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Les quotas d’émission de CO2 non utilisés par ArcelorMittal, pomme de discorde avec le gouvernement luxembourgeois dans un contexte de restructuration ?
10-05-2012


Les quotas d’émission de CO2 non utilisés d’Arcelor Mittal sont au cœur d’une polémique qui a pris une ampleur certaine cette semaine au Luxembourg.

Les Verts s’étaient déjà indignés du fait que le géant de la sidérurgie puisse empocher des millions en vendant des certificats d’émission octroyés, entre autres, par le gouvernement luxembourgeois, alors qu’il ne les a pas utilisés et que les sites de Schifflange et Rodange sont à l’arrêt.

Mais le 7 mai 2012, ce fut au tour du CSV de jeter un pavé dans la mare. Michel Wolter, président du parti, et Marc Spautz, chef du groupe parlementaire, avaient convoqué la presse à la veille de l’assemblée générale des actionnaires d’Arcelor Mittal pour dire leur mécontentement et appeler le groupe sidérurgiste à prendre ses responsabilités, ainsi que le fait l’Etat en vertu du plan Lux 2016.

L’idée d’une fermeture du site de Schifflange les inquiète, mais quand ils imaginent que le géant de l’acier pourrait tirer des revenus importants en revendant les droits d’émission dont il dispose pour ce site, rien moins que des certificats pour l’émission de 83 000 tonnes de CO2 qui se négocient en bourse autour de 5 à 7 euros la tonne, les deux députés fulminent. Et ce d’autant plus que pendant ce temps, l’Etat aura soin de financer les plans sociaux et les reclassements de personnel. Marc Spautz souhaite donc que l’argent que représentent ces certificats d’émission soit investi dans des mesures sociales, ou bien reversé à l’Etat luxembourgeois.

"On ne peut pas faire de cadeau à ce genre d'entreprise quand on présente d'un autre côté un plan d'économie de 500 millions d'euros dans le budget", a lancé Michel Wolter dont le parti juge la situation indécente.

Les Verts, qui ont réagi à cette conférence de presse par un communiqué diffusé le 8 mai 2012, se sont étonnés de ce soutien tardif du CSV à leur cause. Ils appellent le gouvernement à faire usage du droit, et notamment de la loi du 23 décembre 2004 sur la transposition en droit luxembourgeois de l’ETS, le système européen d’échange de certificats d’émission, pour exiger qu’on lui rende les certificats d’émission non utilisés.  "Toute cessation totale ou partielle de l'exploitation d'une installation doit immédiatement être notifiée au ministre. Le ministre statue sur la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés", prévoit en effet la loi dans son article 13. Les Verts insistent donc sur le fait que la décision dépend du ministre, et non de la Commission européenne. Et ils l’appellent à agir tandis que l’eurodéputé Claude Turmes espère même que l’affaire pourrait contribuer à améliorer le système européen d’échange de quotas d’émission.

Le ton est monté d’un cran lorsque le Premier ministre, qui était devant la Chambre le 8 mai 2012 pour son discours sur l’état de la Nation, s’en est lui aussi pris à ArcelorMittal, en dénonçant le fait que l’entreprise, qui perçoit quelques 55 millions d’euros pour l’ajustement des préretraites, entend mettre fin à certaines activités réalisées au Luxembourg alors qu’elle fait des bénéfices immenses de par le monde. Il est donc d’avis que le géant de la sidérurgie devrait, en contrepartie, mettre gratuitement des terrains à la disposition de l’État. "Les grands patrons ne peuvent pas uniquement se contenter de réclamer. Ils doivent également donner", a lancé Jean-Claude Juncker.

Au cours du débat qui a suivi à la Chambre, le 9 mai 2012, Marc Spautz a détaillé la vision du CSV. S’il n’est pas question de remettre en question l’engagement de l’Etat à participer aux mesures de restructurations prévues dans l’accord Lux2016, le député n’accepte pas l’idée que l’entreprise puisse faire des bénéfices avec la fermeture d’un site. S’il y a une plus-value sur la vente de certificats d’émission, alors elle doit servir à cofinancer la restructuration, explique Marc Spautz, qui aurait souhaité que cette question des certificats d’émissions ait été traitée dans l’accord Lux2016. ArcelorMittal s’est engagé à mettre à la disposition du gouvernement différents terrains, ajoute Marc Spautz qui souligne toutefois qu’ils ne peuvent être utilisés tels quels pour la construction de logements ou l’établissement d’entreprises : ils doivent être dépollués. Et le député imagine que l’entreprise aurait pu occuper les personnes concernées par la restructuration à la dépollution de ces terrains.

Lucien Lux, qui parlait au nom du LSAP, a appelé le gouvernement à activer la clause de restitution contenue dans la loi afin de se voir restitués, sous une forme ou une autre, les certificats d’émission alloués à ArcelorMittal qui n’auraient pas été utilisés.

La réponse de l’entreprise a été pour le moins cinglante. "La consommation d'acier en Europe est de 25 % en-dessous du niveau de 2007, ArcelorMittal doit ainsi adapter la capacité de production et l'emploi. Nous voulons produire et vendre davantage d'acier, mais pour y parvenir les conditions de croissance doivent être rétablies en Europe", souligne-t-elle dans un premier temps. "ArcelorMittal Luxembourg a signé le 28 mars avec le gouvernement et les syndicats l'accord Lux 2016 pour assurer la compétitivité de l'industrie sidérurgique dans le pays", rappelle ensuite le groupe dans un communiqué diffusé le 9 mai 2012. L'accord prévoit notamment de la part d'ArcelorMittal des investissements de 150 millions d'euros sur cinq ans et des mesures d'accompagnement social pour aider les employés concernés par la décision de mettre à l'arrêt, pour une durée indéfinie, la production sur le site de Schifflange, précise ArcelorMittal. "Les investissements ont pour but de renforcer la compétitivité des installations du groupe et de maintenir les excellents niveaux de produits et de services dans le Grand-Duché", souligne le communiqué.

La direction du groupe ne manque pas d’insister sur le fait que "le soutien du gouvernement pour les plans de préretraite fait partie et est entièrement inclus dans le plan Lux 2016, en conformité avec la loi". En guise de conclusion, un rappel : "Depuis 1998, ArcelorMittal a investi plus d’un milliard d’euros dans ses sites de production au Luxembourg afin de les maintenir, de les développer et de les moderniser".

Mais pas un mot sur les certificats d’émission.