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Union économique et monétaire - La feuille de route "Van Rompuy" vers une "authentique Union économique et monétaire" qui doit être discutée au Conseil européen des 13 et 14 décembre est rendue publique
07-12-2012


Herman Van Rompuy source: consiliumLe président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a publié le 6 décembre 2012 une feuille de route assortie d'un calendrier qui devrait mener selon lui et les co-auteurs du rapport, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, et le président de la BCE, Mario Draghi, à la création d'une "authentique" Union économique et monétaire (UEM).

Le rapport se base sur les conclusions du Conseil européen de juin 2012, sur le rapport intermédiaire du même groupe d’auteurs pour le Conseil européen d’octobre 2012 et sur la contribution de la Commission à la réflexion sur l’approfondissement de l’UEM de fin novembre 2012. Le rapport évoque également la position du Parlement européen du 20 novembre 2012.

La feuille de route, qui se décline en 3 phases, qui s’inspire du papier de fin novembre 2012 de la Commission, aborde quatre sujets : un cadre financier intégré, un cadre budgétaire intégré, un cadre intégré des politiques économiques et la légitimité démocratique, ce dernier chapitre déclinant de façon un peu plus précise cet aspect par rapport au rapport intermédiaire d’octobre 2012. 

Dans le préambule, on lit que "la zone euro a besoin de mécanismes plus forts pour assurer des politiques nationales solides qui permettent aux Etats membres de tirer pleinement profiter de l’UEM. Plus l’UEM sera intégrée, plus elle pourra absorber les chocs économiques externes, préserver le modèle de cohésion sociale européen et assurer l’influence de l’Europe au niveau mondial." Pour y arriver, les auteurs sont convaincus que les Etats membres devraient s’engager à mettre en œuvre une feuille de route qu’il faut considérer comme un paquet de mesures où tout est lié.

Les trois phases de la feuille de route

La première phase s’étale de la fin 2012 à 2013.

Elle implique un engagement à une gestion solide des finances publiques et veut briser le lien entre les questions de dettes bancaires et de dettes souveraines, les premières ayant entraîné les crises de dettes souveraines.

Outre la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance révisé ('6 pack' et '2 pack'), le rapport estime nécessaire de mettre en place un cadre permettant une meilleure coordination ex ante des politiques économiques nationales, telle que stipulée dans l’article 11 du "pacte budgétaire" ou TSCG qui dit : "En vue d’évaluer quelles sont les meilleures pratiques et d’œuvrer à une politique économique fondée sur une coordination plus étroite, les parties contractantes veillent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu’elles envisagent d’entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées entre elles. Cette coordination fait intervenir les institutions de l’Union européenne dès lors que le droit de l’Union européenne le requiert."

Le rapport demande aussi la mise en place d'un mécanisme unique de surveillance bancaire sous l'égide la BCE pour toutes les banques de la zone euro. Enfin, il s’agit d’arriver à un accord sur la mise en place d'un cadre harmonisé des régimes nationaux de restructuration bancaire et de garanties des dépôts dotés par le secteur financier. Un mécanisme unique de recapitalisation des banques devrait aussi être envisagé, doté d’une autorité unique européenne propre et adossé au Mécanisme européen de stabilité (ESM) qui lui réserverait une ligne de crédit.

Une 2e étape, qui devrait s’étaler sur les années 2013-2014, vise l’achèvement d’un cadre financier intégré et de nouvelles réformes structurelles. Celles-ci seraient encore mieux coordonnées et convergentes, basées sur des "arrangements contractuels" entre les Etats membres et les institutions de l’UE. Les États membres pourraient bénéficier d'"incitations financières ciblées, flexibles, temporaires et limitées".

La 3e étape, "point culminant du processus", qui commencerait après 2014, verrait, en complément des "arrangements contractuels", la création d’une capacité budgétaire "clairement définie et limitée" qui servirait à "faciliter l'ajustement aux chocs économiques" d’Etats membres. Elle prendrait la forme d'un mécanisme central de type assurantiel auquel les pays concernés contribueraient (ou dont ils bénéficieraient) en fonction de leur situation par rapport au cycle économique.

Lors de cette 3e étape, le rapport propose aussi une prise de décision de plus en plus commune sur les budgets nationaux et les politiques économiques, y compris celles qui concernent la fiscalité et l’emploi, et donc le marché du travail. Pour les auteurs, les propositions de la Commission du 28 novembre 2012 offrent ici une bonne base de travail.

Le cadre financier intégré 

Les éléments du cadre financier intégré sont

  1. le mécanisme unique de surveillance bancaire (MSU), dont la mise en place devrait se faire dès 2013, qui serait doté d’une autorité adéquate et serait impartial, qui réduirait le risque de nouvelles crises bancaires systémiques, sous l’égide de la BCE mais bien séparée des fonctions monétaires de cette dernière ;
  2. le mécanisme unique de recapitalisation des banques, qui permettrait, après la mise en place du MSU, une recapitalisation directe des banques par l’ESM, sans recours aux ressources budgétaires des Etats membres, ce qui limitera les coûts pour les citoyens, mais en recourant à des ressources venant du secteur financier ; 
  3. des mécanismes de garanties de dépôt harmonisés qui seraient confiés à une autorité  européenne afin de limiter les risques de contamination, et qui devraient être adoptés dès 2013.

Le cadre budgétaire intégré

Il est nécessaire selon les auteurs du rapport parce qu’il "a été montré que les politiques budgétaires nationales sont une question qui touche à l’intérêt vital commun". Des politiques budgétaires et solides et une plus grande capacité de résilience de l’UEM face à des chocs économiques sont liés.

Les éléments de ce cadre budgétaire intégré sont :

  1. des politiques budgétaires nationales solides basées sur une coordination ex ante des budgets nationaux et une surveillance accrue des Etats membres qui affichent des difficultés financières ;
  2. la création d’une capacité budgétaire de l’UEM, à l’instar de ce qu’ont toutes les autres unions monétaires dans le monde, qui commencerait à partir de 2013 par financer les "arrangements contractuels" qui seraient "obligatoires" pour les Etats membres de la zone euro et "volontaires" pour les autres Etats, des arrangements qui déboucheraient après 2014 sur la mise en place d’une capacité budgétaire pour faciliter l’adaptation à des chocs économiques ; cela équivaut à une forme de solidarité budgétaire à travers un mécanisme central de type assurantiel et donc de partage de risque auquel les pays concernés contribueraient (ou dont ils bénéficieraient) en fonction de leur situation par rapport au cycle économique, mais assorti d’obligations de réformes strictes en vue de prévenir toute évolution due à un choc économique ou un déséquilibre macroéconomique qui pourrait avoir un effet sur la zone euro ;  
  3. les ressources financières de la capacité budgétaire ne sont pas encore précisées, mais des options sont proposées : les budgets nationaux et/ou de ressources propres ; par ailleurs, la capacité budgétaire aurait besoin d'un "trésor" capable d'emprunter, histoire de permettre de contracter des dettes en commun sans que la dette ne soit mutualisée, ce qui avait été une hypothèse de travail dans le rapport intermédiaire d’octobre 2012.

Le cadre intégré des politiques économiques

Pour les auteurs du rapport, la crise a révélé que certains Etats membres de l’UEM ont mené des politiques économiques qui n’étaient pas durables. Il s’agit donc d’établir un cadre qui puisse guider de tout temps les Etats membres pour éviter cela.

L’achèvement du marché unique est un moyen. Mais en l’absence de la possibilité de recourir à des ajustements des taux d’échange pour corriger les déséquilibres entre les Etats membres de la zone euro, les marchés du travail et des biens des Etats membres doivent être scrutés afin que des ajustements des prix et des coûts, donc aussi des coûts du travail, puissent être opérés. C’est là que le recours à l’article 11 du TSCG devient nécessaire selon les auteurs. Il faut donc aller plus loin que le semestre européen et la procédure contre les déséquilibres macroéconomiques. Et cela veut dire : plus de coordination, plus de convergence, plus de réformes structurelles. Et bien sûr, c’est là que surgissent les "arrangements contractuels" entre Etats membres et institutions de l’UE.

Pour les auteurs du rapport, les "arrangements contractuels" doivent :

  1. aborder les faiblesses et  les "goulets d'étranglement microéconomiques, sectoriels et institutionnels" dans les Etats membres, et seraient "obligatoires" pour les Etats membres ;
  2. se concentrer sur leurs faiblesses fondamentales, par exemple le chômage des jeunes, déficience du système judiciaire, et résulter d’un accord détaillé des parties ;
  3. s’intégrer dans les processus de décisions existants de l’UE : semestre européen, etc.
  4. avoir été l’objet d’une pleine appropriation et responsabilisation dans et par les Etats concernés et au niveau européen, ce qui suppose selon les auteurs un large débat national et une information du parlement national respectif, de sorte qu’un changement de gouvernement après de nouvelles élections pourrait conduire à une renégociation de ces arrangements.    

La légitimité démocratique et la responsabilisation

Les auteurs du rapport estiment que les trois cadres intégrés financier, budgétaire et économique ne pourront être effectifs que s’ils bénéficient d’une forte légitimité démocratique et de la responsabilisation des parties. Les décisions européennes impliqueront le Parlement européen, tandis que les parlements nationaux contribueront à jouer leur rôle dans les Etats membres. On lit ainsi dans le rapport : "Les décisions sur les budgets nationaux sont au cœur des démocraties parlementaires des Etats membres. En même temps, les dispositions pour une légitimité démocratique et une responsabilisation devraient veiller à ce que l’intérêt commun de l’Union est dûment pris en compte ; et ce alors que les parlements  nationaux ne sont pas encore dans la meilleure position pour les prendre pleinement en compte. Cela implique qu’une intégration plus forte de l’élaboration des politiques et une plus grande mise en commun des compétences à un niveau européen devraient avant tout être accompagnées d’une implication adéquate du Parlement européen dans les cadres intégrés pour une authentique UEM."

Légitimité démocratique et responsabilisation pour le cadre financier intégré

Ici, la BCE est le premier acteur responsable comme superviseur unique et autorité unique pour la recapitalisation. Il faudra ici des mécanismes d’information vers les parlements nationaux et les Etats membres.

Légitimité démocratique et responsabilisation pour le cadre budgétaire intégré

Les gouvernements devront impliquer leurs parlements nationaux dans les arrangements contractuels qui rendront obligatoires certaines réformes, en grande partie dans le cadre du semestre européen. Il s’agit par ailleurs d’explorer de quelle manière le Parlement européen et les parlements nationaux peuvent être plus impliqués dans le débat autour des recommandations du Conseil. L’article 13 du TSCG pourrait également être invoqué, qui stipule : "Comme le prévoit le titre II du protocole (n° 1) sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne, annexé aux traités de l’Union européenne, le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d’autres questions régies par le présent traité."

Légitimité démocratique et responsabilisation pour le cadre intégré des politiques économiques

Ici, les auteurs du rapport disent que le détail des arrangements contractuels entre les Etats membres et l’UE dépendront d’éléments spécifiques, comme de la source de financement d’un arrangement, du processus de décision sur lequel on se mettra d’accord et sur l’envergure des activités qu’il implique.

Les auteurs sont conscients du fait qu’ils proposent "des changements qui vont loin" dans l’UE et encore plus dans l’UEM. Ils supposent au sein des Etats membres "un haut degré de cohésion sociale, une participation forte des parlements européen et nationaux et un dialogue renouvelé entre les partenaires sociaux", le tout basé sur l’ouverture et la transparence.