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L’investissement à long terme, clef de la relance de l’économie européenne, a réuni à Luxembourg acteurs financiers publics et privés
Claude Turmes a pu plaider pour un programme d’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique
08-10-2012


Le Club des investisseurs de long terme (LTIC) a tenu à Luxembourg, au siège de la Banque européenne d’investissement (BEI), sa quatrième conférence internationale, organisée sous l’égide de la présidence de l’Union Européenne et en marge de la réunion de l’Eurogroupe du 8 octobre 2012. La BEI a accueilli le 8 octobre 2012 la quatrième conférence du Club des Investisseurs à Long Terme

L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE) était invité à intervenir au cours de cette conférence au cours de laquelle il a plaidé pour un programme d’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. L’eurodéputé, contacté par Europaforum.lu, a donné l’impression d’être conforté dans la bataille politique qu’il mène actuellement au Parlement européen pour réorienter 8 milliards d’euros que la Commission propose de mettre pour financer le mécanisme pour l’interconnexion en Europe vers la BEI, ce qui permettrait de lever 50 milliards d’investissements en faveur de ses domaines de prédilection.

Le Club des investisseurs de long terme

Le club a été fondé à Paris en 2009 par la Caisse des Dépôts, la Cassa Depositi e Prestiti, la BEI et KfW Bankengruppe. Depuis, le Club des investisseurs de long terme s’est agrandi et compte désormais 15 membres issus de différents pays (la France, l’Italie, l’Allemagne, la Chine, la Russie, le Canada, Abu Dhabi, le Maroc, la Pologne, la Turquie, l’Inde, les Pays-Bas et, depuis peu, le Japon) qui, ensemble, représentent un total de bilan de 2 590 milliards d’euros. Il a pour objectif de continuer à se développer et à accueillir en son sein d’autres grandes institutions établies partout dans le monde, et en particulier celles des pays du G20.

Sa vocation est de rassembler les grandes institutions mondiales, y compris des fonds d'investissement souverains, des caisses de retraite publiques, des fonds de pension du secteur privé, des banques de développement, des économistes, des décideurs politiques financiers et des régulateurs, afin de leur permettre d'affirmer leur identité commune en tant qu'investisseurs de long terme, d'ouvrir la voie à une plus grande coopération entre tous les membres et de faire passer le message selon lequel favoriser la mise en place de conditions appropriées pour l'investissement de long terme sera un élément important pour encourager la croissance et la stabilité économique.

La crise actuelle est en grande partie liée au court-termisme des marchés financiers d’une part et à la profonde déconnection entre les stratégies d’investissement et les besoins de l’économie réelle d’autre part. C’est de ce constat qu’est né ce club à un moment où les sociétés européennes font face aux défis de l’urbanisation, du financement des infrastructures, et de la transition vers une économie faible en carbone.

Une première manifestation a eu lieu à Paris en juin 2009 en partenariat avec l’OCDE. Son objectif : promouvoir les valeurs à long terme et la stabilité économique. Rome a accueilli en juin 2010 la seconde conférence annuelle du club, dont le thème était "le long terme à l’ère de la mondialisation", et qui a rassemblé des représentants institutionnels et politiques, des universitaires et 200 des praticiens les plus influents de l’investissement à long terme, parmi lesquels des fonds souverains, des fonds de pension publics et privés et des régulateurs. En octobre 2010, des représentants d’une cinquantaine de think-tanks se sont réunis à Venise pour discuter des investissements à long terme, tandis que la troisième conférence du club s’est tenue en juin 2011 à Berlin sur le thème du financement des défis à venir. Une conférence qui s’est articulée autour de quatre thèmes, à savoir les infrastructures pour la mobilité, le changement climatique et l’efficacité énergétique, l’énergie et le développement urbain.

Le message de la conférence : le cadre réglementaire doit être propice à la collecte de l’épargne et à son affectation à des investissements à long terme

La conférence d’octobre 2012 avait pour thèmes principaux la croissance et l’emploi.

Les participants se sont ainsi penchés sur différents aspects des politiques publiques, et en particulier sur les actions à entreprendre pour améliorer la disponibilité de financements à long terme dans les secteurs qui revêtent une importance fondamentale pour la croissance et l'emploi.

Durant les périodes de crise et de restrictions budgétaires, les investisseurs de long terme peuvent donner un sérieux coup de pouce à la croissance en apportant un soutien décisif à des secteurs qui ont le potentiel de contribuer à la croissance et à la compétitivité de l’Europe. Comment ces investisseurs peuvent-ils favoriser au mieux la croissance, l'emploi et la compétitivité en Europe et partout dans le monde ?

Les participants, venus d’horizons divers – représentants de la sphère politique et économique et du milieu des affaires – ont débattu des besoins considérables en financements à long terme et de la nécessité de mettre au point des instruments adéquats pour encourager les partenariats public-privé (PPP) et canaliser l'épargne disponible. Ils ont présenté des exemples et mis en commun leur expérience, montrant sur quel plan et par quels mécanismes les financements à long terme ont eu un réel effet.

Pour remettre l’Europe sur la voie d’une croissance forte, durable et inclusive, il faut déployer un volume massif d’investissements à long terme dans des secteurs tels que les infrastructures, les financements destinés aux petites et moyennes entreprises (PME), l’innovation, l’énergie et la lutte contre le changement climatique, lesquels constituaient le sujet central des ateliers de la conférence. Le contexte économique et financier actuel, très peu favorable, a eu pour effet de ralentir fortement ces investissements car l’incertitude qui prévaut réduit l’horizon prévisible. Par conséquent, dans de nombreux pays, les budgets ont été sévèrement limités et la capacité et la volonté des investisseurs d’accorder des financements à long terme ont sensiblement diminué.

Par le passé, on a pu constater que l'investissement public subit généralement des ajustements disproportionnés, et c'est également le cas actuellement. D’après les chiffres récents, dans l’Union européenne et dans la zone euro, en 2012, les investissements et les transferts de capitaux du secteur public ont baissé de 0,5 à 0,6 point de pourcentage du produit intérieur brut (PIB) et l’investissement public a accusé une contraction de 20 % (données statistiques de l’UE, avril 2012).

Dans son allocution d’ouverture de la conférence du LTIC, le ministre chypriote des Finances, Vassos Shiarly, a déclaré que, bien que les pouvoirs publics doivent agir comme les “pompiers de la crise”, ils reconnaissent que les décisions politiques prises ce jour auront des conséquences à long terme et que l’investissement à long terme est essentiel pour favoriser le redressement et la croissance.

Les membres du Club des investisseurs de long terme sont conscients de leur responsabilité envers les générations futures et de leur rôle décisif dans l'évolution vers des sociétés plus durables et plus inclusives. Ils sont prêts à renforcer et accroître leur coopération en exploitant davantage, de concert, leurs compétences et leur force financière. Mais ils demandent aux gouvernements et aux autorités internationales de réglementation de soutenir leurs efforts, notamment en améliorant le cadre réglementaire de manière à faciliter l’investissement à long terme.

Werner Hoyer, le président de la BEI, institution qui a accueilli la quatrième conférence internationale du LTIC, a souligné dans son allocution de clôture que l’évolution vers une économie plus intelligente, plus inclusive et plus efficace dans l'utilisation des ressources – indispensable pour nos sociétés – était un processus de longue haleine impossible à réaliser sans de très gros volumes d’investissements à long terme et des réformes structurelles capables de libérer le potentiel de ces investissements. Dans ce contexte, c'est une vision à long terme qui doit prévaloir. Il faut abandonner le court-termisme actuel qui est à la racine de la crise financière que nous traversons en ce moment. Pour ce faire, le cadre réglementaire doit être propice à la collecte de l’épargne et à son affectation à des investissements à long terme.

Ulrich Schröder, directeur général de la KfW et nouveau président du LTIC, a souligné l’engagement des membres du Club en faveur d’un renforcement de l’investissement dans une croissance durable, tant en Europe que dans le monde. La contribution du LTIC repose sur trois piliers : conseils stratégiques sur les besoins en matière réglementaire, recherche sur les effets de l’investissement à long terme sur la croissance et, il s’agit peut-être du pilier le plus important, coopération conjointe pour le financement d’investissements à long terme prometteurs.

Il semble que le message des investisseurs à long terme a trouvé quelque écho auprès de la Commission européenne puisque Michel Barnier s’apprête à présenter dans les prochaines semaines un livre vert sur les investissements à long terme. A suivre donc.

Claude Turmes, un eurodéputé en pleine bataille politique pour mettre en place un programme d’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

Les discussions se sont organisées autour de deux grands thèmes, à savoir "croissance et financement à long terme" et "Energie / changement climatique et investissement à long terme". L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE) était invité à introduire la discussion sur ce dernier thème.

Contacté par Europaforum.lu, l’eurodéputé a pu esquisser en quelques mots son message lors de cette conférence.

A ses yeux, le principal problème de l’Europe, c’est sa politique d’austérité généralisée qui a pour conséquence un à hausse du chômage, ce qui a un impact sur la consommation. Mais l’UE fait face à une autre difficulté, à savoir qu’il n’y a pas assez de capitaux placés dans les investissements productifs en Europe. Or, a expliqué Claude Turmes, pour avoir de la croissance, il faut de la consommation et/ou des investissements. Et L’UE, à l’heure actuelle, n’a ni l’un ni l’autre.

Pour pallier cette importante difficulté, Claude Turmes appelle à développer une stratégie de réinvestissement dans certains secteurs, ce qui permettrait d’une part de créer de l’emploi, mais aussi de contribuer à résoudre d’autres crises auxquelles doit faire face l’UE, à savoir la crise liée au changement climatique, et celle qui découle de notre dépendance énergétique. Le programme de réinvestissement que propose Claude Turmes devrait cibler le bâtiment, de façon à réduire la facture énergétique, les énergies renouvelables, et notamment l’éolien et le solaire, ainsi que les voitures propres et électriques, ce qui va de pair avec un réseau d’électricité modernisé en Europe. Autant de secteurs très créateurs d’emplois locaux, insiste le parlementaire conscient que la rénovation de bâtiments ne peut pas se délocaliser, mais aussi que l’UE est en pointe dans les énergies renouvelables.

Où trouver l’argent pour financer ce programme d’investissement ?

Claude Turmes identifie deux pistes.

Il s’agit d’une part d’augmenter le capital propre de la BEI de 10 milliards d’euros, ce qu’ont décidé les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de juin 2012. "Il est important que cela se concrétise d’ici la fin de l’année, car cela va permettre de faire passer le montant des crédits de la BEI de 55 milliards actuellement à 75 milliards en 2013", souligne Claude Turmes.

Mais Claude Turmes propose aussi de prendre de l’argent du budget européen pour créer un instrument d’assurance de risque de crédit. Concrètement, il pense aux  8 milliards d’euros du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE ou, en anglais, Connecting Europe Facility - CEF) qu’il suggère de mettre à la disposition de la BEI ou d’autres banques publiques pour assurer ou réassurer une partie des crédits octroyés pour des projets dans des domaines comme les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Actuellement, la Commission a mis une proposition sur la table qui vise à accorder par le biais de ce programme des subventions directes aux réseaux de gaz et d’électricité. Une démarche contre laquelle se bat Claude Turmes au Parlement européen où il a proposé toute une série d’amendements allant dans le sens d’une réorientation de ces financements vers la BEI de façon à faire jouer l’effet de levier sur les investissements en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

Cette bataille politique bat son plein actuellement au sein de la commission ITRE dont est membre Claude Turmes, ainsi que l’eurodéputée libérale chargée du dossier, Adina-Ioana Valean.

Ce serait un coup de pouce de plus à la BEI qui n’aurait pas à puiser dans son capital propre pour assurer ces crédits, assure-t-il.

L’occasion pour l’eurodéputé de souligner l’importance du rôle de la BEI qui joue non seulement le rôle de banque, mais qui se caractérise aussi par les nombreuses compétences en ingénierie dont elle dispose en interne pour analyser les projets soumis en vue d’être financés. Ce qui implique que lorsque la BEI mise sur un projet, ne serait-ce qu’à hauteur de 20 %, c’est interprété par les autres investisseurs comme un signe qu’ils peuvent investir en toute confiance dans un projet qui a été soumis à une analyse détaillée. La BEI rassure par son expertise, et chaque euro investi par la BEI peut donc lever quatre euros d’investissements privés. 

Résultat, si on additionne les 10 milliards de capitaux supplémentaires octroyés à la BEI et les 8 milliards qui pourraient venir du CEF, on pourrait lever 100 milliards d’investissements, calcule Claude Turmes.