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Développement et aide humanitaire
Pour le député européen Charles Goerens, rapporteur pour un changement de la politique européenne de développement, "le premier donateur mondial doit aussi être le meilleur"
20-06-2012


Charles Goerens, le 20 juin 2012 à LuxembourgL’eurodéputé luxembourgeois libéral Charles Goerens, membre de la commission Développement du Parlement européen qui est aussi ancien ministre pour la coopération au développement, est rapporteur sur un programme portant sur l'avenir de la politique de développement de l'UE. Le 20 juin 2012, il a présenté son projet de rapport   à Luxembourg.

L’urbanisation, la croissance démographique, le changement climatique, la création du Service européen d’action extérieure (SEAE) qui est aussi censé traiter le dossier "développement" et la crise avec son caractère global sont les éléments essentiels du contexte dans lequel Charles Goerens a réfléchi aux changements à apporter à la politique de développement de l’UE.

La Commission européenne avait déjà suggéré trois axes de changements dans une communication publiée en octobre 2011 :

  • différencier l’aide publique au développement (ADP) de l’UE en faisant la part des pays qui peuvent être désormais eux-mêmes responsables de leurs problèmes sociaux, comme les pays seuils Chine ou Brésil, et les autres, pour lesquels l’ADP doit continuer ;
  • favoriser la croissance inclusive et de lutte contre la pauvreté qui inclut la société civile et certains types de secteur privé ;
  • se concentrer sur trois secteurs où l’UE peut exceller : la gouvernance, la "croissance économique durable et inclusive" et le développement de systèmes de protection sociale dans les pays en développement.     

Charles Goerens a donc évoqué plusieurs de ses propositions. Premièrement, il importe que l’UE reçoive des chiffres fiables quant à l’allocation des fonds de l’APD, afin que puisse être mesuré le vrai effort des pays donateurs pour réduire la pauvreté.

Deuxièmement, il faut pousser vers la différenciation de l’aide. L’argent pour lutter contre la pauvreté doit aller aux pays qui n’ont pas de ressources propres pour combattre la pauvreté. Ce n’est plus le cas des pays seuils, où un phasing-out nuancé pourrait déboucher sur une coopération triangulaire entre l’UE, des pays pauvres et des pays seuils. Pour les pays seuils ne resterait plus que l’assistance technique, par exemple pour la mise en place de systèmes de protection sociale, et le soutien à des ONG.

Autre idée : La croissance inclusive doit être munie de "garde-fous", pour éviter que les moyens réservés à la croissance inclusive puissent servir à des fins autres que celle de la lutte contre la pauvreté. Il faut donc aussi faire la part des fonds publics et des fonds privés qui poursuivent un intérêt commercial tout en étant très utiles au développement et ne pas s’aventurer dans le partenariat public-privé dans le domaine du développement

Dans ce contexte, Charles Goerens s’est ému du fait que l’objectif central parmi les Objectifs du Millénaire, celui de réduire la pauvreté dans le monde de 50 % entre 2000 et 2015, ne sera pas atteint, selon lui vraisemblablement parce que l’aide n’a pas été assez différenciée, et que l’autre objectif, celui du consensus trouvé au sein de l’UE en 2005 selon lequel les Etats membres doivent allouer en moyenne 0,7 % de leur PIB à l’APD, ne le sera pas plus. Il en déduit que la Commission, le Parlement européen, les Etats membres qui coopèrent d’ores et déjà de manière institutionnelle sur la question du développement devraient renforcer cette coopération et faire entrer le SEAE sous ce chapeau.

Mais ici, le Conseil, qui est "une des deux branches législatives de l’UE", qui représente les Etats membres et qui devrait faciliter la recherche de la complémentarité entre les politiques des Etats membres et de la Commission, fait défaut. Charles Goerens s’est indigné du fait que ce qui distingue les réunions du Comité des représentants permanents (COREPER) et du Conseil, c’est la présence de 3 ou 4 ministres en charge du développement seulement aux sessions semestrielles de leur Conseil qui ne durent en principe pas plus de trois heures. Pour lui, six heures annuelles de discussion sur le développement,  cela "frise le degré zéro de l’engagement politique". Or, l’engagement des Etats membres est crucial, dans la mesure où l’UE ne gère que 20 % des fonds européens de l’APD, et "que plus de 80 % de l’APD de l'UE relève encore, pour ce qui est de sa mise en œuvre, de la responsabilité directe des seuls Etats membres".

Une réflexion stratégique indépendante lui semble donc incontournable. Elle pourrait avoir lieu dans une cellule indépendante "travaillant pour tous les acteurs de la coopération au développement mais rattachée - administrativement seulement - à la Commission." Sa mission : "développer la capacité d'analyse et de conseil des acteurs du développement afin de dégager la valeur ajoutée que pourrait apporter une politique bien coordonnée à l'échelle de l'UE." Il faudra par ailleurs réussir à déjouer "les tentatives de dévier l’action de développement de l’UE de son objectif premier qu'est la lutte contre la pauvreté", et là, c’est le SEAE qui est visé par Charles Goerens pour qui "le fait de dissoudre les services de développement de la Commission dans le Service d’Action Extérieure - toujours en chantier selon les dires de Lady Ashton - n’est pas anodin".

La conclusion de Charles Goerens : "Il ne sert à rien de masquer les faiblesses structurelles du processus décisionnel de la politique de développement de l’UE, mais il importe par contre d’y remédier afin de doter l’Europe d’une capacité d’agir conforme à son ambition de faire en sorte que le premier donateur mondial soit aussi le meilleur."