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Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Distribuer dans le monde des "produits de qualité made in Europe" semble être un objectif partagé par nombre d’acteurs de l’industrie des fonds, un domaine dans lequel les intérêts du Luxembourg convergent avec ceux de l’Europe
27-09-2011


Parmi les objectifs que Claude Kremer, président de l’Efama, défend pour son organisation, il cite la promotion de "la marque UCITS en Europe et au-delà de l’Europe". Une ambition qui rejoint celle de Marc Saluzzi, président de l’ALFI au Luxembourg. Ce poste, Claude Kremer l’a déjà occupé auparavant et il convient d’ailleurs qu’il a beaucoup appris du temps passé à la présidence de l’ALFI. Mais il constate aussi que les intérêts du Luxembourg convergent avec ceux de l’Europe.

A l’occasion de la tenue à Luxembourg de la 20e conférence d’automne de l’ALFI, qui se concentre sur la distribution des fonds à l’échelle mondiale, Tageblatt et Luxemburger Wort se sont entretenus avec Claude Kremer, le Luxemburger Wort ayant ajouté au dossier une interview de Marc Saluzzi.

UCITS IV, le big bang n’a pas eu lieu estime Marc Saluzzi

Claude Kremer, qui représente désormais les intérêts de l’industrie européenne de fonds, rappelle qu’UCITS IV est né de l’initiative de l’industrie qui avait émis ses propositions pour un travail plus efficient, dans l’intérêt des acteurs du secteur, mais aussi des investisseurs. "Malheureusement, il reste encore une série de barrières fiscales qui empêche la mise en œuvre dans certains domaines", reconnaît le président de l’Efama, mais il est confiant dans le fait que le temps devrait y remédier. Alors, les gains d’efficacité des structures Master-Feeder, des fusions transfrontalières et du passeport de management se feront sentir, prévoit-il. A moyen terme, le fameux KIID, "Key Investor Information Document", va réduire les coûts même si, en attendant, il représente pour nombre d’acteurs un processus coûteux.

Marc Saluzzi tire lui un premier bilan après l’entrée en vigueur, au 1er juillet 2011, de la directive UCITS : pour lui, pas de "big bang" en vue. "Ceux qui croyaient que l’on verrait surgir de terre de toutes parts des `master feeder´ à compter du 1er juillet, ou qu’une vague de fusions transfrontalières frapperait l’industrie, se sont trompés", juge le président de l’ALFI qui explique cette erreur de jugement de deux façons. D’une part, la crise, qui fait que "le monde de la finance se bat pour sa survie et se concentre sur les vrais problèmes" et, d’autre part, le fait que la directive UCITS IV n’a pas été transposée sur une base réglementaire aussi vite que souhaité. La mise en œuvre du KIID est en effet "très problématique", constate Marc Saluzzi qui reste cependant confiant pour la plupart des acteurs du Luxembourg qui devraient sortir renforcés du processus.

Quand on l’interroge sur la mise en œuvre de la directive AIFM, Marc Saluzzi commence par rappeler l’expérience du Luxembourg en matière de fonds réglementés. "L’expérience des UCITS nous permettra d’offrir des produits intéressants", estime ainsi le président de l’ALFI, qui se dit "très confiant". Certes les fonds "private equity" sont encore peu nombreux au Grand-Duché, mais il existe une série de "fonds d’investissement spécialisés" qui leur permettront de structurer leurs investissements. "Nous réfléchissons à l’introduction d’un `limited partnership´ dans le droit luxembourgeois", ajoute-t-il, reconnaissant toutefois que le Luxembourg a pris un peu de retard en matière de "hedge funds".

Pouvoir distribuer dans le monde des "produits de qualité made in Europe" semble être un objectif partagé par nombre d’acteurs selon Claude Kremer

Claude Kremer constate que le nombre d’investisseurs provenant de pays tiers ne cesse d’augmenter. Ainsi, 40 % des biens placés dans les UCITS relèvent d’une distribution à l’international, l’Asie et l’Amérique latine tenant dans ce contexte une place importante.

Une tendance confirmée par Marc Saluzzi, ce qui explique d’ailleurs que la conférence de l’ALFI soit organisée cette année en partenariat avec une association de fonds de Hong-Kong. L’ALFI a d’ailleurs un bureau là-bas, l’objectif étant, selon son président, d’accompagner la distribution des produits européens sur place. "Nous arrivons avec nos produits, élaborés à Bruxelles après de longues négociations, et nous exigeons que ces pays en acceptent le résultat du jour au lendemain et nous ouvrent leurs portes", constate Marc Saluzzi qui juge donc nécessaire d’être sur place pour rencontrer régulièrement les acteurs, les écouter et leur transférer un savoir-faire.

L’objectif premier de Marc Saluzzi reste de "défendre la marque UCITS et de nous assurer que ce modèle continue de fonctionner". "Nous devons soutenir et défendre sur place la marque UCITS", estime quant à lui Claude Kremer qui souhaite amener les régulateurs à avoir une approche plus internationale. A ses yeux, la mission de l’Efama consiste plutôt à soutenir et à protéger la marque UCITS qu’à faire de la promotion pour les fonds. Mais comme il le résume, l’objectif des différents acteurs est de pouvoir distribuer dans le monde des "produits de qualité made in Europe".

La création d’un passeport asiatique, qui n’en est qu’à ses balbutiements, sera difficile selon Marc Saluzzi qui note les différences importantes qui existent dans les pays concernés en termes de fiscalité et de réglementation. D’autant plus que, contrairement à l’UE, il n’y a pas dans la région de "force motrice". Pourtant, le président de l’Alfi estime qu’il ne faut pas sous-estimer une telle initiative. "Nous devons plus impliquer ces pays dans nos processus législatifs, ne serait-ce qu’à un niveau consultatif", plaide le représentant des fonds luxembourgeois qui aimerait que ces pays aient de la sorte l’impression que les produits européens sont adaptés à leurs besoins. "Nous en avons parlé à plusieurs reprises au commissaire Barnier, et le message est parvenu à Bruxelles", raconte d’ailleurs Marc Saluzzi.

Plaidoyer de Claude Kremer pour un lobbying qui se fait "en amont" au niveau européen

En "réunissant" les vues des membres de l’Efama au niveau européen, Claude Kremer veille à assurer la crédibilité de son association dans le dialogue qu’il mène avec les autorités. Son objectif ? "Maîtriser le flot de régulation" dans la mesure où, selon lui, "la vague de régulation menace de miner les fondamentaux de la croissance de l’industrie de fonds". Sans compter le caractère cumulatif des nouvelles règles. Toute nouvelle règle a en effet des conséquences parfois inattendues dans d’autres secteurs qu’elle ne vise pas directement. Claude Kremer cite ainsi l’exemple de Solvency II qui cible les sociétés d’assurance. La transparence de leurs portefeuilles qui est désormais requise a des conséquences pour les "asset manager" qui sont poussés eux aussi à plus de transparence. Aussi, Claude Kremer plaide pour une harmonisation des conditions de commercialisation de produits relevant des domaines des fonds d’investissement, de la banque et des assurances. Enfin, le président de l’Efama pointe aussi la question des coûts, le tout étant de trouver "un équilibre entre innovation, efficacité des coûts et protection des investisseurs". A ses yeux, la régulation sert à garantir le bon fonctionnement du marché, et il entend veiller à ce que ce dernier reste attractif pour l’investisseur.

Claude Kremer juge important le poids d’Efama, l'association se détachant à ses yeux comme "la voix reconnue de l’administration de biens et de fonds en Europe", et même comme "l’interlocuteur privilégié des institutions". En contact permanent avec les institutions européennes, le président de l’Efama veille à ce que le point de vue de l’industrie contribue à la prise de décision. "On peut dire que nous avons joué un rôle prédominant dans la finalisation de textes comme UCITS et AIFM", raconte-t-il ainsi, constatant que le lobbying qui se fait "en amont", au niveau européen, gagne en importance par rapport au lobbying que peuvent faire des acteurs individuels ou des associations seules. Question de crédibilité…Et il s’agit parfois aussi d’anticiper les travaux de la Commission : l’Efama a ainsi déjà transmis à la Commission une série de rapport sur la question des retraites pour qu’elle puisse "enrichir ses propres réflexions" sur le sujet.