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Economie, finances et monnaie
Le nouvel accord trouvé sur le plan d’aide à Chypre prévoit une restructuration des deux premières banques du pays
25-03-2013


Au terme d’un week-end au cours duquel une série de négociations ont tenu en haleine toute l’Europe, et même au-delà, puisque le sommet UE-Japon qui était prévu a même été reporté, un nouvel accord politique a pu être trouvé entre les autorités chypriotes, ses partenaires de la zone euro et la troïka UE-BCE-FMI.Christine Lagarde, Jeroen Dijsselbloem, Olli Rehn et Klaus Regling présentant à la presse l'accord trouvé avec les autorités chypriotes le 25 mars 2013 au petit matin (c) Conseil de l'UE

C’est à l’issue d’un Eurogroupe qui s’est achevé aux premières heures du 25 mars 2013, après de longues heures passées la veille à attendre l’issue des négociations que le président chypriote Nicos Anastasiades a menées en personne avec les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de la BCE, Mario Draghi, de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, et la directrice du FMI, Christine Lagarde, que les principaux éléments de cet accord politique ont pu être annoncés.

Jeroen Dijsselbloem a salué un accord qui "met fin aux incertitudes affectant Chypre et la zone euro" depuis ces derniers jours, exprimant une pensée toute particulière pour les Chypriotes qui ont particulièrement souffert de la situation. S’il se félicite qu’il y ait un accord, Luc Frieden, qui représentait le Luxembourg lors de cette réunion des ministres des Finances, est bien conscient qu’il sera "très difficile pour Chypre".

Les objectifs de cet accord restent les mêmes que ceux de l’accord qui avait été trouvé dans la nuit du 15 au 16 mars dernier, qui avait dû être renégocié en raison du rejet net que le parlement chypriote avait opposé à l’idée d’une taxe sur l’ensemble des dépôts bancaires.

Ainsi, les partenaires de Chypre ont toujours l’intention de l’aider dans le cadre d’un plan d’aide à hauteur de 10 milliards d’euros, tandis que Chypre contribuera à hauteur d’environ 7 milliards d’euros et appliquera un programme d’ajustement dont les détails seront formalisés dans un protocole d’accord qui sera mis sur la table au cours de la deuxième semaine d’avril. L’idée reste en effet de veiller à la soutenabilité de la dette publique chypriote.

Un des principaux objectifs reste de réduire la part du secteur financier dans l’économie du pays d’ici 2018, tandis que l’engagement pris par les autorités chypriotes en matière de consolidation budgétaire, de réformes structurelles et de privatisation reste à l’ordre du jour. L’accord prévoit une hausse du taux de prélèvement à la source sur les revenus du capital ainsi que du taux d’imposition des sociétés.

Vittorio Grilli, Luc Frieden, Jutta Urpilainen et Luis De Guindos Jurado lors de l'Eurogroupe du 24 mars 2013 (c) Conseil de l'UEDe même, la question épineuse de la lutte anti-blanchiment, qui avait pris une grande place dans les discussions des ministres des Finances en février et mars dernier, trouve-t-elle sa place dans l’accord, puisque le lancement imminent de l’audit que va mener Moneyval est inscrit dans l’accord, et qu’il est prévu, dans le cas où seraient identifiés des problèmes dans la mise en œuvre des règles anti-blanchiment, que ces problèmes soient corrigés dans le cadre du programme d’ajustement conditionnant le plan d’aide.

Ainsi, "les paramètres restent les mêmes, mais les instruments sont différents", puisqu’ils ont été "améliorés et affinés", comme l’a résumé Jeroen Dijsselbloem à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe.

Une restructuration drastique des deux premières banques du pays en lieu et place d’une taxe affectant tous les dépôts bancaires

En effet, les autorités chypriotes ont renoncé à toute taxe généralisée sur les dépôts bancaires, préférant en fin de compte se concentrer sur une restructuration du secteur financier se concentrant sur les deux plus grandes banques du pays.

La deuxième banque chypriote, la Laiki Bank, va être mise en faillite de manière ordonnée. Elle sera scindée entre une "bad bank", entité résiduelle amenée à disparaître progressivement, et une "good bank", où seront regroupés les dépôts inférieurs à 100 000 euros, dont tous les acteurs ont rappelé avec insistance qu’ils bénéficient d'une garantie dans l'Union européenne. Les actionnaires, détenteurs d'obligations y compris prioritaires et les déposants non assurés au-delà de cette somme de 100 000 euros, subiront des pertes importantes, dans le cadre de la liquidation de la banque. "La taille de la décote" imposée aux déposants non assurés "doit être déterminée dans les semaines qui viennent par les autorités chypriotes et la troïka" des créanciers, a expliqué Jeroen Dijsselbloem.

Cette faillite se fera sur la base du cadre de résolution bancaire adopté par le parlement chypriote le 22 mars, ce qui fait que le parlement chypriote n’aura pas à se prononcer à nouveau pour donner son feu vert à une telle mesure.

Quant à la première banque du pays, la Bank of Cyprus, elle reprendra à terme les dépôts garantis de Laiki Bank. Elle reprendra aussi les dettes de Laiki Bank envers la Banque centrale européenne, qui s'élèvent à 9 milliards d'euros.

Les déposants non assurés auprès de la Bank of Cyprus pourront aussi subir des pertes, dont le montant n'a pas encore été évalué. Elles seront calculées en fonction des objectifs de recapitalisation de la banque, prévue par conversion des dépôts non assurés en participation. Mais là encore, ces pertes n’affecteront pas les dépôts en dessous de 100 000 euros, qui sont garantis. Le but est de parvenir à un ratio de fonds propres de 9 %. En attendant, ces dépôts non assurés seront gelés. L’accord prévoit que la BCE continuera d'apporter des liquidités à la Bank of Cyprus.

Les autorités chypriotes mettront en place une restriction des mouvements de capitaux, pour éviter la fuite des capitaux, notamment étrangers. La réouverture des banques, toujours fermées depuis l’accord trouvé dans la nuit du 15 au 16 mars dernier, devait faire l’objet de discussions entre les autorités chypriotes et la troïka le 25 mars dernier. La déclaration de l’Eurogroupe précise que ces mesures administratives seront "temporaires, proportionnées et non discriminatoires" et feront l’objet d’un suivi rigoureux.

Les autorités chypriotes doivent par ailleurs continuer à discuter avec la Russie sur l'extension d'un prêt de 2,5 milliards d'euros accordé en 2011 et qui doit venir à échéance en 2016.

Les avis divergent pour ce qui est de savoir quelle aurait été la meilleure solution, mais l’essentiel est qu’il y ait une solution, comme le souligne Luc Frieden

En plus de permettre d’éviter une taxation contestée des dépôts bancaires, cette restructuration des deux principales banques chypriotes va contribuer à réduire la taille du secteur bancaire, jugé surdimensionné. Selon Jeroen Dijsselbloem, qui se dit convaincu que le nouvel accord est meilleur que le précédent, cette solution va permettre de traiter le problème chypriote à sa source en se concentrant sur ces deux banques.

Le récit qu’a fait Luc Frieden de cette réunion sur les ondes de la radio 100,7 au matin du 25 mars 2013 montre toutefois que les discussions ont été âpres, car les pertes vont être très importantes pour les clients les plus fortunés des deux banques qui vont être respectivement mise en faillite et restructurée. L’enjeu n’était rien de moins qu’une contribution chypriote permettant d’éviter que ses partenaires aient à prêter plus que les 10 milliards d’euros d’aide financière prévue, ce qui ce serait heurté, aux dires du ministre luxembourgeois, à l’opposition de certains Etats membres.Luc Frieden à son arrivée à la réunion de l'Eurogroupe le 24 mars 2013 (c) Conseil de l'UE

Cette solution "tout à fait exceptionnelle", mais aussi "unique", était toutefois basée sur l’analyse d’experts selon lesquels la Laiki Bank n’était plus viable et qu’elle n’aurait eu aucune chance de surmonter la crise, a expliqué Luc Frieden au micro de Carine Rippinger. Il concède que cette solution ne manque pas d’inconvénients, mais il souligne aussi qu’elle offre des avantages. Premièrement, "nous avons une solution, ce qui est très important car les marchés n’aiment pas les incertitudes", souligne le ministre. "Deuxièmement, la solution se concentre sur deux banques plutôt que sur l’ensemble des banques et troisièmement, les dépôts des petits épargnants sont protégés jusqu’à hauteur de 100 000 euros", salue encore Luc Frieden. L’incertitude qui reste est maintenant de voir comment vont réagir les clients des autres banques et notamment de savoir s’ils vont retirer en masse leurs dépôts.

Luc Frieden, contrairement à Jeroen Dijsselbloem, confie qu’il trouvait "peut-être meilleure la solution" sur laquelle s’étaient entendus les ministres dans la nuit du 15 au 16 mars dernier. "Mais il en est ainsi dans les négociations", et il constate par ailleurs que l’essentiel était de trouver une solution, ce que confirment d’après lui les premières réactions des marchés asiatiques à leur ouverture.