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Parlement européen - Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Parlement européen – L’accord trouvé par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro est accueilli avec un soulagement mêlé de prudence
27-10-2011


Le 27 octobre 2011, à 10 heures et demie, quelques heures à peine après la fin de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro qui a suivi un Conseil européen informel, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont présenté les conclusions de ces réunions au Parlement européen réuni en plénière lors d’un débat qui leur était consacré.

Un sentiment de soulagement mêlé de prudence a caractérisé le débat. Mais pour de nombreux députés, la solution fait seulement gagner du temps et il faut, à moyen terme, plus d'ambitions et de conscience sociale. Selon eux, il faut aussi accorder plus d'importance à la croissance pour une sortie de crise durable.

Herman Van Rompuy : "Prévenir des crises par des règles de suivi adéquates et de prévoir des procédures d’urgence pour réagir plus rapidement et de manière plus flexible"

Pour le président du Conseil européen, qui est désormais également chargé de diriger les sommets réguliers de la zone euro pour coordonner les travaux sur l'euro au plus haut niveau, tous les Etats membres de l’UE ont investi un "gigantesque capital politique" avec les décisions du 26 octobre 2011. Pour lui, il fallait absolument juguler une menace systémique, et les décisions importantes qui ont été prises exigent encore tout un suivi juridique et politique, avec le train de mesures que cela implique.Herman Van Rompuy rendant compte le 27 octobre 2011 devant le Parlement européen de l'accord trouvé dans la nuit par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro @European Union 2011 PE-EP

L’aide à la Grèce peut continuer, mais le secteur public doit y continuer ses efforts, tandis que la participation du secteur privé se traduira par son renoncement à 50 % de la dette grecque. L’effet de contagion sera évité avec les leviers dont l’EFSF pourra bénéficier et qui permettront de lever quelques mille milliards d’euros par différentes options de véhicules financiers. La recapitalisation des banques sera menée. Les Etats membres devront continuer leurs efforts de consolidation budgétaire. Et finalement, toute l’UE salue le programme de réformes, notamment des systèmes de pension, et de réductions budgétaires de l’Italie.

Pour Herman Van Rompuy, ce programme est un, car tout est imbriqué. Le processus pour y arriver dure depuis plus d’un an. Mais on ne peut selon lui en rester là. Il faut créer pas à pas une nouvelle gouvernance européenne, comme avec le "six-pack". Et si les choses se sont accélérées depuis quelques mois, et que le paquet du 21 juillet 2011 est déjà dépassé, c’est qu’en été, des doutes ont surgi dans un contexte de défaillances possibles de grands acteurs économiques, les Etats-Unis notamment. De plus, la croissance a ralenti dans le monde et les faiblesses du secteur bancaire sont clairement apparues.

Dans ce contexte plus général, il faut, selon Herman Van Rompuy, relancer la croissance, créer des emplois et réduire des dettes publiques. Il y a divers moyens pour avancer dans l’UE : la pression institutionnelle par le moyen de paquets législatifs, la pression par les pairs et la pression par les marchés  Le président du Conseil européen pense que tout le monde travaille dans la même direction : des lignes budgétaires claires, des dettes publiques réduites, une croissance durable, et c’est "ce que les citoyens attendent". 

Pour lui, presque tout le monde a sous-estimé l’interdépendance entre les économies de la zone euro. Il appartient au 17 de la zone euro de prendre des décisions, mais ce avec un mix de décisions qui va au-delà d’une politique monétaire commune. Par ailleurs, pense Herman Van Rompuy, l’euro n’est pas une dérogation à l’UE, mais fait partie de l’UE, et tout Etat membre est censé adopter à terme l’euro. En attendant, il faut veiller à la cohésion entre tous les Etats membres, ceux qui ont une dérogation et les autres, et cela toute confiance, et chacun dans son rôle. 

Finalement, Herman Van Rompuy a annoncé qu’un rapport serait élaboré pour décembre 2011 par lui-même, José Manuel Barroso et Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, sur le renforcement de la convergence économique au sein de la zone euro, sur l’amélioration de la discipline budgétaire et l’approfondissement de l’union économique et l’éventuelle nécessité d’un changement limité du traité européen.  Mais, pour Herman Van Rompuy, il faut d’abord savoir ce que l’on veut faire avant de décider de la manière, car changer le traité n’est pas forcément la meilleure manière de gérer la crise. Le temps est important en politique et sur les marchés. Ce dont il s’agit avant tout, c’est de prévenir des crises par des règles de suivi adéquates et de prévoir des procédures d’urgence pour réagir plus rapidement et de manière plus flexible.

José Manuel Barroso : "L’UE est plus proche de la solution à la crise économique"

Pour le président de la Commission, José Manuel Barroso, l’UE est plus proche de la solution à la crise économique, et les mesures importantes qui ont été prises constituent une approche de front des défis. Les conclusions ont attribué selon lui à la Commission un rôle clair dans le dispositif de gouvernance économique qui devrait être mis en place. La Commission va ficeler dans les meilleurs délais un paquet législatif sur la gouvernance économique basé sur la codécision qui aura pour sujets l’EFSF, la surveillance budgétaire (basé sur l’art 136 du TUE), la représentation extérieure de l’euro (sur base de l’art. 138) qui devrait ouvrir la voie à l’intégration et à la convergence économique de l’UE sur base de la méthode communautaire.

Le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, le Finlandais Olli Rehn, va par ailleurs voir ses attributions élargies à la gestion de l'euro, a annoncé jeudi le président. "Il va devenir vice-président de la Commission pour les affaires économiques et  monétaires et l'euro", a déclaré José Manuel Barroso. "Avoir un commissaire chargé plus particulièrement de l'euro indique que nous voulons que la gouvernance de l'euro se passe dans le cadre communautaire, dans le cadre des institutions européennes." Le commissaire Algirdas Semeta, en charge de la fiscalité, s’occupera deJosé Manuel Barroso devant le Parlement européen le 27 octobre 2011, quelques heures à peine après que l'accord trouvé par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro @ European Union 2011 PE-EP son côté de manière renforcée de la   stabilité financière et donc d’Eurostat, l’office des statistiques.

José Manuel Barroso a aussi lancé un appel à une solution sur le Programme européen pour les plus démunis,le PEAD, qui est bloqué au Conseil, car ce blocage émet un mauvais signal à un moment où il s’agit de restaurer la confiance des Européens vis-à-vis de l’économie sociale de marché. La Commission est également en train de travailler sur un paquet de 30 textes législatifs sur le secteur bancaire européen, afin que ce secteur se remette de nouveau au service de l’économie. Pour le chef de la Commission issu d’un parti politique conservateur, ce sont les "manifestations des citoyens à New York et à Madrid et ailleurs" qui "montrent que c’est ce qui est demandé par les citoyens". Mais au-delà de l’UE, une démarche mondiale est nécessaire sur cette question, et l’UE devra faire valoir sa position dans ce sens au G20 de Cannes. Reste que pour José Manuel Barroso, "la croissance et la prospérité ne reviendront pas du jour au lendemain" et qu’il faut "d’abord restaurer la confiance".

Joseph Daul (PPE) : Avec le nouveau modèle de gouvernance économique, il ne s’agit pas de mettre qui que ce soit sous tutelle, mais de respecter des règlesJoseph Daul (c) European Union 2011 PE-EP

"On s’occupe des banques, on ne s’occupe pas assez des riches, mais il faut surtout s’occuper des plus pauvres", a constaté dans son intervention Joseph Daul, le chef de file du groupe PPE. A ses yeux, il serait "scandaleux" de ne pas arriver à trouver une solution pour le PEAD avant l’hiver. 

Quant au Conseil européen, il montre que "le début d’une sortie de crise se dessine et se met en place". L’essentiel est néanmoins d’adopter un nouveau modèle de gouvernance économique au-delà de l’euro. Il ne s’agit pas ici de mettre qui que ce soit sous tutelle, mais le respect des règles doit être appliqué. Et dans ce contexte, le PPE veut plus d’intégration fiscale et sociale.

Martin Schulz (S&D) : Le consensus en Europe ne peut naître des déséquilibres sociaux

Martin Schulz, le chef de file des sociaux-démocrates du S&D, a salué des progrès, mais regretté qu’il n’y ait pas encore de solutions. Pour lui, les banques doivent encore mettre en œuvre la décote de 50 % de la dette grecque. Les modalités de fonctionnement de l’EFSF doivent encore être élaborées. La recapitalisation des banques n’a pas encore été menée. C’est bien pour lui de formuler des règles budgétaires. Mais qu’en est-il de l’évasion fiscale ? Le Martin Schulz - Copyrigt @European Union 2011 PE-EPconsensus en Europe ne peut naître des déséquilibres sociaux. Des centaines de milliards d’euros sont mobilisés pour sauver les banques, mais où sont les signaux attendus par les citoyens ?

Pour le dirigeant social-démocrate, les mesures institutionnelles annoncées par Herman Van Rompuy constituent une intervention dans les compétences budgétaires souveraines des Etats membres, elles posent le problème de la cohésion et de la prise de décision entre les 17 Etats de la zone euro et les 10 autres Etats, et d’un changement du traité européen, avec pour conséquence une dévolution de compétences exécutives et souveraines substantielles des Etats membres.

Au final un regret et une mise en garde de Martin Schulz, futur président du Parlement européen : le fait que le Parlement européen n’ait pas été mentionné dans les conclusions et que le Parlement européen utilisera ses droits de manière extensive.

Guy Verhofstadt (ALDE) : "L’euphorie sur les marchés aujourd’hui n’est pas la preuve que nous avons réussi. Il faut voir à long terme"

Guy Verhofstadt, le chef de file des libéraux de l’ADLE, a déclaré que s’il y avait des retards pour les solutions à la crise, cela était dû à la manière dont toute la question a été traitée. "L’euphorie sur les marchés aujourd’hui n’est pas la preuve que nous avons réussi. Il faut voir à long terme", a lancé l’ancien premier ministre belge, qui n’est pas convaincu que toutes les décisions – décote de la dette grecque, effet de levier de l’EFSF jusqu’à 1000 milliards – soient crédibles. Il faut une Union économique et fiscale. Sinon l’UE ne sera pas crédible face aux marchés. Un gouvernement économique réel doit être établi, qui doit aller au-delà des deux rencontres annuelles actuellement prévues.

Les conservateurs contre la monnaie unique

Jan Zahradil, du groupe des Conservateurs, considère les décisions du 26 octobre comme le début d’un transfert budgétaire massif qui créera une perte de compétitivité des Etats membres. L’achèvement du marché unique en pâtira, comme celui-ci pâtit d’ores et déjà de la monnaie unique. La zone euro ne sert selon lui que certains parmi ses membres, et elle sera bientôt réduite à ces membres. Reste que les pays hors zone euro devraient pouvoir co-décider sur ce qui se passe avec l’euro. Le changement de traité proposé par le Conseil européen lui semble irréaliste.

Les Verts dénoncent une "stratégie des demi-vérités à l’égard des citoyens"

S’exprimant au nom des Verts européens, Rebecca Harms a regretté que le président de la Commission et celui du Conseil européen n’aient pas analysé les échecs antérieurs de la lutte contre la crise. Elle est sceptique et n’est pas sûre que ce qui a été décidé puisse mieux fonctionner. La recapitalisation des banques est trop basse, la décote aurait dû être de 60 % au moins, ces processus s’annoncent trop longs, et si les banques sont restées réticentes sur la  décote de 21 % décidée en juillet 2011, sans qu’elle ne soit mise en œuvre, l’eurodéputée s’est demandée pourquoi elles le feraient pour une décote de 50 %. Une recapitalisation trop longue entraînera des défauts de banques systémiques. DEXIA ne restera pas un cas unique selon Rebecca Harms, qui est étonnée de la confiance de l’Eurogroupe dans les marchés et dans le fait que ceux-ci recourront de manière constructive aux nouveaux dispositifs. 1000 milliards pour l’EFSF ne sont pas non plus suffisants pour la porte-parole des Verts, car il faudrait plutôt 2000 milliards. Enfin, elle regrette que l’on n’ait pas évoqué les rentrées fiscales des Etats. Conclusion : elle s’oppose à une "stratégie des demi-vérités à l’égard des citoyens".

Pour la Gauche européenne, les gouvernements se sont, par leurs décisions, livrés aux mains des marchés

Lothar Bisky a salué au nom de la Gauche européenne la décote de la dette grecque, car elle facilitera le travail du gouvernement grec. Mais les conséquences de la crise restent catastrophiques pour les citoyens grecs, pense-t-il, et les banques grecques ont besoin de soutien. Il salue le fait que les fauteurs de la crise doivent désormais contribuer, même s’il est difficile de prévoir quels avoirs seront en fin de compte pénalisées. Mais le député de la gauche des gauches ne croit pas que les citoyens auront confiance dans les mesures décidées, et pas non plus les investisseurs. En attendant, la démocratie est selon lui en danger en Grèce, "avec un gouvernement qui agit contre ses citoyens". Des doutes, il en nourrit aussi à l’égard des leviers de l’EFSF, car ils multiplient les risques pour les contribuables, dans la mesure où les gouvernements se sont, par leurs décisions, livrés aux mains des marchés.

Les réponses de José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy

Pour José Manuel Barroso, la discussion a montré un certain consensus. La Commission restera hautement engagée dans la discussion pour continuer le dialogue avec le Parlement européen. Par ailleurs, la coopération avec le Conseil européen a été exemplaire. En général, elle veut travailler avec toutes les institutions. La fraude et l’évasion fiscales évoquées par de nombreux députés font partie de la feuille de route de la Commission. Mais les Etats n’ont pas toujours pris leurs responsabilités et respecté les règles communes en amont de la crise. Il y a eu de la fraude sur les statistiques. Désormais, il faudra respecter les règles et garder la discipline décidée en commun. La Commission est par ailleurs prête à soutenir des investissements publics pour promouvoir emploi

Dans sa réponse aux députés, Herman Van Rompuy a estimé que la politique sera toujours en retard sur les marchés. Et elle a perdu beaucoup de temps, entre autres parce que des pays menacés comme le Portugal et l’Irlande ont hésité et tardé à faire appel aux fonds d’urgence. C’est vrai, a admis le président du Conseil européen, que les décisions du sommet sont des décisions de principe. Mais pour lui, c’est là la tâche de ces sommets. Quant à la confiance à accorder à ces décisions, lui-même ne pouvait que dire qu’il avait entre ses mains un rapport écrit des banques sur la décote, et que cela constituait déjà une percée.

Par ailleurs, Herman Van Rompuy a précisé, à l’attention notamment de Martin Schulz, qu’il viendrait désormais faire rapport au Parlement européen sur tout sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro. Herman Van Rompuy a insisté sur le fait qu’il ne voulait pas prendre le Parlement européen au dépourvu sur des mesures institutionnelles. Le 26 octobre n’est pas pour lui la fin de la crise,  mais le retour de son traitement au niveau institutionnel de l’UE. Mais ce travail devrait aussi se faire au niveau des Etats membres, même dans ceux qui ne sont pas sous la pression des pairs ou des marchés.

Un commentaire de Georges Bach (PPE)

Le député européen luxembourgeois Georges Bach a salué par voie de communiqué le fait que le sommet a rendu plus visibles des résultats concrets. Il a souhaité que "l’hystérie générale" des derniers mois se calme enfin et que la politique prenne de nouveau les choses en main par des actions concrètes, plutôt que par des mots. L’austérité n’est pour lui pas une solution pour sortir l’UE de la crise. Ce qu’il faut, c’est créer un contexte favorable à la croissance, à l’emploi et qui permette d’absorber notamment le chômage des jeunes. Il faut aller de l’avant avec la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 et avec des grands travaux dans les domaines des transports, de l’énergie et des télécommunications comme ceux prévus dans le cadre de la stratégie sur "l’interconnexion de l’Europe".