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Economie, finances et monnaie
Conseil ECOFIN : La supervision bancaire avance lentement, la coopération renforcée sur la TTF progresse rapidement et le Luxembourg et l’Autriche continuent de bloquer le mandat de négociation sur la fiscalité de l’épargne
13-11-2012


La supervision bancaire unique ou union bancaire, la taxe sur les transactions financières, la réglementation de la fiscalité de l’épargne entre l’UE et des pays tiers, le paquet "two-pack" destiné à améliorer la gouvernance économique de la zone euro et un accord sur le nouveau cadre réglementaire des banques, appelé Bâle III, étaient les sujets principaux du Conseil ECOFIN qui a réuni les ministres européens des Finances le 13 novembre 2012 à Bruxelles.     

Supervision bancaire unique

L’enjeu est l’établissement d’une supervision bancaire unique pour les institutions bancaires de la zone euro et des autres Etats membres qui y participeraient volontairement. La création de cette supervision bancaire unique est basée sur deux textes, l’un conférant à la BCE des tâches spécifiques, et ce texte requiert l’unanimité, l’autre modifiant le statut de l’Autorité bancaire européenne, l’EBA, ce texte requérant la majorité qualifiée pour être adopté. Ces règlements sont un élément-clé sur le chemin vers une union bancaire dans la zone euro qui prévoit aussi un fonds de compensation commun et des règles de garantie de dépôt communes.

Le Conseil européen d’octobre 2012 avait demandé au Conseil de trouver un accord sur un cadre juridique pour le 1er janvier 2013, afin que la supervision bancaire puisse commencer à fonctionner au cours de l’année 2013. Un accord n’ayant pu être trouvé le 13 novembre, la nouvelle échéance est le 4 décembre 2012.

La mise en place d'une supervision commune des banques de la zone euro, confiée à la Banque centrale européenne (BCE) avec l'appui des superviseurs nationaux, est aussi la condition pour que le fonds de sauvetage permanent de l'union monétaire puisse prêter directement aux banques.

A l’issue de la réunion du Conseil, le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, a déclaré, au vu des discussions et des désaccords qui subsistent au Conseil, que la mise en œuvre de la supervision unique des banques de la zone euro se fera progressivement, "sans doute jusqu'en 2014". Il garde l’espoir qu’"un accord politique d'ici la fin de l'année" 2012 reste possible, "même si c'est difficile". Mais de l’autre côté, "la mise en place va s'étaler sur beaucoup de mois en 2013 et sans doute aussi en 2014, car il faudra que cette supervision soit opérationnelle étape par étape avec de la qualité".

Au Conseil, la situation est la suivante : la France, l'Espagne et l'Italie poussent vers une mise en œuvre rapide, dès début 2013 ; l'Allemagne, mais aussi le Luxembourg, ont insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de ne pas précipiter les choses ; certains Etats membres de l’UE mais non-membres de la zone euro, comme la Pologne ou la Suède, veulent participer au mécanisme, mais ils veulent avoir voix au chapitre dans cet organisme qui évolue sous la responsabilité de la BCE dont ils ne sont pas membres. Le compromis proposé par Michel Barnier est que le conseil de supervision qui sera créé au sein de la BCE "accueillera, sur une base d'égalité totale, les superviseurs de la zone euro et ceux des pays qui n'y sont pas encore mais qui voudraient y participer", de sorte que ces pays "auront un droit de vote égal au sein de ce conseil de supervision".

Pour Luc Frieden, un autre principe doit être respecté dans les mécanismes de décision de la future supervision bancaire : "un pays une voix".

Taxe sur les transactions financières

Un autre sujet fort disputé à l’ordre du jour a été la taxe sur les transactions financières. Au cours du Conseil ECOFIN du 9 octobre, la Commission avait annoncé, après l’échec en juin de ses propres propositions, qu’à l’initiative de la France et de l’Allemagne, sept pays -  à savoir l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, la Grèce, le Portugal et la Slovénie - lui avaient adressé une demande écrite d’envisager une coopération renforcée et lui demanderaient de faire une proposition législative, et qu’à cet effet, ils lui préciseraient le champ d’application et les objectifs de cette coopération renforcée. Quatre délégations, celles de l’Espagne, de l’Estonie, de l’Italie et de la Slovaquie, ont rejoint le mouvement en cours de séance.

Le 23 octobre 2012, la Commission européenne a donc proposé un texte par lequel le Conseil pourrait autoriser l’application d’une taxe européenne sur les transactions financières (TTF) dans le cadre d’une coopération renforcée. Toutes les conditions juridiques nécessaires sont en effet selon elle réunies pour que les dix Etats membres qui ont déjà manifesté leur volonté d’avancer dans ce sens puissent le faire.

Coup de théâtre lors de la réunion de l’ECOFIN du 13 novembre 2012 : les Pays-Bas, qui ont un nouveau gouvernement et qui étaient jusqu'ici à l’instar du Luxembourg et du Royaume-Uni très réticents, ont indiqué qu’ils pourraient rejoindre la coopération renforcée, de sorte que le nombre des Etats participants monterait à douze, tous membres de la zone euro. Le ministre néerlandais Jeroen Dijsselbloem, cité par l’AFP, a toutefois posé des conditions, en particulier l'exemption des fonds de pension du pays.

La proposition de décision du Conseil pour autoriser une coopération renforcée sur la TTF mise sur la table par la Commission constitue une première étape procédurale du processus de coopération renforcée. Elle doit être adoptée à la majorité qualifiée des États membres. Cela n’a pas encore été le cas ce 13 novembre, certains Etats membres ayant souhaité recevoir un supplément d’informations. La proposition doit ensuite recueillir l'approbation du Parlement européen.

La proposition législative de la Commission devrait se fonder sur celle qu'elle avait déjà faite en 2011. Celle-ci prévoyait de taxer toutes les transactions entre institutions financières (banques, Bourses, sociétés d'investissement, compagnies d'assurance, hedge funds). Les échanges d'actions et d'obligations seraient taxés à un taux de 0,1% et les contrats dérivés à un taux de 0,01%. La taxe s'appliquerait dès lors qu'au moins un établissement financier participant à la transaction est établi dans l'UE, même si la transaction a lieu hors de l'Union. Les pays qui participeront à cette coopération renforcée devront ensuite trouver un accord entre eux. Le Parlement européen n’aura par la suite, comme cela est prévu pour les matières fiscales, qu’un rôle consultatif.

Fiscalité de l’épargne

Le sujet très controversé de la fiscalité de l’épargne – qui a des implications sur le secret bancaire et l’échange d’informations automatique ou sur demande d’informations entre administrations des impôts nationales – a été remis à l’ordre du jour par la Commission européenne, qui, après un double appel du Conseil européen en juin et en octobre 2012, accentue dans ce dossier sa pression sur le Luxembourg et l’Autriche. La Commission veut obtenir du Conseil un mandat pour négocier avec la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et San Marino des amendements aux accords signés en 2004 avec ces pays sur l’imposition des revenus de l’épargne, afin d’ajuster ces accords sur la directive 2003/48/CE sur la fiscalité de l’épargne et son champ d’application qu’elle avait proposé d’élargir en 2008 sur les fondations, trusts, actions, obligations et fonds d’investissement. 

Luc Frieden, ministre luxembourgeois des Finances, et son homologue autrichienne, Maria Fekter, au Conseil Ecofin du 13 novembre 2012 source: consiliumLe Luxembourg et l’Autriche ont continué à émettre des réserves dans une matière qui requiert l’unanimité, ce qui revient à bloquer une décision. Luc Frieden a expliqué à l’issue du Conseil qu’il avait demandé à la Commission de préciser l’impact des négociations sur l’échange d’informations, le Luxembourg voulant éviter qu’un tel mandat conduise indirectement à l’introduction de l’échange d’informations automatique que le Grand-Duché récuse. Il a aussi proposé, rapporte Marisandra Ozolins du Tageblatt, que le mandat de négociation devrait limiter l’extension du champ d’application des accords aux nouveaux produits bancaires. Dans ce cas, le Luxembourg pourrait donner son accord. Mais la Commission a rejeté les demandes luxembourgeoises, qui n’ont pas changé depuis mai 2012.  

Le commissaire en charge de la fiscalité, Algirdas Semetas, s’est montré déçu de l’impasse, qui dure déjà depuis 16 mois. Il aurait expliqué au Luxembourg et à l’Autriche que le mandat ne préjuge pas de l’issue des négociations, et qu’il serait toujours possible au Luxembourg et à l’Autriche de rejeter leur résultat. Pour lui, il ne s’agit pas de s’en prendre au secret bancaire des résidents d’un Etat membre, mais au secret bancaire qui couvre les avoirs des non-résidents, et ce dans l’optique de créer une meilleure fiscalité.

Gouvernance économique - "Two-pack"

Le Conseil a été informé par la présidence de l'état d'avancement des négociations avec le Parlement européen sur deux projets de règlement relatifs à la gouvernance économique et il a amendé ensuite le mandat de négociation. Le Parlement européen a en effet établi sa position de négociation le 4 juillet, apportant des amendements substantiels aux textes. Après sept trilogues, le Conseil signale que des progrès importants ont été réalisés en ce qui concerne le règlement sur le renforcement de la surveillance des États membres de la zone euro confrontés à de graves perturbations financières ou sollicitant une assistance financière, tandis que les négociations concernant le règlement sur l'évaluation des projets de budget se sont avérées plus ardues.

Les deux projets de règlement introduisent des dispositions visant à renforcer le contrôle des politiques budgétaires nationales. Chaque année, les États membres seraient tenus de présenter au Conseil et à la Commission, le 15 octobre au plus tard, leur projet de budget pour l'exercice suivant. Un contrôle plus étroit s'appliquerait aux États membres faisant l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs, afin de permettre à la Commission de mieux évaluer le risque de non-respect du délai imparti pour corriger le déficit excessif. Les États membres confrontés à de graves problèmes de stabilité financière ou bénéficiant d'une assistance budgétaire accordée à titre de précaution seraient soumis à un contrôle encore plus strict que les États membres faisant l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs.

Tatjana Konieczny du Luxemburger Wort rapporte que plusieurs ministres des Finances ont cependant, lors du débat, critiqué l’attitude du PE au cours des négociations, parce que ses négociateurs avaient lié leur approbation du "Two-Pack", qui accorde plus de pouvoirs à la Commission en matière de surveillance des budgets nationaux, à une feuille de route qui mènerait à la création d’eurobonds et d’un Fonds d'amortissement européen qui permettrait de cautionner la dette des Etats quand elle excède 60 % du PIB, ce pour diminuer la pression du marché sur les pays les plus endettés. Les ministres avaient jugé que ces projets étaient en l’état actuel des choses prématurées.  

Exigences de fonds propres des banques

La présidence a informé le Conseil de l'état des négociations menées avec le Parlement européen sur deux propositions (ce que l'on appelle le "paquet CDR IV") modifiant les règles de l'UE relatives aux exigences de fonds propres applicables aux banques et aux entreprises d'investissement.

L'objectif était de parvenir à un accord politique avant la fin de l'année et, à cet effet, la présidence a demandé aux États membres de faire preuve de davantage de souplesse sur certaines questions politiques.

Les propositions visent à modifier et à remplacer les directives existantes en matière d'exigences de fonds propres par deux nouveaux instruments législatifs: un règlement qui définit les exigences prudentielles que doivent respecter les établissements et une directive régissant entre autres l'accès aux activités de réception de dépôts.

Ces propositions sont destinées à transposer dans le droit de l'UE un accord international approuvé par le G20 en novembre 2010. L'accord de Bâle III, conclu par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, renforce les obligations des banques en matière de fonds propres, introduit un coussin de conservation des fonds propres obligatoire et un coussin de fonds propres contra-cyclique discrétionnaire et prévoit un cadre pour de nouvelles exigences réglementaires en ce qui concerne la liquidité et le ratio de levier.

Le règlement serait directement applicable afin de veiller à l'harmonisation au niveau national. En application de ce règlement, les banques et les entreprises d'investissement seraient tenues de détenir des fonds propres de base de catégorie 1 correspondant à 4,5 % des actifs pondérés en fonction du risque. Selon l'orientation générale du Conseil, les États membres pourraient, dans certaines circonstances, prévoir des exigences prudentielles plus strictes pour les établissements financiers agréés au niveau national.

Le projet de directive instaure des exigences supplémentaires concernant un coussin de conservation des fonds propres de 2,5 %, constitué de fonds propres de base de catégorie 1 et identique pour toutes les banques dans l'UE, ainsi qu'un coussin de fonds propres contra-cyclique spécifique à chaque établissement. Le texte du Conseil prévoit la possibilité pour les États membres d'instaurer un coussin pour le risque systémique, composé de fonds propres de base de catégorie 1 supplémentaires, pour le secteur financier ou un ou plusieurs sous-ensembles de ce secteur.

Les propositions du paquet CRD IV renforcent également les exigences en matière de gouvernance et de surveillance, prévoient l'application de sanctions par les autorités de surveillance en cas de violation des règles de l'UE et visent à réduire la dépendance des établissements de crédit à l'égard des notations de crédit produites par des entités extérieures.

La présidence chypriote de l'Union européenne a déclaré à l’issue du Conseil qu’elle espérait toujours parvenir à un accord sur Bâle III en décembre 2012. Les négociations sur Bâle III ont pris du retard en Europe, et ce à un moment où les Etats-Unis ont décidé de reporter sine die leur mise en œuvre, prévue au 1er janvier 2013.

Deux points de frictions subsistent. Au Conseil, il s’agit encore de trouver un accord sur le degré de flexibilité qui sera accordé à chaque Etat de l'UE concernant le montant du capital additionnel qu'il pourra imposer aux banques afin de renforcer leurs fonds propres. Le commissaire européen en charge des services financiers, Michel Barnier, veut "un système clair et simple qui évite des arbitrages entre Etats membres dans le même marché unique". Deuxième problème : les bonus accordés aux banquiers. Le Parlement européen "veut fixer un ratio de un pour un entre la rémunération fixe et variable" des cadres bancaires, a expliqué Michel Barnier, cité par l’AFP. La rémunération variable ne pourrait donc, dans un tel cas de figure, excéder la rémunération fixe. Michel Barnier se dit "favorable à un tel ratio", mais au Conseil, certains ont des réticences.