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Economie, finances et monnaie
Prévisions de la BCL : une croissance ralentie, des pertes de compétitivité, une inflation due à l’indexation des salaires, des finances publiques qui doivent être gérées au plus juste et des systèmes de pension qui doivent être ajustés
13-09-2011


BCL12 septembre 2011. Présentation du Bulletin 2011/2 de la Banque centrale du Luxembourg à son auditoire de l’avenue Monterey. Un rendez-vous périodique important au cours duquel le président de la BCL, Yves Mersch, lance ses messages aux acteurs politiques et économiques au vu des évolutions des économies globale, européenne et luxembourgeoise. Cette fois-ci, Yves Mersch n’a pas pu donner lui-même sa conférence de presse. Jean-Pierre Schoder, chef du département "Economie et recherche", mais aussi  coordinateur européen et accompagnateur d’Yves Mersch au Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, qui a remplacé son chef au pied levé pour délivrer un message morose pour ce qui est de la situation économique et ferme pour ce qui est de l’appel à l’action.

Zone euro : décisions de politique monétaire

Le premier message est que la BCE va laisser les taux de change inchangés à 1,5 % et se concentrera sur sa mission de maintien de la stabilité des prix à moyen terme dans un contexte de grandes tensions inflationnistes. L’objectif de la BCE est de maintenir le taux d’inflation en dessous de 2 %, une politique que la BCE entend comme une contribution à la croissance et à la création d’emplois dans la zone euro.

En garantissant une fourniture de liquidités et en appliquant un mode d’adjudication spécifique des opérations de refinancement, la BCE veut garantir que les banques ne subissent pas de contraintes de liquidité.

Les autres mesures dites "non conventionnelles" que la BCE a pu adopter pendant la crise,  comme le rachat d’obligations de pays en difficulté, "sont par construction, de nature temporaire", précise Jean-Pierre Schoder.

Zone euro : ralentissement de la croissance au 2e trimestre

Une forte décélération de la croissance économique s’est manifestée au second trimestre dans la zone euro, la faisant passer de 2,2 à 1,8 %, notamment en Allemagne – où la croissance est passée de plus de 4 % à moins de 3 %. Un phénomène semblable s’observe chez les principaux pays partenaires du Luxembourg. Alors que le Luxembourg a affiché une croissance de presque 5 % au 1er trimestre 2011, ce qui le mettait en 2e position dans la zone euro après l’Estonie - des données pour le 2e trimestre n’étaient pas disponibles, ce que Jean-Pierre Schoder a "vivement regretté" - cette décélération aura immanquablement un impact sur sa croissance. En gros, dans un contexte "très incertain", les prévisions sur la croissance de juin 2011 sont révisées à la baisse dans la zone euro.

La croissance au Luxembourg

Une estimation qui intègre le ralentissement du 2e trimestre 2011 prévoit des taux de croissance de 4 % pour 2011, 3 % pour 2012 et 3,5 % pour 2013. Pour Jean-Pierre Schoder, il s’agit là de taux qui sont inférieurs à ceux de la moyenne historique des derniers 15 ans. Une telle croissance plus discrète tient aux réajustements en cours dans le secteur financier. Certains risques qui pèsent sur la croissance économique sont en train de se matérialiser.

Il y a ainsi une corrélation forte entre les cours boursiers et la croissance qui se vérifie depuis 1990. 55 % du PIB luxembourgeois découlant des activités du secteur financier, les marchés boursiers ont un effet d’entraînement sur la croissance, et tout fléchissement de leur part entraîne un fléchissement de la croissance. Dans les premières projections sur 2011, la BCL a avait misé sur une croissance des valeurs boursières de 7 %. Or elles ont fléchi de 7 %, et pourraient fléchir jusqu’à 15 %. Cela va avoir un impact sur la valeur des inventaires des OPC et les comptes des banques, et par ricochet sur le PIB.

Un autre risque est la baisse du niveau de confiance des agents économiques. Bref, si 2011 a profité au début de la croissance de 2010, l’année semble "ne pas avoir de dynamique de croissance propre".

Finalement, un des contrecoups du fléchissement des marchés boursiers au cours des trois derniers trimestres de 2011 est une influence négative sur le solde courant de la balance des paiements, dont le secteur financier est "la pierre angulaire", et donc des comptes courants moins excédentaires que ceux auxquels le Luxembourg a été habitué sur plus de deux décennies.  

L’inflation dans la zone euro et au Luxembourg

Le risque d’inflation dans la zone euro est élevé. Il découle de la montée des prix des matières premières et de l’énergie, mais aussi des politiques de hausse de la fiscalité indirecte dans le cadre des assainissements budgétaires en cours, et cela dans un contexte de croissance faible.

Au Luxembourg, l’inflation risque d’atteindre les 3,4 % au cours de l’année 2011, et 2,4 % au cours des trois premiers trimestres de 2012, une légère baisse imputable aux prix du pétrole dont la montée pourrait s’estomper. L’inflation des prix des services est pour la BCL liée à l’indexation des salaires, qui, si elle est versée après celle d’octobre 2011 encore une fois en avril 2012, aura un impact d’au moins 0,8 % sur le taux d’inflation et renforcera la spirale de l’augmentation des prix et des salaires.

D’ores et déjà, le CSU ou coût unitaire salarial luxembourgeois est pour la BCL "en pleine dérive". Il a fortement dérapé par rapport à celui de l’Allemagne, de sorte qu’il faut selon Jean-Pierre Schoder veiller fortement à cette évolution dans le cadre l’économie très ouverte qu’est celle du Luxembourg et qui entame fortement sa compétitivité.

Le marché du travail marqué par "un chômage élevé à l’aune du passé"

Dans un contexte de croissance plus lente et de perte de compétitivité, « le sous-emploi est un phénomène qui s’enracine » au Luxembourg, constate le porte-parole de la BCL. Le chômage est, avec 6 %, par rapport aux 2 % de 2001 et des 4 % de 2007, relativement élevé, et ce taux est encore "flatté" par le fait du marché du travail transfrontalier. Le chômage des moins de 25 ans est "préoccupant, car il a doublé en 10 ans. Seuls l’Espagne, Chypre, le Portugal et le Malte ont fait pire. La BCL exige un "effort en matière d’éducation et de formation des jeunes" et une "refonte du marché du travail luxembourgeois" dans le sens d’une "amélioration de l’intermédiation entre offre et demande".

Les finances publiques : plus transparentes, en amélioration, mais avec toujours un risque de renversement de la situation

La BCL s’est félicitée dans un premier temps de l’effort de transparence dans la présentation par le gouvernement des finances publiques. La situation s’est améliorée en 2011, avec un plus de 14 % de recettes et un excédent de 80 millions d’euros. Reste que pour la BCL, la situation favorable de 2011 peut se renverser, car elle est due à des facteurs exceptionnels – impôt de crise, des rentrées de TVA en augmentation, des remboursements – qui ne sont pas forcément durables. Les dépenses ont augmenté de plus de 8 %, dont un taux supérieur au taux de croissance, l’impôt de crise sera supprimé en 2012, la TVA due au commerce électronique disparaîtra entre 2015 et 2019. Les tranches indiciaires qui sont susceptibles de tomber en 2012 et 2013 auront aussi un impact de plus de 80 millions d’euros en termes de charges salariales de l’Etat.

L’objectif de ne jamais dépasser les 25 % de dette publique par rapport au PIB annuel et l’équilibre budgétaire en 2014, et « de préférence avant », sont des objectifs que la BCL approuve, même si elle pense qu’il faut les accentuer et rester le plus possible en-dessous des 25 %. L’Irlande, dont la dette publique ne dépassait pas les 25 % en 2007, mais dont la dette publique atteindra les 120 % en 2012, et qui est comme le Luxembourg une petite économie très ouverte, est citée comme repoussoir.

Les systèmes de pension basés sur la prime de répartition pure en déficit autour de 2021 en l’absence de réformes

Se basant sur les travaux au sein du groupe de travail « Ageing Working » de la Commission européenne, Jean-Pierre Schoder a expliqué que le système de pensions basé sur la répartition pure ne sera plus en équilibre – actuellement, il est légèrement excédentaire – autour de 2021 ou 2021, si des ajustements ne sont pas décidés "dans les meilleurs délais" pour éviter les dérapages qui se profilent. Dans 50 ans, il faudrait, pour arriver à payer les engagements actuels, payer près de 60 % de cotisations, ce qui n’est pas envisageable et impensable en termes de pouvoir d’achat des générations de salariés futurs. "Tout retard dans l’action se paye comptant", a conclu Jean-Pierre Schoder, qui a suggéré des ajustements dans les prestations et les primes.