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Concurrence - Economie, finances et monnaie
Secteur de l'audit: la Commission veut rétablir la confiance dans les états financiers et ouvrir contre la résistance des "Big four" le marché de l’audit à la concurrence
30-11-2011


Audit - Source: CommissionLa Commission européenne a proposé le 30 novembre 2011 une série de mesures visant à ouvrir le secteur de l'audit à la concurrence, notamment en imposant une rotation entre les sociétés chargées d'auditer une même entreprise et en limitant les activités des plus gros acteurs du secteur.

Ces propositions visent à réviser la directive européenne sur l'audit, datant de 2006 et entrée en vigueur en 2008, afin de lutter contre "l'oligopole des 'Big four'" qui dominent le marché, à savoir Deloitte, Ernst and Young, KPMG et PriceWaterhouseCoopers, explicitement cités dans les documents de la Commission.

Bruxelles rappelle que ces "Big four" représentent plus de 85 % du marché de l'audit dans la majorité des pays européens. A titre d'exemple, parmi les 100 sociétés cotées au Footsie, l'indice de la bourse de Londres, 99 font appel à l'un des quatre grands. C'est aussi le cas de 90 % des sociétés du DAX allemand et de l'ensemble de celles qui sont cotées à l'Ibex de Madrid.

A Luxembourg, les quatre grands alignent  plus de 5000 salariés, (PWC : 2000 ; Deloitte : 1 200 ; Ernst&Young : 1000 et KPMG : 900). 

Le commissaire européen Michel Barnier, le 15 novembre 2011 à Strasbourg (source: Commission)Michel Barnier, membre de la Commission chargé du marché intérieur et des services, a déclaré lors de la présentation de son paquet de mesures : "La confiance des investisseurs dans l’audit a été ébranlée par la crise et je pense que des changements dans ce secteur s’imposent. Nous devons restaurer la confiance dans les états financiers des entreprises. Les propositions présentées aujourd’hui s’attaquent aux faiblesses actuelles du marché européen de l’audit, en éliminant les conflits d’intérêts, en garantissant l’indépendance et une surveillance stricte et en renforçant la diversité sur un marché trop concentré, particulièrement au niveau de son segment supérieur."

Les mesures proposées

Si ces mesures sont adoptées par le Parlement européen et les Etats de l'UE, les sociétés d'audit se verront interdire de proposer aux entreprises qu'elles auditent d'autres services, comme le conseil. Ces activités de conseil pourront toujours être proposées à d'autres clients, sauf dans le cas des plus grandes sociétés d'audit, qui seront contraintes de se séparer de leurs autres activités.

Une entreprise ne pourra plus faire appel à la même société d'audit plus de six ans d'affilée, avec une période de carence de quatre ans avant de pouvoir y recourir à nouveau. La période de rotation sera portée à neuf ans si l'entreprise est auditée par plus d'une société à la fois. La Commission rappelle que certaines entreprises sont auditées par la même société depuis 50 ou 100 ans actuellement.

Les entreprises comme les banques, les sociétés d'assurances et les sociétés cotées devront ouvrir des procédures d'appel d'offres avant de choisir une société d'audit. Toujours par souci de transparence, les auditeurs devront fournir des rapports d'audit plus détaillés qu'actuellement.

La coordination des activités de supervision sera assurée par l'ESMA, l'autorité européenne de régulation financière.

La Commission propose également la création d'un marché unique de l'audit en Europe, permettant aux auditeurs d'exercer librement leur profession dans toute l'UE à partir du moment où ils ont reçu l'autorisation de le faire dans l'un de ses pays membres.

Les "Big four"rejettent la plupart des propositions de la Commission

La branche a vivement réagi à l’idée de devoir se séparer de son volet "conseil", qui devient de plus en plus lucratif alors que la vérification des bilans est un marché stagnant.

Dans un communiqué de Ernst & Young, la société qui est objet de nombreuses poursuites judiciaires pour son rôle joué dans la faillite de la banque Lehman Brothers, à l’origine de la première crise financière de 2008, il est dit que "de nombreuses propositions-clés annoncées par la Commission européenne sur la réforme du secteur de l’audit nuiraient, si elles devaient être mises en vigueur, à la qualité de l’audit et n’apporteraient que peu ou aucune valeur ajoutée, mais ne feraient qu’augmenter le coût de l’audit  à un moment où l’incertitude économique domine". De plus, elles n’aideraient pas à prévenir d’autres crises financières. La firme souhaite un débat "constructif" au Parlement européen et au Conseil. Et elle ajoute : "De notre point de vue, c’est un modèle de services multidisciplinaire, surtout quand il est combiné avec un comité d’audit engagé et efficace, qui améliore la qualité de l’audit, aide la profession à attirer les meilleurs talents et renforce la fourniture de services de haute qualité à des firmes dans le monde entier."

La KPMG pense que "la capacité des firmes à livrer des audits de qualité se diminuée si les auditeurs sont séparés d’un large éventail d’expertise qui inclut de manière cruciale la gestion des risques dans le secteur financier".

PWC a de son côté fait dire que Michel Barnier n’avait livré "aucune preuve que ces propositions auraient un impact positif sur la qualité de l’audit et évalué clairement les frais supplémentaires pour les firmes".

Pour Deloitte, les propositions de la Commission créeraient, si mises en œuvre, un régime d’audit qui n’aurait pas de pendant sur d’autres marchés.