementing committee"), dans lequel le ministère du Développement durable et des infrastructures - Département de l'environnement est représenté, a été mis en place pour suivre la mise en œuvre du projet GIS.

Le projet en question renforce un programme de prêts existant ("Renovation Loan for Apartment Buildings") mis en place en mai 2009, et cofinancé par le CEB (Council of European Development Bank) et les fonds structurels européens. Dans le cadre de ce programme, des associations et communautés de propriétaires de maisons à appartements reçoivent des prêts à long terme et à taux réduits.

Toutefois, concède Claude Wiseler, l'intérêt pour ce programme a été modeste dans la mesure où les requérants ont jusqu'à présent dû couvrir 15 % des dépenses par des capitaux propres. C’est ce qui explique à ses yeux pourquoi un nouveau programme d'aides est mis en place dans le cadre de la coopération avec le Luxembourg pour inciter davantage les propriétaires d'appartements à la rénovation de leurs immeubles souvent vétustes et datant de l'époque communiste.

800 000 tonnes de CO2 pourraient être économisées grâce au programme de rénovation de l’habitat qui sera financé avec les recettes provenant du transfert de droits d’émission avec le Luxembourg

Le programme de prêts et d'aides est géré par le "Credit and Export Guarantee Fund - Kredex", créé en 2001 par le ministère des Affaires Economiques estonien. Selon Claude Wiseler, il est estimé que plus de 800 000 tonnes de C02 pourront être économisées avec le programme de rénovation de 1'habitat que le gouvernement estonien compte entreprendre avec les recettes de 30 millions d'euros provenant du transfert de droits d'émission avec le Luxembourg.

Claude Wiseler reconnaît toutefois ne pas pouvoir indiquer à combien de AAU correspond ce transfert, le gouvernement estonien ne souhaitant pas divulguer ces informations. Mais il précise cependant qu’il n'y a pas de commissions ou autres frais supplémentaires qui ont dû être payés au gouvernement estonien.

Le député demandait enfin au ministre s’il était "véridique" qu’il se serait "félicité de l'achat de ces certificats hot air estoniens" lors d'une réunion du comité interministériel en charge du projet, et s’il entendait poursuivre dans cette voie, vu le prix apparemment bon marché du "hot air". Sur ce dernier point, le ministre précise ne pas avoir participé aux réunions du comité interministériel en question, dont les membres sont des fonctionnaires représentant différents départements ministériels.