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Justice, liberté, sécurité et immigration
La Commission européenne propose une meilleure gestion des migrations vers l’Union européenne
Des contrôles limités aux frontières intérieures pourraient être réintroduits "dans des conditions qui resteraient très exceptionnelles"
04-05-2011


La Commission européenne a présenté le 4 mai 2011 des initiatives "pour une approche plus structurée, globale et très réactive de l'UE envers les défis et les opportunités que génère la migration, en particulier à la lumière des événements qui secouent actuellement la Méditerranée".

Ces initiatives couvrent plusieurs aspects des migrations, à savoir :

  • un renforcement des contrôles aux frontières et de la gouvernance de Schengen,
  • le parachèvement du régime d'asile européen commun,
  • une migration légale mieux ciblée,
  • un échange des meilleures pratiques en vue d'une intégration fructueuse des migrants,
  • ainsi qu’une approche stratégique des relations avec les pays tiers sur la question des migrations.

Ces initiatives s’ajoutent aux mesures urgentes et à court terme déjà prises par la Commission pour faire face à la situation migratoire en Méditerranée et aux pressions migratoires auxquelles sont soumis les États membres limitrophes.

Le contexte

Déplacements de populations et immigration tunisienne

Depuis le début de l'année 2011, à cause de la révolution en Tunisie et de la guerre civile en Libye doublée d’une intervention militaire de l’OTAN pour faire respecter la zone d’exclusion aérienne selon la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, des déplacements massifs de population ont eu lieu.

Selon les dernières estimations, plus de 650 000 personnes auraient quitté le territoire libyen pour fuir les violences qui y sont perpétrées. Ces personnes ont trouvé refuge dans les pays limitrophes, en premier lieu la Tunisie et l'Égypte, et beaucoup d'entre elles ont réussi depuis lors à retourner dans leurs pays d'origine respectifs, au besoin avec une aide à cet effet.

Plus de 25 000 migrants, originaires principalement de Tunisie et, dans une moindre mesure, d'autres pays africains, ont fuit vers l'UE, en gagnant les côtes italiennes (la plupart d'entre eux l'île de Lampedusa) et maltaises, ces deux pays subissant actuellement une pression migratoire certaine.

En plus des personnes déplacées et des migrants, un grand nombre de réfugiés de différentes nationalités, notamment des Somaliens, des Érythréens et des Soudanais, ont quitté la Lybie, et certains d'entre eux sont également parvenus jusqu'en Italie et à Malte. Ces événements ont accru la pression exercée sur les systèmes de protection et d'accueil de plusieurs États membres.

La France et l’Italie à la charge avec une lettre commune

Dans un premier temps, la France a fermé le 17 avril 2011 sa frontière intérieure avec l’Italie à Vintimille, quand l’Italie a commencé à délivrer des laissez-passer pour l’espace Schengen aux immigrants tunisiens arrivés avant le 5 avril 2011. Ensuite, le 26 avril 2011, le président français, Nicolas Sarkozy, et le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, ont adressé à la Commission européenne une lettre commune dans laquelle ils expriment leur crainte que la situation migratoire en Méditerranée ne puisse "rapidement se transformer en une véritable crise qui affecterait la confiance que peuvent avoir nos concitoyens dans la libre circulation de l’espace Schengen". Ils demandent que l’UE redéfinisse "sa relation avec les pays tiers, et notamment ceux du Sud de la Méditerranée", et d’autre part, ils veulent que l’UE "rénove profondément rénover ses règles internes" en ce qui concerne la gestion de ses frontières extérieures et intérieures.

Les grands axes de leur demande sont :

  1. "un nouveau partenariat avec les pays tiers", un soutien aux processus démocratiques en cours, et "en contrepartie", un engagement de ces "pays partenaires (..)  dans une coopération rapide et efficace avec l’Union européenne et ses Etats membres dans la lutte contre l’immigration illégale".
  2. "une nouvelle solidarité entre les États membres" qui passe par la réalisation d’un régime d’asile européen commun et "une plus grande convergence dans les normes et les pratiques devrait être soutenue aussitôt que possible, de façon à décourager les mouvements secondaires"
  3. "une sécurité renforcée au sein de l’espace Schengen", qui passe :
  • par un renforcement de l’agence Frontex, "une gouvernance renforcée de l’espace Schengen" avec "des exigences plus strictes et des outils plus efficaces afin de parvenir à davantage de discipline collective et de cohésion dans les niveaux de protection des frontières extérieures communes, y compris en vue de l’élargissement de l'espace Schengen", à la rigueur sous le contrôle d’inspecteurs européens
  • par "une modification législative du mécanisme d’évaluation"
  • et par la possibilité – à examiner - "de rétablir temporairement le contrôle aux frontières intérieures en cas de difficultés exceptionnelles dans la gestion des frontières extérieures communes, dans des conditions à définir". 

Pour un régime d'asile européen commun et contre une "Europe forteresse"

Lors de sa conférence de presse, la commissaire aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, a souligné que les propositions de la Commission répondaient à des préoccupations exprimées dans certains Etats membres, maisCecilia Malmström a présenté le 4 mai 2011 les propositions de la Commission européenne en vue d'une meilleure gestion des migrations qu’elles ne constituaient pas une réponse directe à ces problèmes, les mesures proposées, comme le parachèvement du régime d'asile européen commun, ayant été envisagées depuis un certain temps et qu’elles ne devraient pas seulement répondre à une situation ponctuelle, mais être conçues pour durer et s’appliquer à tous les Etats membres.

La commissaire a aussi déclaré que l’UE devait "se montrer digne de la vocation qui est sienne d'offrir un refuge aux personnes ayant besoin d'une protection" et elle a souligné que l’Union "tirerait avantage d’une certaine quantité d’immigration de main-d’œuvre ciblée qui contribuerait à combler les déficits de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs et parerait au déclin attendu de sa population en âge de travailler au cours des prochaines années". Une gestion de cette migration nécessite "des contrôles frontaliers efficaces" et implique "le retour des migrants irréguliers". En contrepartie, elle a plaidé pour des "partenariats pour la migration et la mobilité avec les pays tiers". Elle a insisté sur le danger de créer "une Europe forteresse" à l'égard des immigrants, estimant que les immigrés avaient dans l'histoire largement contribué au développement du continent et devaient continuer à le faire.

Le système Schengen en question ?

Faisant indirectement allusion à la lettre Sarkozy-Berlusconi, Cecilia Malmström a déclaré que "les évènements récents ont également suscité des préoccupations quant au fonctionnement du système Schengen". Mais elle a précisé que "la libre circulation des personnes entre les pays de l'espace Schengen est une réalisation de première importance  sur laquelle il ne faut pas revenir, mais qu'il faut au contraire renforcer". Reste que, selon elle, "Schengen peut avoir certaines faiblesses car Schengen s'est basé sur la confiance". Or cette confiance entre Etats membres fait défaut aujourd'hui selon elle.

Dans ce contexte, elle a rappelé que la Commission avait "déjà proposé d'améliorer le mécanisme d'évaluation pour assurer le contrôle efficace de nos frontières extérieures". 

Quant au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, qui a suscité nombre de levées de boucliers, la commissaire a d’abord rappelé que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen est déjà possible mais seulement en cas de "menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure".

Cecilia Malmström a ensuite déclaré avec beaucoup de nuances que "pour préserver la stabilité de l'espace Schengen, il pourrait s'avérer également nécessaire de prévoir la réintroduction temporaire de contrôles limités aux frontières intérieures dans des conditions qui resteraient très exceptionnelles, comme dans le cas où une partie des frontières extérieures est soumise, de manière inattendue, à de fortes pressions". Répondant à une question de journaliste, elle a néanmoins déclaré que les 25 000 Tunisiens sur le territoire italien ne représentaient pas à ses yeux une pression telle qu’elle justifierait le contrôle aux frontières intérieures.

Les initiatives de la Commission

 La Commission propose donc une série d'initiatives portant sur les aspects suivants:

  • le parachèvement du régime d'asile européen commun pour 2012, dans le respect des valeurs fondamentales et des obligations internationales incombant à l'Union;
  • le renforcement des contrôles aux frontières et de la gouvernance de Schengen, pour faire face à l'immigration illégale, garantir que chaque État membre contrôle efficacement sa portion des frontières externes de l'Union, en conformité avec l'esprit et la lettre du droit de l'UE, et générer une confiance en l'efficacité du système mis en place par l'UE pour la gestion des migrations;
  • des migrations légales vers l'UE mieux ciblées, en vue de faciliter l'immigration de personnes possédant les compétences nécessaires pour l'aider à combler les déficits prévus de main d'œuvre et de compétences et parer au déclin prévu de sa population en âge de travailler;
  • le partage des meilleures pratiques dans les États membres en ce qui concerne l'intégration des immigrants légaux dans l'UE, de manière à maximiser les avantages économiques de l'immigration et à assurer l'harmonie sociale dans l'Union;
  • une approche stratégique des relations avec les pays tiers sur les questions liées aux migrations, visant à faciliter la circulation des personnes par une amélioration des possibilités de migration légale, combinée à des mesures de prévention des migrations illégales.

Prochaines étapes

La communication de la Commission orientera les débats lors du Conseil extraordinaire Justice et affaires intérieures du 12 mai prochain, qui seront suivis d'une discussion sur les migrations lors du Conseil européen du 24 juin. Des initiatives connexes seront présentées dans les semaines et mois à venir, notamment un train de mesures «migrations» qui seront soumises au Collège pour adoption le 24 mai.