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Énergie - Transports
"Méga poids lourds": l'eurodéputé luxembourgeois Georges Bach trouve "inacceptable" l'intention de la Commission européenne de généraliser leur circulation
06-03-2012


Le "système modulaire européen" est un procédé technique qui, par une combinaison de véhicules existants et utilisés en Europe, donne naissance à ce que l'on qualifie, en raison de leurs caractéristiques surdimensionnées, des "méga poids lourds". Ceux-ci peuvent en effet mesurer une longueur allant jusqu'à 25,25 mètres et transporter jusqu'à 60 tonnes.

Deux de ces camions dits "ESM" peuvent ainsi transporter le chargement de trois des camions "classiques" qui ont le droit de circuler sur les routes européennes. La législation actuelle permet en effet pour l'heure la circulation de poids lourds d'une longueur maximale de 18,75 mètres et d'une charge maximale de 40 tonnes.

Toutefois, les Etats membres peuvent décider d'autoriser la circulation des méga poids lourds sur leur territoire. Ainsi, les pays scandinaves et les Pays-Bas l'ont autorisée, tandis que différents Länder allemands ont décidé d'en faire l'expérience avant une éventuelle extension à l'ensemble de la République fédérale.

Engagée nationalement dans ces tests depuis 2008, le Danemark, qui endosse actuellement la présidence du ConseilGeorges Bach de l'Union européenne, promeut ces engins en mettant en avant des raisons écologiques, fait savoir l'eurodéputé luxembourgeois Georges Bach, dans un communiqué publié le 6 mars 2012. La circulation de ce qu'on appelle également les "gigaliner" permettrait de réduire la circulation et donc les émissions de dioxyde de carbone.

Le revirement de la Commission européenne

Jusqu'ici, la Commission européenne avait fermé la porte à tout nouveau règlement qui permettrait la circulation généralisée de ces méga poids lourds sur les routes européennes. Le 16 mars 2010, elle avait réaffirmé, en réponse à une question écrite de l'eurodéputé vert allemand, Michael Cramer, qui s'étonnait de passages de frontières de ces véhicules entre le Danemark et la Suède, et le Danemark et l'Allemagne, que la liberté laissée à un Etat membre n'autorisait pas pour autant un trafic transfrontalier.  La Commission se disait d'ailleurs prête à introduire un recours en cas de passage d'une frontière par un mega poids lourds, pour non-respect de la directive du 25 juillet 1996.

Un procédé "intolérable"

Dans ce contexte, Georges Bach trouve "très surprenant" que la Commission ait fait part, à l'issue de la période de consultation échue le 27 février 2012, de son intention de revoir la réglementation, de telle sorte que le transport international des méga poids lourds serait désormais permis. Le Commissaire chargé des transports, Siim Kallas avait confié son intention dans le magazine allemand DVZ. Dans un premier temps, il avait décidé d'en faire l'annonce officielle le 29 février 2012 lors de la conférence annuelle de l'"International road union", association faîtière réunissant différentes entreprises du secteur du transport routier, rapporte Georges Bach. Mais, face aux "critiques violentes" du Parlement européen, Siim Kallas y a renoncé. La commission parlementaire des transports veut désormais entendre le commissaire européen dans l'une de ses prochaines réunions. La société civile est par ailleurs aussi mobilisée à travers une campagne réunissant 212 organisations de 24 pays.

Jugeant, au vu de son intention de se passer d'un débat au Parlement européen,  le procédé de la Commission "intolérable", Georges Bach annonce qu'il s'opposera en tant que député à "une telle pratique unilatérale". Il fait part de ses doutes quant au bien-fondé d'un changement de la directive. "L'usage de ces très longs poids lourds peut faire du sens dans les forêts non peuplées de Scandinavie, mais dans les agglomérations ou  sur les autoroutes très fréquentées, cela me semble moins judicieux", juge-t-il.

L'eurodéputé s'inquiète autant des questions de sécurité routière qui ne sont pas encore suffisamment étudiées que de la dimension écologique mise en avant par la présidence danoise. "Etant donné que le coût du transport se trouvera ainsi réduit, la demande grandira, et une partie du fret jusqu'ici transporté par le train rebasculera vers la route", avance le député.

"Un pays de passage comme le Luxembourg" serait désavantagé

Et quand bien même le nombre de camions serait effectivement durablement réduit, de nombreux emplois seraient détruits dans le secteur. En fait, "pour les transporteurs, une baisse des coûts de personnel est au moins aussi importante qu'une baisse des émissions de CO2", en déduit-il.

Georges Bach ajoute à la liste des griefs contre l'introduction de ces méga poids lourds, les incertitudes qui règnent autour des conséquences pour les infrastructures. "Pour un pays de passage comme le Luxembourg, cela signifierait que le contribuable devrait payer pour les adaptations supplémentaires de l'infrastructure, sans qu'il ne tire une utilité directe de ces engins."