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Justice, liberté, sécurité et immigration - Politique étrangère et de défense
Le Luxembourg et l’UE face aux changements en cours dans le monde arabe
31-03-2011


Le député CSV Marc Spautz a adressé au ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, une série de questions en relation avec les révoltes populaires dans certains pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, où "des milliers de réfugiés sont en train de quitter leur pays pour rejoindre l'Europe qui doit se préparer à faire face à une crise humanitaire de grande ampleur".

Jean Asselborn et le ministre de l’Immigration Nicolas Schmit lui ont adressé une réponse conjointe le 30 mars 2011. Europaforum.lu reproduit intégralement ce texte qui documente dans le détail les positions luxembourgeoises et européennes face aux changements en cours dans le monde arabe.

1. Quelle est la position de l'UE en la matière?

Dans son voisinage et au-delà, l'Union européenne (UE) soutient les aspirations populaires à plus de libertés, vers la démocratie, l'Etat de droit et la justice sociale. Concernant les événements du printemps arabe, l'UE reste à l'écoute des sociétés qui se trouvent dans un processus de transformation: en effet ce sont elles qui devront décider de l'avenir de leurs pays. Cela dit, l'UE se tient prête à soutenir les réformes avec tous ses instruments, au cas où une telle demande serait formulée par les pays en transition.

2. Quelle est la stratégie des ministres européens des Affaires étrangères pour accompagner le processus de transition démocratique dans les pays concernés?

Le Conseil européen extraordinaire du 11 mars 2011 a énoncé que tous les pays du voisinage sud de l'UE devraient souscrire à des réformes politiques et économiques. Un soutien de l'UE, différencié selon les pays, se déterminera en fonction des réformes réalisées.

L'UE offre la possibilité d'une intégration économique plus profonde, un meilleur accès au marché européen, ainsi que la perspective d'une coopération politique renforcée. S'y ajoutent un soutien financier et la perspective d'un accroissement des investissements. Il est prévu que de telles initiatives seront validées par la révision de la politique européenne de voisinage (PEY) actuellement en cours.

Pour le cas de la Libye, l'UE soutient la Résolution 1973 du Conseil de sécurité et sa mise en œuvre. L'objectif de l'UE est la protection des civils libyens de tout acte de violence perpétré par les forces du colonel Kadhafi. Les demandes du peuple libyen pour une ouverture démocratique sont légitimes et méritent le soutien de l'Europe et du Luxembourg.

Il ressort ainsi de la déclaration du Conseil européen extraordinaire du 11 mars, des conclusions du Conseil des Ministres des Affaires étrangères du 21 mars, ainsi que du Conseil Justice et Affaires intérieures du 24 et 25 février.

3. Quelle est la stratégie des ministres européens de l'Immigration afin d'endiguer les afflux massifs de réfugiés?

La Commission européenne et les Etats membres travaillent en étroite collaboration pour faire face à un éventuel accroissement des arrivées de demandeurs de protection internationale. Après la réunion des ministres de l'Intérieur qui eut lieu le 24 février, les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont adopté des conclusions qui sont plus récentes. Il en est fait état dans la réponse à la question 5 de 1'honorable député.

D'autre part, il y a lieu de mentionner que l'Union européenne dispose de mécanismes de solidarité, notamment le Fonds européen des réfugiées et le Fonds européen pour les frontières extérieures, qui pourront être activés pour venir en aide des Etats membres qui seraient le plus sollicités par d'éventuelles arrivées massives. La Commission européenne est en train d'étudier de quelle façon, si cela s'avérait nécessaire, les fonds pourraient être renfloués. Toutefois, pour le moment, les chiffres n'ont pas atteint les seuils critiques qui déclencheraient le mécanisme.

4. Comment l'Union européenne envisage-t-elle d'aider les réfugiés et quels sont les moyens financiers qui devraient être débloqués?

Le 20 mars, la Commission européenne a dénombré quelques 292.136 personnes ayant traversé une frontière. Il s'agit pour la plupart de travailleurs immigrés qui fuient les combats dans leur pays d'accueil et qui rejoignent surtout la Tunisie et l'Egypte. La situation reste particulièrement précaire dans les parties occidentales de la Libye (contrôlées par les forces du colonel Kadhafi) car les travailleurs humanitaires n'y ont pas accès à et se voient obligés d'attendre les réfugiés du côté tunisien de la frontière. Des camps humanitaires ont été mis en place aux frontières des pays riverains de la Libye pour accueillir les réfugiés.

L'UE (Commission européenne et Etats membres) contribue à hauteur de 73 257 985 € aux efforts humanitaires et de protection civile pour aider les réfugiés et la population libyenne. Ces fonds sont destinés à l'établissement des camps d'accueil, au recensement des réfugiés, à la distribution de nourriture, d'eau et de médicaments. Des dons en nature sous forme de couvertures, tentes, matériel sanitaire, médicaments et de mise à disposition de navires et d'avions pour le rapatriement de réfugiés dans leur pays d'origine ont également été effectués par les Etats membres.

La DG ECHO de la Commission européenne a mobilisé 20 experts en matière humanitaire et de protection civile de la Commission européenne et des Etats membres, déployés en Tunisie, en Libye, en Egypte et en Algérie. Un agent de la Protection civile luxembourgeoise, expert en communication, participe à cette équipe européenne en Tunisie. Sur place, l'UE travaille en collaboration étroite avec les agences onusiennes et les ONG.

5. Comment l'Union européenne envisage-t-elle d'aider les pays méditerranéens de l'Union européenne qui doivent supporter les principaux flux migratoires à la suite de la crise en Afrique du Nord et au Proche-Orient?

Le Conseil européen du 11 mars 2011 a abordé cette question et a retenu dans ses conclusions que "les États membres les plus directement concernés par les mouvements migratoires ont besoin de notre solidarité concrète. L'UE et les États membres sont prêts à fournir le soutien nécessaire en fonction de l'évolution de la situation. L'UE continuera, notamment au travers de l'opération Hermes 2011 de Frontex, de suivre de près l'effet des événements sur les mouvements migratoires à l'intérieur et en provenance de la région. En particulier, les États membres sont instamment invités à accroître, en fonction des besoins, les ressources humaines et techniques qu'ils fournissent à Frontex. La Commission est invitée à débloquer des ressources supplémentaires. Le Conseil européen appelle à la conclusion rapide d'un accord sur le règlement renforçant les moyens d'action de l'agence."

Entretemps, l'agence Frontex a élaboré un dispositif opérationnel, composé de missions conjointes, qui couvre la zone de la Méditerranée qui s'étend de l'Espagne à la Grèce. Les Etats membres ont fourni des moyens importants, dont des avions de surveillance et des bateaux de patrouille. Le Luxembourg s'est engagé à fournir plusieurs avions de surveillance dont le premier a commencé à opérer en Grèce, le 17 mars dernier. La Présidence hongroise et la Haute Représentante amorceront également un dialogue avec les pays tiers concernés qui englobera les questions migratoires pour induire une réduction des flux migratoires en direction des Etats membres du Bassin méditerranéen.

6. Le Luxembourg envisage-t-il de prendre en charge des réfugiés en provenance des pays concernés et le cas échéant comment envisage-t-il de les accompagner au niveau psychologique, éducatif et financier?

Il y a lieu de faire la différence entre différentes catégories de "réfugiés".

Il y a d'abord les personnes d'origine tunisienne qui se sont rendues à l'île italienne de Lampedusa après l'"ouverture" des frontières de leur pays. L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), considère que ces personnes ne sont pas à considérer comme nécessitant une protection internationale.

En deuxième lieu, les personnes originaires de pays tiers comme le Bangladesh, les Philippines, la Chine ou autres qui se trouvaient en Libye en qualité de travailleurs salariés et qui ont fui pour rentrer dans leur pays d'origine: ces personnes ne sont pas non plus à considérer comme relevant de la Convention de Genève.

Il y a ensuite les personnes qui ont fui ou veulent fuir la Libye, sans avoir la possibilité de rentrer dans leur pays d'origine. Il s'agit de réfugiés (reconnus par l'UNHCR) ou de demandeurs d'asile de différents pays, comme l' Erythrée, le Soudan ou encore la Somalie, une population extrêmement vulnérable, pour laquelle une évacuation et une réinstallation s'imposeraient selon le Haut Commissaire pour les réfugiés.

En dernier lieu, il y lieu de considérer le cas de personnes originaires de la Libye elle-même qui fuient leur pays pour des raisons de persécution ou de guerre civile et dont il est difficile d'estimer le nombre.

En tout état de cause, le gouvernement luxembourgeois n'a jamais manqué à ses obligations internationales et a accueilli de nombreuses personnes en fuite pour leur accorder un refuge en cas de besoin. Cela vaudra également pour les personnes appartenant aux deux dernières catégories énumérées, qui pourraient être reçues au Luxembourg, de manière temporaire ou à plus long terme.

Ces personnes seraient en droit de recevoir, de la part du Luxembourg, toutes les aides prévues par la législation. Encore que la question de leur accueil se pose dans le contexte plus large des problèmes auxquels le Gouvernement doit faire face actuellement. Suite à l'afflux important de demandeurs d'asile originaires de la République de Serbie ou de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine arrivés sans obligation de visa et qui ne se qualifient guère pour obtenir un statut de protection, nos capacités d'accueil sont fortement limitées, compte tenu de la nécessité d'appliquer les procédures prévues par la loi.