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Economie, finances et monnaie
"Il y aura une participation des créanciers privés", estime Jean-Claude Juncker qui appelle à prendre rapidement des décisions concernant l’aide à la Grèce
17-06-2011


A la veille d’un week-end pendant lequel de nombreux regards seront rivés sur la Grèce, où le Parlement doit voter un nouveau plan d’austérité qui conditionne le versement de la cinquième tranche de l’aide octroyée à ce pays en mai 2010, alors que le Premier ministre socialiste vient de former un nouveau gouvernement et que les ministres des Finances de la zone euro doivent se réunir dès dimanche à Luxembourg, le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a accordé un entretien au Tagesspiegel. Der Tagesspiegel

Dans cet article daté du 17 juin 2011 et signé Albrecht Meier et Antje Sirleschtov, Jean-Claude Juncker revient sur les grandes questions qui devraient être soulevées lors de cette réunion cruciale de l’Eurogroupe des 19 et 20 juin 2011.

"Les perspectives de la Grèce n’ont pas la noirceur abyssale qu’on leur prête souvent"

S’il concède que "le processus sera extrêmement difficile pour les Grecs", Jean-Claude Juncker constate aussi "les efforts considérables faits par les Grecs en matière de consolidation budgétaire". Il souligne aussi "le programme très ambitieux de privatisations" que le pays va mener, sans compter les mesures structurelles qui sont prévues.

Pour Jean-Claude Juncker, "les perspectives de la Grèce n’ont pas la noirceur abyssale qu’on leur prête souvent". Mais, s’il répond par l’affirmative lorsque les journalistes lui demande s’il est confiant dans le fait que la Grèce parviendra à réaliser tous cela, il ne manque pas de souligner que cela ne sera pas en un tour de main, que cela sera difficile.

Jean-Claude Juncker met en garde contre les conséquences que pourrait avoir une restructuration dure de la dette

Lorsque les journalistes lui demandent si une restructuration dure conduite sous le mot d’ordre "plutôt une fin horrible qu’une horreur sans fin" ne serait pas mieux pour l’Europe et pour la Grèce, Jean-Claude Juncker décline l’idée. "Si l’on devait maintenant procéder à une coupe dure de la dette, cela aurait pour conséquence un risque de contagion pour de nombreux Etats d’Europe", estime en effet le président de l’Eurogroupe.

"Nous ne disposons d’aucune expérience empirique sur ce que signifierait le fait qu’un membre d’une Union monétaire unique au monde en arrive à un tel pas", observe Jean-Claude Juncker qui juge cependant que les risques lui apparaissent si grands qu’il ne peut que mettre en garde contre un tel pas.

"Il y aura une participation des créanciers privés, elle ne doit juste pas avoir des conséquences imprévisibles"

En ce qui concerne la participation des créanciers privés au financement d’une nouvelle aide financière à la Grèce, condition requise par l’Allemagne, Jean-Claude Juncker explique que, sur le principe, l’idée de faire participer les créanciers privés gagne du terrain dans la zone euro. "On peut discuter de la participation des créanciers privés, et c’est ce que nous faisons", souligne le président de l’Eurogroupe qui rappelle que les discussions à ce sujet vont se poursuivre les19 et 20 juin 2011 à Luxembourg.

Mais il insiste cependant sur le fait qu’il y a "des lignes rouges à ne pas franchir" : il ne faut pas que cela ait pour conséquence une défaillance de crédit ou une nouvelle dégradation de la solvabilité de la Grèce ; la participation doit se faire sur une base volontaire ; il faut tout faire pour éviter tout ce qui pourrait impliquer un risque de contagion. La solution dépendra donc des négociations. Mais, résume Jean-Claude Juncker, "il y aura une participation des créanciers privés, elle ne doit juste pas avoir des conséquences imprévisibles".

"Je ne suis pas d’avis que nous devrions accepter de repousser les décisions jusqu'à septembre"

Quant à la question du calendrier des négociations, Jean-Claude Juncker entend veiller à ce que le paiement de la prochaine tranche de l’aide à la Grèce prévu fin juin puisse être garanti. "Mais cela ne sera possible que si nous pouvons informer le FMI aussi clairement que possible sur l’orientation que nous choisirons", prévient Jean-Claude Juncker qui résume que le temps est donc compté.

Le président de l’Eurogroupe appelle donc à prendre rapidement des décisions. Aussi, l’idée qui court dans les médias allemands selon laquelle une décision pourrait être reportée à septembre, ne lui semble pas des meilleures. "Je ne suis pas d’avis que nous devrions accepter de repousser les décisions jusqu'à septembre", a lancé Jean-Claude Juncker.

Jean Asselborn s’inquiète du temps que pourraient prendre les négociations "très techniques" sur la participation des créanciers privés

Le même jour, Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, était l’invité de Christoph Heinemann sur les ondes de la Deutschlandfunk.

DeutschlandfunkPour Jean Asselborn, il n’est pas seulement question de calendrier dans l’affaire grecque, mais aussi et surtout de volonté politique. Selon lui, la volonté politique doit être au rendez-vous pour faire le nécessaire pour aider la Grèce à se remettre sur pied et à pouvoir accéder elle-même à des crédits, sinon, le risque est à ses yeux "très grand qu’il n’y ait que des perdants : l’UE en tant que telle, l’Allemagne, la France, tous les pays de la zone euro, les banques et les assurances de l’UE, le principe même de la solidarité européenne, sans compter la Grèce". Il est donc capital pour Jean Asselborn de se concentrer sur l’aide dont a besoin la Grèce plutôt que de continuer des débats sans fin sur un terrain qu’il juge très technique. Il s’agit de "donner aux gens une motivation, des perspectives, (...) de leur montrer que l’Europe est prête, en prenant des risques, à les aider".

Si Jean Asselborn se prononce clairement en faveur d’une participation des créanciers privés, il s’inquiète du temps que pourraient prendre les négociations sur les modalités de leur participation. "Si l’on doit se concentrer encore des semaines et peut-être des mois sur ce débat", Jean Asselborn craint en effet que la solvabilité de la Grèce ne se détériore encore. Le ministre luxembourgeois attendait donc beaucoup de l’Allemagne et la France, dont la chancelière et le président devaient se rencontrer à Berlin plus tard dans la journée du 17 juin. Comme l’explique Jean Asselborn au journaliste, les deux pays ont en effet des visions différentes pour ce qui est de l’implication du secteur privé.

Quant à la situation politique en Grèce, Jean Asselborn souligne que le Premier ministre Papandréou, socialiste comme lui, a déjà fait beaucoup, qu’il travaille sérieusement et qu’il n’y a pas d’alternative à lui. "J’éprouve un immense respect pour Papandréou, pour ce qu’il fait, et je n’ai vraiment aucun respect pour la position vraiment indigne politiquement de l’opposition", a déclaré sur les ondes le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, évoquant une position "populiste" de l’opposition grecque. Jean Asselborn juge d’ailleurs cette dernière en grande partie responsable du problème auquel est confronté la Grèce ces jours-ci. Un consensus aurait permis en effet plus de calme en Grèce. Jean Asselborn espère donc que le PPE exerce sa pression pour que les choses avancent dans ce sens.