Principaux portails publics  |     | 

Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Jean-Claude Juncker aimerait voir "ressuscité" l’esprit de Maastricht lors d’un Conseil européen qui se tient jour pour jour 20 ans après l’accord sur ce traité
08-12-2011


Dans un long entretien accordé à la veille du Conseil européen à Cerstin Gammelin et Martin Winter, journalistes à la Süddeutsche Zeitung, Jean-Claude Juncker revient de façon détaillée sur les positions qu’il défend dans les discussions en cours, ainsi que sur ses attentes.L'édition de la Süddeutsche Zeitung datée du 8 décembre 2011, avec un entretien avec Jean-Claude Juncker

L’espoir que Jean-Claude Juncker exprime pour le Conseil européen du 9 décembre, c’est que l’esprit de Maastricht soit ressuscité, et ce très précisément 20 ans après "le baptême" de ce traité. "En 1991, nous avons écrit l’histoire à Maastricht", rappelle Jean-Claude Juncker, et, à ses yeux, "c’est ce que nous devons faire à nouveau aujourd’hui, pour ne pas enterrer l’histoire d’alors".

Pour Jean-Claude Juncker, il convient de renforcer les règles de l’euro : "Si ce n’est possible que par une modification des traités, j’y participerai"

Pour Jean-Claude Juncker, il convient de renforcer les règles de l’euro. "Si ce n’est possible que par une modification des traités, j’y participerai", explique le ministre aux journalistes. Mais, précise-t-il, il exige que cela soit fait vite et bien. "La modification doit être limitée, elle ne doit entraîner ni de longs débats, ni de longs processus de ratification", déclare le Premier ministre luxembourgeois.

L’objectif est en effet, face à "une énorme crise de confiance", de convaincre le monde qu’une bonne gestion des budgets est une obligation faite à tous les Etats membres de la zone euro, et cela doit être inscrit dans les règles, explique le président de l’Eurogroupe. Il juge de ce fait nécessaire un automatisme dans le déclenchement des sanctions. "Je suis content que Berlin et Paris avancent aussi dans cette direction", souligne-t-il avant de rappeler qu’il trouvait parfois "étrange le fait que l’Allemagne ait l’impression d’être entourée de pécheurs en matière de stabilité". Au cours des trois dernières années, il y avait en effet entre 9 et 11 pays de la zone euro qui affichaient une dette publique plus faible que celle de l’Allemagne. "Il est donc étonnant que les Allemands pensent qu'ils sont les seuls vertueux à devoir payer pour les autres", a-t-il poursuivi, "ce n'est pas vrai".

 S’il dit préférer une modification des traités qui concernerait les 27 Etats membres de l’UE, Jean-Claude Juncker explique que, dans le cas où ce ne serait pas possible, il conviendrait de s’entendre sur de nouvelles règles qui ne concerneraient que les Etats membres de la zone euro. "Mais elles doivent être ouvertes à tous", précise Jean-Claude Juncker. Ce que redoute Jean-Claude Juncker, c’est par exemple que la Grande-Bretagne puisse se voir accorder par exemple des règles spécifiques pour son marché financier, ou bien un droit social laxiste. "Cela ne doit pas être le prix d’un traité à 27", explique le Premier ministre luxembourgeois.

Pour Jean-Claude Juncker, "il faut rendre nos instruments, tels que l’ESM, plus flexibles, plus efficaces et plus réactifs"

"Croyez-vous que le sommet peut calmer la situation ?", demandent les deux journalistes à Jean-Claude Juncker. "Oui, si nous faisons ce qu’il faut", répond-il, lapidaire. Il précise à la demande de la rédaction du journal qu’il y a à l’ordre du jour des points que beaucoup ont appelé de leurs vœux, mais qui se sont toujours heurtés à des résistances. Or, certains de ces points sont réglés, se félicitent le président de l’Eurogroupe. "Même la France est désormais prête à accepter des sanctions automatiques", relève-t-il par exemple. Par ailleurs, note-t-il encore, beaucoup luttaient encore la semaine dernière contre l’idée que banques et assurances puissent participer à des actions de sauvetage de pays de la zone euro en difficulté. "La zone euro aurait été le seul espace au monde où les investisseurs privés participant d’emblée aux pertes", explique Jean-Claude Juncker qui souligne que l’Allemagne a désormais accepté d’émettre les emprunts de la zone euro selon le droit international, c’est-à-dire que les investisseurs privés peuvent être certains qu’il n’y aura pas de nouvelle décote comme celle décidée pour la Grèce. "Nous avons aussi dit qu’il n’est pas bon que toutes les décisions concernant le fonds de stabilité permanent soient prises à l’unanimité", ajoute Jean-Claude Juncker qui observe que l’Allemagne et la France rejettent désormais cette idée. Autant de prises de conscience qui auraient pu venir plus tôt, constate le président de l’Eurogroupe.

En bref, pour Jean-Claude Juncker, "il faut rendre nos instruments, tels que l’ESM, plus flexibles, plus efficaces et plus réactifs". Ce seraient selon lui des signaux au marché qui créeraient de la confiance.

Le président de l’Eurogroupe trouve "logique" que l’EFSF soit menacé de perdre de sa crédibilité si ceux qui le financent devaient eux-mêmes voir leur notation dégradée. "L’instrument de sauvetage ne peut pas mieux que ses actionnaires", remarque-t-il en effet, relevant aussi que la façon dont la zone euro serait stabilisée financièrement n’était pas encore "tout à fait éclaircie". "Peut-être grâce à la banque centrale", lui lancent les journalistes, ce à quoi le Premier ministre luxembourgeois répond en rappelant l’indépendance de cette dernière. "La BCE a assez de réputation et d’expérience pour savoir ce qu’elle doit faire à un moment donné", juge-t-il. Pour Jean-Claude Juncker, l’idée de faire de l’EFSF un établissement de crédit est "une réflexion intéressante". Il sait cependant aussi que le Bundestag a ses doutes sur la question. "La décision doit être prise au sommet", avance Jean-Claude Juncker.

Pour Jean-Claude Juncker une stratégie de croissance est aussi importante que la consolidation budgétaire

Jean-Claude Juncker se dit par ailleurs pour une intervention maximale de Bruxelles sur les projets de budgets nationaux. Mais il précise aussi que cela ne doit pas aller jusqu’à donner à  la Cour européenne de justice le pouvoir par exemple d’annuler un budget par un jugement. Il faut que la Commission et les Etats membres de la zone euro puissent définir les contours et lever le doigt en guise d’avertissement dans les cas où les projets de budgets enfreindraient les règles, préconise le président de l’Eurogroupe. Il serait en effet exagéré selon lui que la Commission ait à valider les projets, comme le suggèrent les journalistes. "Les budgets doivent pouvoir être soumis à des questions critiques et même à des invitations à l’améliorer", juge-t-il, appelant à respecter le pouvoir budgétaire des parlements nationaux.

Pour Jean-Claude Juncker une stratégie de croissance est aussi importante que la consolidation budgétaire. "Le Conseil européen veut être un gouvernement économique, mais il ne l’est pas de fait, car il manque de temps pour se pencher en profondeur sur le sujet", estime le Premier ministre luxembourgeois qui se réjouit donc à l’idée qu’il se réunisse à l’avenir une fois par mois. "Les grands doivent se donner eux aussi la peine de s’occuper de pays plus petits, comme Chypre, Malte ou Luxembourg", considère Jean-Claude Juncker. Pour lui, il ne suffit pas de dire aux pays de supprimer tel salaire minimum ou d’élever la durée d’une semaine de travail, mais il faut aussi s’occuper de comprendre pourquoi les règles nationales sont comme elles sont et réfléchir ensuite à ce qu’il faut changer. "Nous savons trop peu les uns des autres et nous revendiquons pourtant de coordonner nos politiques économiques", relève ainsi Jean-Claude Juncker.