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Migration et asile - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
La commissaire européenne Cecilia Malmström a parlé à Luxembourg de la politique d’asile de l’UE
27-10-2011


La commissaire européenne Cecilia Malmström, le 27 octobre 2011 à LuxembourgLa politique de la Commission européenne en matière d'asile, ses ambitions, ses perspectives,  les directives en gestation et les initiatives à venir étaient le 27 octobre 2011 l’objet d’une conférence de Cecilia Malmström, la commissaire européenne aux Affaires intérieures au Centre culturel de rencontre de Neumünster (CCRN), et ce sur invitation d’organisations travaillant sur les questions de migration et d’asile comme le Centre d’étude et de formation interculturelle et sociale (CEFIS), Amnesty International Luxembourg, la Ligue des droits de l’homme (LDH) ou l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI).

Une situation difficile

Après une introduction exhaustive de Sylvain Besch du CEFIS sur la situation au Luxembourg en matière d’asile et la politique d’asile européenne (powerpoint en annexe), la commissaire Malmström a d’emblée mis l’accent sur plusieurs points. Le premier est que le droit d’asile est un droit fondamental de l’UE. Le deuxième fait est que le climat politique actuel en Europe, quand il s’agit de discuter des questions d’asile politique, est un climat "difficile", où "les populistes prennent les gouvernements en otage avec leurs solutions simplistes". La situation est également difficile, troisième volet, au regard de ce qui se passe en Afrique du Nord, avec la révolution tunisienne, la guerre civile en Libye, la répression en Syrie, les événements en Irak et en Afghanistan. Et le Luxembourg, constate-t-elle, est touché par la situation dans les Balkans occidentaux. Tous ces événements ont conduit à des "accumulations de demandes d’asile".

Disparités européennes

Pour la commissaire, un des problèmes majeurs est que les Etats membres ont « trop de marges d’appréciation » pour statuer sur l’acceptation d’une demande d’asile ou non, pense la commissaire. Il y a des pays qui acceptent 70 % des demandes, d’autres à peine 1 %, et cela alors qu’ils ont signés la même Convention de Genève et qu’ils sont censés partager les mêmes valeurs. L’accueil se fait notamment selon des standards très différents. Un exemple est la Grèce, où la situation est "totalement indécente", comme le décrit Cecilia Malmström en toute franchise, où les hommes et les femmes ne sont pas séparés, "parqués comme du bétail". 70 000 personnes n’ont pas encore vu leur demande traitée, et certaines de ces personnes sont là depuis des années. En même temps, le contrôle aux frontières extérieures de la Grèce est "catastrophique", et tout le monde – UNHCR, UE, Frontex, etc. – essaie de mettre en place un système efficace malgré la crise en Grèce.  

Le paquet "asile" : efficacité, protection et solidarité

La Commission a proposé un paquet "asile" qui porte entre autres sur les procédures, l’accueil, la qualification (une directive sur laquelle il y a eu un vote positif le même jour au Parlement européen), la réforme du système de Dublin pour que les procédures liées à l’asile deviennent plus efficaces et plus transparentes. Les négociations avec le Conseil et le Parlement européen sont en cours sur les droits des demandeurs d’asile, sur les règles qui déterminent la rétention, sur les droits et la manière de traiter les personnes les plus vulnérables, sur un socle de droits procéduraux comme le droit d’être entendu et l’information sur la marche à suivre.

Cecila Malmström n’a pas de problème par ailleurs à admettre que les systèmes de certains Etats membres sont sous pression, et qu’ils ont besoin de la solidarité des autres Etats membres. Mais cette solidarité doit aussi aller, pense-t-elle, aux demandeurs d’asile dans ces pays.

Le système de Dublin, qui détermine la responsabilité du pays qui doit traiter une demande d’asile, histoire d’éviter des mouvements secondaires et des demandes multiples, et qui est la base de tout le système de la politique d’asile dans l’UE, constitue par ses lacunes mêmes un problème quand il s’agit de faire jouer la solidarité. 90 % des demandeurs d’asile dans l’UE sont reçus par 10 Etats membres, et les 17 autres ne sont pas concernés. Un partage de la tâche serait possible. Mais ici, il y a peu d’ouvertures selon la commissaire, ce qu’elle a illustré avec un exemple. Il s’agissait de prendre en charge 8000 Soudanais. Les Etats-Unis, le Canada et l’Australie ont accepté des contingents. 800 restaient pour l’UE. La Norvège, qui n’est pas membre de l’UE, mais de l’espace Schengen, en a pris 300, la Suède 200, et 6 autres Etats membres se sont partagé les 300 restants. Tous les autres pays de l’UE ont refusé.   

La réforme du système de Dublin devrait viser l’efficacité, selon la commissaire, avec une détermination plus rapide de la responsabilité de qui doit traiter une demande. Il s’agit néanmoins de renforcer la protection des demandeurs d’asile, qui doivent être au centre de la réforme, et renforcer cette solidarité difficile. Les discussions ont avancé sur le volet efficacité, mais stagnent sur les volets protection et solidarité. Mais la commissaire espère aboutir en 2012.

Les réfugiés dans le monde

Finalement, Cecilia Malmström a rappelé que la majorité des réfugiés – qui se comptent par millions dans le monde - ne sont pas en Europe, mais au Kenya, en Tunisie, etc. L’UE aide une dizaine de milliers de personnes dans le monde seulement, pas autant que les Etats-Unis ou le Canada et l’Australie. Des Etats membres, comme le sien, la Suède, ou le Luxembourg interviennent aussi, mais nombreux sont les Etats membres qui ne font rien du tout. D’où son plaidoyer pour une mise en commun plus efficace des moyens nationaux sous l’égide de l’UE afin d’arriver à faire la différence avec les autres parties sur le terrain.    

Régularisation, immigration, travail

La régularisation des personnes déboutées et des migrants illégaux a été une question débattue lors de la discussion. Cecilia Malmström a clairement souligné qu’il ne s’agissait pas ici d’une question qui tombe sous les compétences de la Commission, mais qui est du ressort des Etats membres. Ceux-ci ont le droit de régulariser des situations de déboutés et de migrants illégaux, à condition d’en avertir les autres Etats membres, dans la mesure où une telle mesure donne des droits en termes de libre circulation et a des effets pour les autres Etats membres. Par ailleurs, a-t-elle signalé, il n’y a pas de normes commune sur l’accès des "sans-papiers" à l’éducation ou à la santé. Cela n’est pas non plus du ressort de l’UE. Mais, a déclaré la commissaire de manière répétée, "l’Europe a besoin de l’immigration".

Et en enchaînant, elle a prôné une "grande approche migration-travail" de l’UE, qu’elle juge néanmoins difficile dans le contexte politique actuel,  et mis en valeur les initiatives de la Commission comme la Blue-Card, les projets en négociation sur le travail saisonnier de ressortissants de pays tiers, la mobilité intra-entreprise entre pays tiers et UE et le "single permit".

Les migrations actuelles en provenance des Balkans occidentaux

La question des Balkans occidentaux a aussi été abordée. La commissaire a expliqué que les accords sur la levée de l’obligation de visa pour les pays de la région – sauf le Kosovo -  bénéficient surtout à des personnes qui sont de bonne foi, étudiants, hommes et femmes d’affaires, etc. Mais il y a aussi des demandes d’asile politique de personnes qui viennent de cette région dans l’UE. La Suède, le Luxembourg, la Belgique sont touchés par ce mouvement. Elle-même s’est rendue il y a deux semaines en Macédoine, où elle a rencontré les responsables de la région en charge des questions de visas. Une partie de ce mouvement est dû selon elle aux trafiquants d’êtres humains avec ce mouvement de migration, qui est à 98 % constitué de Roms, et qui devrait s’amplifier avec l’approche de l’hiver. Cela implique qu’un travail est nécessaire dans les Balkans occidentaux sur leur situation qui est selon Cecilia Malmström effectivement peu enviable. Mais un autre travail doit être livré par les pays qui bénéficient de la levée de l’obligation de visa. Sinon, la Commission doit menacer, pour faire pression ou plus, de suspendre l’accord sur cette levée. Reste que le mécanisme de suspension que la Commission a proposé n’a pas encore sa base légale, comme l’a précisé la commissaire.