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Institutions européennes - Traités et Affaires institutionnelles
Remise du prix Nobel de la paix à l'Union européenne : honneurs et mises en garde
10-12-2012


ue prix nobelLe 10 décembre 2012, à Oslo, le président du Conseil européen, Hermann Van Rompuy, le président du Parlement européen, Martin Schulz et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont reçu ensemble, "au nom des 500 millions de citoyens européens" le prix Nobel décerné à l'Union européenne pour son œuvre en faveur de la paix. L'Union européenne a décidé de mettre les 930 000 euros de récompense du prix au service de l'aide aux enfants victimes de conflits armés.

Le 12 octobre 2012, le Comité Nobel avait fait part de son choix, qui en avait surpris beaucoup, de distinguer la construction européenne en déclarant que "l'Union et ses pionniers ont contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe".

Le premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, avait alors jugé utile "une telle reconnaissance de l’extérieur, en provenance du monde élargi, afin de nous rappeler la raison pour laquelle nous sommes considérés comme un modèle pour autrui".

Ce choix avait toutefois fait l'objet de nombreuses critiques, dont celle du prix Nobel de la paix en 1984, l'archevêque sud-africain Desmond Tutu qui a souligné, en amont de la cérémonie, que l'Union européenne n'apparaît pas partout comme "pacificatrice", ainsi que celle du prix Nobel polonais, Lech Walesa, qui aurait préféré voir récompensé "un cas d'engagement personnel", à l’image de celui qui lui avait permis d'obtenir le prix en 1983.

Jean-Claude Juncker n'était pas présent à Oslo pour la réception du prix Nobel, tandis que six autres chefs d'Etat ou de gouvernement des 27 Etats membres ne s'étaient pas déplacés. Parmi eux, le Premier ministre britannique, David Cameron, hostile au choix du comité Nobel et les président et premier ministre eurosceptiques tchèques, Václav Klaus et Petr Nečas, le président chypriote, Demetris Christofias, ainsi que les leaders de Malte, de la Slovénie et de la Slovaquie.

Thorb Jørn Jagland : "Par des efforts bienveillants et l’établissement d’une confiance mutuelle, des ennemis historiques peuvent devenir de proches partenaires"

A en croire le responsable du comité Nobel, Thorb Jørn Jagland, dans son discours lors de la remise du prix, le choix de couronner l'UE était tout autant une récompense pour l'œuvre achevée qu'une mise en garde pour le futur dans un contexte de crise économique. L'UE doit "aller de l'avant en sauvegardant ce qui a été gagné et en améliorant ce qui a été créé", a-t-il en effet déclaré, avant d'exhorter les Etats membres à ne pas se limiter à leurs seuls intérêts dans le contexte de la crise économique et financière.

Dans ses arguments exposés le 12 octobre 2012, le comité Nobel avait mis en avant le processus de réconciliation franco-allemand voyant dans le fait qu' "une guerre opposant Allemagne et France est impensable", que "par des efforts bienveillants et l’établissement d’une confiance mutuelle, des ennemis historiques peuvent devenir de proches partenaires".

Avant de remettre le prix, Thorb Jørn Jagland a également évoqué la réconciliation franco-allemande et mis plus particulièrement en exergue l'action du chancelier allemand, Helmut Kohl : "Nous devons un fier tribut à la République allemande et son chancelier Helmut Kohl pour avoir assumé la responsabilité et accepté d'énormes coûts pour les citoyens de la république fédérale, quand l'Allemagne de l'Est est entrée, en quasiment une nuit, dans l'Allemagne réunie."

Herman Van Rompuy : "Lorsqu’ils pensent à l’Europe, la paix n’est sans doute pas la première chose qui leur vient à l’esprit…"

Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso et Martin Schulz © Union européenneDu côté des lauréats, seuls le président du Conseil européen, Hermann Van Rompuy et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont pris la parole lors de la remise du prix.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, s'est pour sa part exprimé dans une conférence de presse en amont des festivités. Il a mis en garde contre la nocivité de la crise financière et de la montée des nationalismes pour la construction européenne. En référence au roman de Thomas Mann, Buddenbrooks - Verfall einer Familie, laquelle conte l'histoire de la chute d'une famille bourgeoise de commerçants, pour dire qu'il espérait ne pas appartenir à cette troisième génération, qui après la première, celle des fondateurs et la seconde, celle des gestionnaires, serait celle qui "dilapide l'héritage".

Dans son discours, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a rendu hommage "à tous les Européens qui ont rêvé d’un continent en paix avec lui-même et à tous ceux qui, jour après jour, font de ce rêve une réalité". "Bien sûr, la paix aurait peut-être pu s’installer en Europe sans l’Union, a-t-il concédé. Mais cela n'est pas certain, nous ne le saurons jamais. En tout état de cause, elle n’aurait jamais pu être de cette qualité. Une paix durable et non un froid cessez-le-feu."

Il n'a pas contourné les critiques qui entourent l'Union européenne. Il a concédé qu'au vu des problèmes actuels, la perspective de la paix ne suffit plus à enthousiasmer les citoyens pour l'UE. "Je considère que la paix demeure la raison d’être de notre Union. Mais l’Europe ne peut plus compter sur cette seule promesse pour rallier ses citoyens."

"Nous devons de nouveau être maîtres de notre destin", a-t-il dit, évoquant la nécessité de créer de la croissance et de l'emploi, "alors que la pire crise que l’on ait connue en deux générations frappe nos économies, causant de grandes difficultés à nos concitoyens, et mettant à l’épreuve les liens politiques de notre Union". "Ces parents qui ont du mal à joindre les deux bouts, ces travailleurs qu’on vient de licencier, ces étudiants qui redoutent de ne pas décrocher ce premier emploi malgré tous leurs efforts : lorsqu’ils pensent à l’Europe, la paix n’est sans doute pas la première chose qui leur vient à l’esprit…"

"Mesdames et messieurs, ça a fonctionné. Aujourd'hui, la paix va de soi", a-t-il lancé dans la dernière partie de son discours. Pour Herman Van Rompuy, la diplomatie doit également beaucoup à l'Union européenne qui "a perfectionné l'art du compromis", synthétisée dans une citation de Jean Monnet : "Mieux vaut se disputer autour d'une table que sur un champ de bataille."

Herman Van Rompuy a également évoqué la réconciliation franco-allemande distinguée par le comité Nobel : "Si l’on pense à ce que la France et l’Allemagne avaient traversé et enduré, avant de prendre la décision de signer un Traité de l’Amitié… Chaque fois que j'entends les mots Freundschaft et amitié, je suis ému", a-t-il dit, ce à quoi le président français, François Hollande, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont réagi en joignant puis levant leurs bras en référence au geste de François Mitterand et Helmut Kohl.

José Manuel Barroso : "Un nouvel ordre juridique qui n'est pas fondé sur l'équilibre du pouvoir entre nations mais sur le libre consentement des États au partage de souveraineté"

De son côté, José Manuel Barroso, citant Spinoza, a déclaré que la paix était "un état d'esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice". Il a souligné que l'Union européenne constituait "un nouvel ordre juridique qui n'est pas fondé sur l'équilibre du pouvoir entre nations mais sur le libre consentement des États au partage de souveraineté".

L'aspiration à l'unité européenne n'est "pas une œuvre parfaite" mais "un ouvrage en cours qui demande à être façonné avec une attention constante et diligente. Elle n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre des finalités supérieures."

José Manuel Barroso a également évoqué l'importance de l'euro. "Aujourd'hui, chacun de nous détient dans sa main l'un des symboles les plus tangibles de notre unité, l'Euro, la monnaie de l'Union européenne. Ce symbole, nous le défendrons."

Laurent Mosar : "La crise économique et financière est aussi une crise de l'intégration européenne"

Comme dans la plupart des Etats membres, une célébration s'est déroulée au Luxembourg, à la Maison de l'Europe, en présence de nombreux invités. "La crise économique et financière est aussi une crise de l'intégration européenne, une crise non seulement pour les Etats membres mais peut-être avant tout pour l'UE elle-même", a notamment déclaré le président de la Chambre des députés, Laurent Mosar, en pensant au quart de la population confronté au risque de pauvreté. Il faudrait, a-t-il jugé, que les parlements nationaux travaillent davantage ensemble. "L'Europe a une chance unique, à travers la gouvernance économique, de nouer un meilleur contact avec les citoyens et une paix sociale, qui, à travers la crise économique et financière, a été fortement remise en question."

La cérémonie s'est notamment poursuivie par un lâcher de ballons, porteurs de messages de paix, réalisé par 27 écoliers à partir du balcon de la Maison de l'Europe.