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Énergie - Politique étrangère et de défense - Recherche et société de l'information
Le Parlement européen a adopté un rapport sur "une stratégie efficace des matières premières pour l'Europe"
Pour Claude Turmes,"nos exploitations minières au Luxembourg, ce sont nos vieux PC et nos téléphones portables qui dorment dans les tiroirs."
13-09-2011


L'eurodéputé Reinhard Bütikofer, rapporteur sur le dossier des matières premières, intervenant en plénière en septembre 2011 (c) Parlement européen, 2011Le 13 septembre 2011, le Parlement européen a adopté le rapport de l’eurodéputé vert allemand Reinhard Bütikofer sur "une stratégie efficace des matières premières pour l'Europe". Ce rapport prône une stratégie de l'innovation industrielle fondée sur l'efficacité des ressources et le recyclage, seule mesure permettant de résoudre le triple problème consistant à assurer la compétitivité, la durabilité et la sécurité d'approvisionnement. Mais il livre aussi l’ébauche d’une diplomatie européenne dans le domaine des matières premières.

Le rapport Bütikofer se réfère à une communication de la Commission européenne de février 2011 dans laquelle celle-ci fait le constat que l'industrie européenne est confrontée à une situation de plus en plus difficile en ce qui concerne son approvisionnement en matières premières, et que c'est le cas en particulier pour 14 matières premières critiques dûment identifiées. La demande mondiale de ces matières a fortement augmenté, des restrictions à l’exportation par les pays riches en ressources ont fait flamber les prix - c’est le cas du cuivre notamment – et le risque d’une pénurie d'approvisionnement se précise. "De plus", souligne le rapport, "l'Union est très dépendante des importations de nombreuses matières premières, en particulier celles qui sont critiques." Et d’évoquer les terres rares, dont la Chine contrôle actuellement 97 % de la production mondiale tout en réduisant ses exportations.

Pour le rapport, "l'avenir industriel de l'UE dépend en dernière analyse (…) de ces matières non énergétiques et non agricoles" qui constituent "des ressources particulièrement importantes pour le passage à une économie durable et pauvre en carbone". Elles sont par exemple utilisées dans les pots catalytiques, les accumulateurs ou encore dans le secteur des énergies renouvelables.

La pénurie de ressources peut déboucher selon le rapporteur sur une lutte pour les ressources et une aggravation des clivages entre pays riches en ressources et pays pauvres. Il faut donc des approches nouvelles pour résoudre le problème de ces matières premières non énergétiques et non agricoles, et dans le cas de l’UE "une stratégie cohérente et ciblée en ce qui concerne les matières premières critiques".. Le rapport recommande donc à la Commission de mettre en place un groupe de travail "matières premières" regroupant toutes les DG concernées.

Renforcer l’innovation sur l’efficacité des ressources et le recyclage

L'accent devrait être mis sur le renforcement de l'innovation en ce qui concerne la manière dont les industries européennes utilisent les matières premières, car cela peut apporter une contribution notable à la compétitivité, à la durabilité et à la sécurité d'approvisionnement.

Il serait capital de miser sur l'efficacité des ressources, sur le recyclage tout au long du cycle de vie, sur la substitution et l'exploitation minière durable. Selon l'agence allemande pour l'efficacité des matériaux, par exemple, il serait possible d'économiser quelque cent milliards d'euros par an en utilisant des procédés plus efficaces. Cela permettrait aussi de réduire les émissions de CO2 et d’augmenter la sécurité des ressources par la réduction de la demande. Recycler l’aluminium, ouvrir d'anciennes décharges qui peuvent receler au moins 4 % de métaux et de matériaux usagés, créer de l’emploi dans le secteur du recyclage, voilà d’autres chemins que le rapport juge viables. Il serait surtout nécessaire de soutenir l’innovation et l'éco-conception par le financement des PC7 et PC8, les politiques de recyclage et d'autres mesures d'incitation économique créatives. L’exploitation minière durable serait une autre approche.

Le rapport parle de la mise en place d'un partenariat pour l'innovation dans le domaine des matières premières. D’autres voies indiquées sont la substitution, les changements de mode de vie et les innovations sociales telles que l'éco-leasing et le partage.

Le rapport plaide pour la fixation d'objectifs préliminaires : un objectif d'efficacité des ressources de 3 % par an et la réduction de l'utilisation des ressources à 6-10 tonnes par personne et par an d'ici à 2050.

Une diplomatie européenne dans le domaine des matières premières

Une diplomatie européenne dans le domaine des matières premières est incontournable pour Reinhard Bütikofer, car "l'Union devra continuer à s'en remettre à ses fournisseurs extérieurs pour obtenir des matières premières". Une telle diplomatie miserait sur des partenariats mutuellement avantageux pour les pays riches en ressources et pour l'Union elle-même. Ici, "la Chine s'impose dans la mesure où elle produit la majeure partie des terres rares essentielles". Le rapport suggère une approche différenciée en fonction du développement économique des pays concernés. Il propose également des regroupements industriels d'entreprises d'extraction et de construction dans le cadre d’une approche "ressources en échange de technologies et de savoir-faire". Le rapport élabore aussi l’hypothèse que l’UE puisse "soutenir de manière autre que financière une holding des matières premières regroupant un grand nombre d'entreprises européennes pour l'approvisionnement en matières premières."

Aussi, "la Commission devrait veiller à ce que les entreprises de l'UE respectent les normes environnementales et sociales dans leurs activités à l'extérieur » et « exiger des entreprises qu'elles révèlent si elles s'approvisionnent dans des régions de conflit et (…) qu'elles divulguent leurs paiements en faveur de gouvernements étrangers afin d'accroître la transparence et d'assurer la bonne gouvernance". L’UE devrait finalement "aider les pays riches en ressources à résoudre des problèmes réels tels que le déséquilibre en matière d'information qui caractérise la négociation de contrats portant sur les matières premières et l'extraction, étant donné que de nombreux gouvernements n'ont pas l'expertise nécessaire pour évaluer leurs ressources naturelles et éprouvent dès lors des difficultés à négocier des marchés avantageux." Enfin, l'Union européenne devrait regrouper les travaux avec d'autres pays industrialisés et émergeants afin de créer des synergies incluant l'OCDE, le G20, une coopération concrète aux États-Unis et au Japon.

Claude Turmes commente

L’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a commenté le rapport de son collègue : "Nos exploitations minières au Luxembourg, ce sont nos vieux PC et nos téléphones portables qui dorment dans nos tiroirs. (…) D’après Eurostat, le Luxembourg est en 2009, avec le compostage de plus d’un cinquième de ses déchets communaux, en tête de peloton. Mais ses taux de recyclage sont encore très moyens. Un tiers des déchets communaux seulement ont été recyclés. L’Allemagne a déjà atteint les 50 %."