Principaux portails publics  |     | 

Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil "Justice et Affaires intérieures" : L'UE veut aussi son système PNR, mais des questions sur sa mise en œuvre sont soulevées, y compris par le Luxembourg
26-04-2012


Le ministre de l'Intérieur, Jean-Marie Halsdorf, lors du Conseil JAI du 26 avril 2012Les ministres de la Justice et des Affaires intérieures de l’UE devaient dégager lors de leur Conseil qui s’est tenu le 26 avril 2012 à Luxembourg une orientation générale sur le projet dit "PNR de l’UE", en fait un projet de directive relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, que la Commission a présenté en février 2011. Pour le Luxembourg, c’est le ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf, qui a participé à la discussion.

L'objectif général de la directive proposée est, selon la Commission européenne, de mettre en place un système cohérent, à l'échelle de l'UE, concernant les données des dossiers passagers, en créant un modèle UE unique pour tous les États membres participant au nouveau système et en assurant la coopération entre les autorités concernées au sein de l'Union. En conséquence, tous les transporteurs aériens effectuant des vols couverts par les nouvelles dispositions seront tenus de fournir aux services répressifs des États membres les données des dossiers passagers. Ceux-ci ne seront cependant autorisés à utiliser ces données - qui sont déjà recueillies actuellement par les transporteurs aériens - que pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité (transnationale), ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière.

L’orientation que les ministres devaient dégager devait permettre d'ouvrir les négociations avec le Parlement européen dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

L'une des principales questions consistait à déterminer si les nouvelles dispositions proposées devraient concerner uniquement la collecte des "données des dossiers passagers" (PNR) pour les vols en provenance et à destination de pays tiers ou si les vols intérieurs à l'UE devraient également être couverts. A titre de compromis, l’idée a circulé d’autoriser tous les États membres, mais sans les y contraindre, à recueillir des données PNR également en ce qui concerne certains vols intra-UE. Le Luxembourg s’est monté très sceptique à cet égard, étant en général très soucieux qu’il y ait un équilibre entre les droits fondamentaux des personnes et les besoins de sécurité. Jean-Marie Halsdorf s’est ainsi demandé si le principe de proportionnalité était vraiment respecté.

La deuxième question fondamentale qui se posait concernait la période de conservation des données. La Commission avait proposé une période initiale de conservation de trente jours, donc une période courte, suivie d’une période supplémentaire de cinq ans, au cours de laquelle les données PNR seraient masquées, c'est-à-dire que les éléments des données PNR se rapportant au passager ne seraient plus visibles par l'agent des services répressifs chargé du contrôle en première ligne, mais ne pourraient être consultées qu'après obtention d'une autorisation spécifique. Certains États membres estimaient que cette période initiale de conservation de 30 jours était trop courte d'un point de vue opérationnel, étant donné qu'il pourrait souvent être nécessaire de vérifier très rapidement - dans un délai de quelques heures - l'historique des déplacements d'une personne qui est automatiquement sélectionnée pour un examen plus approfondi. Une des solutions proposées consistait à scinder la période globale de conservation de cinq ans en deux périodes : une première période de deux ans durant laquelle les données seraient totalement accessibles et une deuxième période au cours de laquelle les données seraient masquées et l'accès à l'intégralité des données serait beaucoup plus restreinte. Pour Jean-Marie Halsdorf, toutes ces solutions sont trop longues, et notamment, dans la solution de compromis, plus longues que les 6 mois de l’accord PNR avec les USA, approuvé lors de la même session du Conseil.

Pour le Luxembourg, le champ d’application de la directive pose également problème dans la mesure où elle ne concerne pas seulement toute infraction terroriste, ce qui ne suscite à priori aucune opposition, mais aussi une infraction transnationale grave, ce qui n’est pas clairement défini, et pourrait, selon le droit luxembourgeois, toucher aussi des personnes qui ont "organisé en bande le vol d’une bicyclette à Arlon", pour citer l’exemple donné par le ministre, car le droit luxembourgeois considère le vol en bande organisée comme une infraction grave.

Par ailleurs, le Luxembourg n’est pas convaincu que dans le cadre de la coopération policière et judicaire, il y ait une base légale assez claire pour garantir que les données transférées dans  le cadre du PNR de l’UE soient traitées par tous les receveurs de ces données de la même manière, et par conséquent avec les mêmes précautions.

Finalement, Jean-Marie Halsdorf a trouvé que les ministres ne disposaient pas encore d’assez d’éléments pour connaître l’impact de ce système en termes de ressources humaines et financières (il est question de 500 millions d’euros). "Seront-ce huit ou cinquante personnes que l’Etat luxembourgeois devra engager pour assurer le fonctionnement de ce système", s’est-il demandé. "Ou ne serait-ce pas mieux de déléguer la mise en œuvre et le fonctionnement de ce système à Europol, dans la mesure où cela garantirait une seule ligne de conduite pour traiter les données ?" Cette solution d’un registre central est néanmoins considérée par l’Allemagne avec beaucoup de scepticisme. Ces points devraient être élucidés lors des discussions avec le colégislateur, c’est-à-dire le Parlement européen, dont le poids et l’influence se font fortement sentir lors des débats au sein du Conseil, l’autre colégislateur, comme le ministre n’a pas manqué de souligner.