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Transports
Eurovignette : Le Parlement européen introduit le principe "pollueur-payeur" pour les poids lourds circulant sur autoroutes
Pour Georges Bach, qui se dit déçu, ce texte est un "exemple typique de la montagne qui accouche d’une souris"
07-06-2011


Greening transportAprès un accord entre Etats membres au Conseil en octobre 2010, le Parlement européen a donné le 7 juin 2011 son approbation finale aux propositions de nouvelles règles européennes autorisant les États membres à taxer les poids lourds pour couvrir, outre le coût des infrastructures comme c'est le cas à l'heure actuelle, le coût de la pollution atmosphérique et sonore.

La nouvelle "directive Eurovignette" permettra également aux États membres de mieux gérer les problèmes d'encombrement, en leur donnant dorénavant la possibilité de moduler les péages appliqués aux poids lourds (la majoration pouvant atteindre 175 %) selon les heures de la journée. Fait notable également, le texte soumis au vote prévoit d'affecter les nouvelles recettes à des projets d'amélioration des infrastructures de transport (RTE T).

La réglementation actuelle

La directive "Eurovignette" de 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures établit, au niveau de l'UE, un cadre pour la perception des péages et des droits d'usage.

La directive autorise les États membres, sans les y obliger, à percevoir des droits d'usage (sur une base temporelle, tels que droits journaliers, hebdomadaires, annuels) ou des péages (en fonction de la distance, par exemple kilométrique) pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes (petits camions), à condition que cela n'entraîne pas de discrimination et que les droits d'usage et péages soient limités à la couverture des coûts strictement nécessaires à l'entretien et au remplacement des infrastructures routières.

La directive "Eurovignette" de 1999 interdit la perception d'autres redevances fondées, par exemple, sur les "coûts externes" générés par la pollution atmosphérique et sonore notamment, supportés pour l'heure par la société et les contribuables. C'est pourquoi il est nécessaire de réviser la directive.

Les nouvelles propositions

Les nouvelles règles approuvées par le Parlement aujourd'hui comportent plusieurs éléments.

Elles permettent aux États membres de taxer les poids lourds pour la pollution atmosphérique et sonore due au trafic et plus seulement pour les coûts d'infrastructure.

Elles permettent aux États membres d'augmenter les redevances en période de pointe et de les diminuer en période creuse afin de mieux gérer le trafic et de réduire les encombrements. L'accord trouvé permet de majorer de 175 % (maximum) les redevances moyennes dans les zones encombrées, sans toutefois excéder cinq heures de pointe par jour, les tarifs minimaux devant être appliqués sur le tronçon concerné durant le reste du temps.

En pratique, il est prévu que les redevances fondées sur les coûts externes représentent 3 à 4 centimes par kilomètre en fonction de la classe Euro du véhicule, du lieu et du taux d'encombrement. Le paiement s'effectuera par des systèmes électroniques qui devront être pleinement opérationnels au niveau de l'UE d'ici 2012; les transporteurs recevront un reçu indiquant clairement le montant de la redevance fondée sur les coûts externes afin de pouvoir répercuter celle-ci sur leurs clients.

Elles étendent le champ d'application de la directive Eurovignette afin de couvrir non seulement le réseau RTE-T (transeuropéen), comme c'est déjà le cas, mais également toutes les autoroutes d'Europe.

Elles prévoient d'affecter certaines recettes des péages à l'amélioration de la durabilité des transports. Les nouvelles règles incitent fortement à affecter les nouvelles recettes générées par les redevances au financement de certains types de projets de transports définis dans la directive, tels que les nouvelles infrastructures, les systèmes innovants de transports verts ou les aires de stationnement sûres. Pour appliquer cette disposition, les États membres peuvent aussi décider d'affecter 15 % des recettes totales générées (à la fois par les redevances d'infrastructure et par les redevances fondées sur les coûts externes) à des projets sur le réseau transeuropéen. La directive oblige en outre les États membres à faire rapport régulièrement et de manière transparente sur la façon dont ils utilisent les recettes totales des péages.

Une disposition spéciale concerne les zones montagneuses, qui pourront appliquer simultanément les dispositions actuelles en matière de majoration, ainsi que les nouvelles redevances fondées sur les coûts externes, pour les véhicules Euro 0, I et II, et pour les véhicules Euro III à compter de 2015. Les recettes additionnelles devront servir à financer des projets RTE-T prioritaires situés sur le corridor RTE concerné (affectation restreinte obligatoire).

Il existe également une «clause de rendez-vous» en vertu de laquelle les questions du «pollueur-payeur» et de l'internalisation des coûts externes seront soumises à un examen permanent. Cette clause prévoit que la Commission produit des rapports sur l'internalisation de coûts externes supplémentaires, y compris pour d'autres modes de transport et pour d'autres catégories de véhicules, et qu'elle renforce l'harmonisation. Les rapports devront être établis respectivement 12 et 48 mois après l'entrée en vigueur de la directive. La Commission peut, le cas échéant, présenter de nouvelles propositions législatives sur la base de ces rapports.

Prochaines étapes

Le Conseil approuvera formellement le compromis avant l'été. Les États membres auront ensuite deux ans maximum pour transposer la législation avant qu'elle ne s'applique.

L'eurodéputé Georges Bach se dit déçu par un texte qu'il juge "modeste" et qui traduit selon lui une tendance générale du Conseil à freiner toute avancée communautaire en matière de transports

Pour l’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE), le résultat des négociations qui ont conduit à la nouvelle directive Eurovignette est décevant : "c’est l’exemple typique de la montagne qui accouche d’une souris", juge-t-il en effet. Il rappelle dans un communiqué que le dossier est en discussion depuis 2008, l’objectif étant de faire passer à la caisse les poids-lourds pour les "coûts externes" qu’ils induisent en termes de pollution, de bruit et d’encombrement. Après une première lecture au Parlement en mars 2009, le dossier est resté bloqué des mois durant au Conseil, jusqu’à ce que la Présidence belge arrive à trouver un compromis.

Si Georges Bach ne manque pas de saluer le fait que le principe de l’internalisation des coûts externes est désormais ancré dans le droit européen, il juge cependant le compromis "faible" et il trouve le résultat de longues années de discussions bien "modeste". "Même si les Etats membres se décident à transposer cette directive, les recettes concrètes resteront de l’ordre de quelques cents par km", relève en effet le parlementaire qui souligne aussi que l’introduction de l’internalisation des coûts externes n’est pas contraignante et relève donc de la bonne volonté des Etats membres.

Autre regret exprimé par l’eurodéputé, le fait que l’affectation des recettes ("earmarking") demandée par le Parlement, qui devait permettre de suivre l’utilisation faite des revenus tirés de l’Eurovignette, n’a pas été acceptée par le Conseil. Le Parlement exigeait à l’origine que les recettes soient utilisées exclusivement à des fins d’investissements dans les infrastructures de transport. Finalement, il faut se contenter d’une "forte recommandation à investir cet argent dans un système de transport durable", regrette l’eurodéputé qui espérait de cette exigence qu’elle permette de vérifier l’utilisation des ressources et d’éviter que ces dernières ne disparaissent quelque part dans les budgets nationaux.

Georges Bach trouve aussi dommage que le Conseil n’ait pas consenti à une interopérabilité des systèmes de péage qui aurait évité aux chauffeurs de poids lourds bien des tracas quand ils doivent traverser l’Europe. Aucun Etat membre ne s’est montré prêt à renoncer à son système national, regrette ainsi l’eurodéputé.

Le dossier Eurovignette n’est pour lui qu’un exemple illustrant la tendance générale du Conseil à freiner toute avancée communautaire en matière de transports et l’eurodéputé, qui est membre de la commission des Transports, déplore que, dans ce domaine, les intérêts nationaux ne soient toujours privilégiés, que ce soit en matière de droits des passagers ou d’infractions routières. S’en prenant à l’Espagne et à l’Italie, qui ont tenté d’empêché ce compromis, mais aussi à l’Allemagne, où votent selon lui les intérêts de l’industrie, Georges Bach en vient même à juger, au vu de ces attitudes, "utopique" la politique de transport européenne à laquelle aspire la Commission.