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Élargissement - Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil européen : les négociations d’adhésion avec la Croatie touchent à leur fin, tandis que l’introduction d’une clause de sauvegarde est envisagée pour autoriser le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen
24-06-2011


Au lendemain d'une première soirée consacrée à des questions économiques, le Conseil européen s’est poursuivi le 24 juin 2011 pour se concentrer sur la réponse de l’UE aux changements que connaît son voisinage méridional, sur la question des migrations ainsi que sur l’adhésion de la Croatie à l’UE.Jean-Claude Juncker au Consiel européen à Bruxelles le 24 juin 2011 © SIP / JOCK FISTICK

C’est au déjeuner que les chefs d’Etat et de gouvernement ont eu une discussion politique qui relevait de la politique étrangère, le principal message de la déclaration adoptée étant le nouveau partenariat qu’entend offrir l’UE aux pays de son voisinage méridional actuellement en transition. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi condamné les violences du régime syrien qui fait l’objet de nouvelles sanctions, tout en réaffirmant l’importance de préparer pour la Libye la transition démocratique post-Khadafi. La déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement appelle à la fin de la violence au Yémen, tout en soulignant que la situation à Gaza demeure préoccupante. Un appel à la reprise de négociations directes a été lancé afin de réaliser des progrès dans le processus de paix au Proche-Orient.

"La question cruciale des migrations" au menu du Conseil européen

"Lors de la session plénière de vendredi matin, nous nous pencherons sur la question cruciale des migrations", annonçait Herman Van Rompuy dans la lettre d’invitation qu’il avait adressée aux chefs d’Etat et de gouvernement en vue du Conseil européen. "Dans le prolongement du bon travail effectué par le Conseil, nous devrions réaffirmer l'importance que revêt la libre circulation et fournir des orientations pour la suite des travaux sur des questions aussi essentielles que la gouvernance de Schengen, la gestion des frontières, les partenariats avec les pays tiers du sud de la Méditerranée et notre politique européenne commune en matière d'asile", indiquait-il déjà.

Les décisions prises au Conseil en matière de migrations ont porté sur ces quatre aspects, ainsi que le président du Conseil de l’UE l’a résumé à l’issue du sommet.

Les nouveaux accords de partenariat avec les pays du voisinage de l’UE porteront sur les questions de migrations

"La meilleure manière de réduire la pression migratoire à nos frontières Sud est d’aider les jeunes d’Afrique du Nord et du Moyen Orient à construire un avenir dans leur propre pays", a déclaré Herman Van Rompuy, soulignant qu’une politique migratoire réussie commence "au-delà de nos frontières".

Les nouveaux partenariats avec les pays du voisinage de l’UE porteront ainsi sur les questions de migrations, de mobilité et de sécurité, préconisent les chefs d’Etat et de gouvernement qui font référence à la communication de la Commission qui propose de "nouer avec les pays concernés un vaste dialogue structuré sur les migrations, la mobilité et la sécurité".

Le Conseil annonce une avancée rapide des négociations sur le RAEC sur la base des dernières propositions de la Commission

En matière d’asile, les chefs d’Etat et de gouvernement ont donné leur feu vert aux négociations au Conseil, jugeant que les récentes propositions modifiées de la Commission en matière de procédures d’asile et de condition d’accueil offraient une base pour de futures négociations.

"Les modifications apportées ne devraient pas avoir pour effet d'encourager la présentation de demandes injustifiées ou d'accroître les coûts globaux pour les États membres", stipulent les conclusions du Conseil qui annoncent une avancée rapide des négociations "sur la base d'une approche globale équilibrée incluant toutes les propositions qui ont été faites". L’objectif reste de parachever le régime d’asile européen commun (RAEC) d’ici 2012

Le Conseil européen salue l’accord politique trouvé le 23 juin sur le renforcement de l’agence Frontex

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont salué par ailleurs l’accord politique trouvé le 23 juin 2011 entre Conseil et Parlement européen sur le renforcement de l’agence Frontex. Les nouvelles règles, telles qu'elles ressortent du projet de texte de compromis, permettront de renforcer la capacité opérationnelle de Frontex dans toute une série de domaines.

Les conclusions du Conseil européen soulignent notamment que les modifications apportées à ce règlement permettront "d'améliorer l'efficacité des capacités opérationnelles de l'agence", tandis que "le cadre de coopération entre gardes-frontières nationaux sera renforcé, notamment en promouvant les formations communes et l'échange de capacités et de normes". Ce texte doit encore être formellement approuvé par le Parlement européen et par le Conseil.

Schengen : une clause de sauvegarde pourrait être introduite en tout dernier ressort afin d'autoriser, à titre exceptionnel, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures

En ce qui concerne Schengen, les chefs d’Etat et de gouvernement réaffirment dans leurs conclusions que "la libre circulation des personnes, consacrée par le traité, est l'une des réalisations les plus concrètes et l'une des plus grandes réussites de l'intégration européenne et constitue une liberté fondamentale". Mais, se référant aux conclusions du Conseil JAI des 9 et 10 juin 2011, les chefs d’Etat et de gouvernement notent que "l'application de règles communes devrait être encore améliorée et consolidée afin qu'une réponse efficace puisse être apportée aux défis à venir".

Première solution proposée : "un système de suivi et d'évaluation efficace et fiable" qui permettra à l’avenir de "renforcer, d'adapter et d'étendre les critères sur la base de l'acquis de l'UE". Selon les conclusions du Conseil, l'évaluation devrait se faire au niveau de l'UE avec le concours d'experts des États membres, de la Commission et des organismes compétents.

Deuxième décision du Conseil, la mise en place d’un mécanisme visant à "faire face à des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de la coopération Schengen, sans porter atteinte au principe de la libre circulation des personnes".

Les conclusions précisent que ce nouveau mécanisme "devrait comporter une série de mesures applicables de manière progressive, différenciée et coordonnée afin d'aider un État membre soumis à une forte pression aux frontières extérieures".

Parmi les mesures envisagées, les chefs d’Etat et de gouvernement citent des visites d'inspection et un soutien technique et financier, ainsi que le recours à l'agence Frontex dans ses fonctions d'assistance, de coordination et d'intervention.

"En tout dernier ressort", ajoutent les chefs d’Etat et de gouvernement, "une clause de sauvegarde pourrait être introduite afin d'autoriser, à titre exceptionnel, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en cas de situation véritablement critique, lorsqu'un État membre n'est plus en mesure de respecter ses obligations au titre des règles Schengen". "Une telle mesure serait prise sur la base de critères objectifs précis et d'une évaluation commune et aurait une portée et une durée strictement limitées, compte tenu de la nécessité de pouvoir réagir à des situations d'urgence", précisent-ils encore, assurant que "cela n'affectera pas les droits des personnes jouissant de la libre circulation en vertu des traités". La Commission est donc invitée à présenter une proposition concernant un tel mécanisme en septembre.

Mario Draghi prendra ses fonctions à la tête de la BCE le 1er novembre 2011

Le Conseil européen a par ailleurs nommé Mario Draghi président de la Banque centrale européenne pour la période allant du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2019. La nomination du président de l’actuel Banque centrale italienne à la succession de Jean-Claude Trichet n’est pas une surprise dans la mesure où sa candidature avait déjà été entérinée à l’unanimité par les ministres des Finances de la zone euro lors de la réunion de l’Eurogroupe du 16 mai 2011.

Pourtant, un certain suspense semble avoir duré jusqu’aux dernières heures du Conseil. La nomination d’un Italien à la place d’un Français à la tête de la BCE aurait eu pour conséquence que la France n’aurait plus eu de représentant dans le directoire de cette institution. Si Silvio Berlusconi avait déjà appelé Lorenzo Bini Smaghi, dont le mandat au sein du directoire de la BCE devait expirer fin 2013, à démissionner afin de laisser la place à un représentant français, c’est finalement un coup de téléphone passé pendant le sommet qui a résolu cette difficulté. Angela Merkel a ainsi annoncé à l’issue du sommet que Lorenzo Bini Smaghi allait "quitter le directoire de la BCE dans le délai imparti", c'est-à-dire avant la fin de l'année 2011.

Si un communiqué de la BCE indique que "M. Bini Smaghi va prendre toute décision future en toute indépendance" et si Angela Merkel a assuré que "l'indépendance de la BCE est pleinement préservée en ce qui concerne son activité", l’invitation lancée à plusieurs reprises à Lorenzo Bini Smaghi à quitter son poste a été commentée par plusieurs économistes comme une atteinte à l’indépendance de la BCE.

Un mécanisme de suivi pour la Croatie jusqu’à son adhésion définitive à l’UE

Les négociations d’adhésion avec la Croatie sont entrées, comme le disent les conclusions du Conseil européen, "dans leur phase finale". En fait, elles vont s’achever à "la fin du mois de juin 2011" et le traité d'adhésion devrait être signé avant la fin de l'année.

Le Conseil européen est néanmoins conscient des faiblesses persistantes de la Croatie quand il s’agit de son secteur judiciaire et du respect des droits fondamentaux, et les chefs d’Etat et de gouvernement appellent donc le futur nouvel Etat membre à "poursuivre avec la même énergie ses efforts de réforme, (...) de manière à pouvoir assumer pleinement les obligations qui incombent à tout État membre à compter du jour de son adhésion". 

Jusqu'à son adhésion, il y aura un suivi par la Commission de "ces efforts de réforme" qui "fournira les garanties nécessaires à la Croatie et aux États membres actuels". Ce dispositif avait été demandé par certains Etats membres. Le texte des conclusions prévoit que les gouvernements de l'UE pourront prendre à la majorité qualifiée "toutes les mesures utiles" s'ils estiment que Zagreb déroge à ses obligations.

L’adhésion de la Croatie ne sera effective qu’après la signature du traité d’adhésion fin 2011, sa ratification par référendum en Croatie et sa ratification ensuite dans chacun des 27 Etats membres de l'UE. Si tout se passe comme le prévoient les dirigeants européens, la Croatie pourrait devenir le 28e membre de l'UE le 1er juillet 2013.

Charles Goerens vigilant en ce qui concerne les valeurs de l’UE et les droits fondamentaux

L’eurodéputé luxembourgeois libéral Charles Goerens, qui avait encore demandé le 2 mai 2011 un temps de réflexion dans l’UE avant de prendre de grandes décisions, notamment en matière d’élargissement, a commenté la décision du Conseil européen sur l'adhésion de la Croatie à l'UE. Il salue le dispositif de suivi pour la Croatie, surtout en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques.

Pour Charles Goerens, "il serait souhaitable (…) de faire en sorte qu'une fois membre de l'Union, le respect desdits droits et libertés fasse l'objet du même niveau de vigilance". Preuve en est selon lui la manière dont le cas de la Hongrie a été traité : l’eurodéputé libéral décèle là "un laxisme déplorable au niveau de l'UE au cas où un Etat membre s'écarte des valeurs qui nous distinguent par rapport au reste du monde". Pour lui, la réaction de la Commission et des Etats membres à la nouvelle législation relative à la presse en Hongrie a été "trop molle" et a "mis à nu soit l'absence de volonté soit l'incapacité de l'Union de faire respecter les valeurs qui constituent le socle même de la construction européenne". Bref, un mécanisme de suivi tel que celui prévu pour la Croatie et qui ne dure que jusqu’à son adhésion définitive ne suffit pas.

Pour Charles Goerens, l’obligation de respecter  les valeurs fondamentales de l’UE "répond à une exigence permanente" pendant et après l'adhésion à l'UE. C’est pourquoi il pense qu’il est "urgent que l'UE précise les moyens d'agir conformément à ses engagements et obligations". L’achèvement des négociations avec la Croatie était une des priorités de la présidence hongroise du Conseil, de cette Hongrie que Charles Goerens a précisément visée avec ses propos comme exemple de mauvaises pratiques en matière de droits fondamentaux.