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Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Chypre / Luxembourg : les commentaires continuent d’abonder sur la comparaison contestée entre les deux places financières
28-03-2013


Les parallèles qui fleurissent ces derniers jours, dans le contexte de la crise chypriote, entre les places financières chypriote et luxembourgeoise continuent de susciter des commentaires.

A la suite des déclarations de Luc Frieden et de Jean Asselborn, un communiqué de presse avait été diffusé le 27 mars 2013 par le gouvernement luxembourgeois qui y affichait sa préoccupation quant aux comparaisons faites entre les places de Chypre et de Luxembourg, qui étaient jugées infondées.

Jean-Claude Juncker : "Les parallèles qui sont faits entre Chypre et Luxembourg ne sont pas fondés"

Jean-Claude Juncker, qui était interviewé par la journaliste Marietta Slomka sur la ZDF dans la soirée du 27 mars 2013, a poursuivi dans la ligne défensive que tient le gouvernement sur cette question. "Les parallèles qui sont faits entre Chypre et Luxembourg ne sont pas fondés", affirme en effet le Premier ministre luxembourgeois.

Jean-Claude Juncker n’a par ailleurs pas caché sa gêne quant au fait que la solution apportée au problème chypriote ait pu être présentée comme un modèle pour de futurs plans de sauvetage. "Le problème chypriote est un problème spécifique, Chypre est un cas particulier", estime Jean-Claude Juncker qui souligne que "les autres places financières en Europe, et dans d’autres pays, ne connaissent pas les problèmes" qu’a connus Chypre. "Nous n’avons pas le droit de donner l’impression qu’à l’avenir, les dépôts bancaires ne seraient pas garantis en Europe", autrement dit "de donner l’impression que les investisseurs ne devraient pas placer leur argent en Europe", explique Jean-Claude Juncker pour qui cela nuirait à la place financière européenne dans son ensemble.

Jean-Claude Juncker a rappelé que la place financière luxembourgeoise est tout à fait différente de celle de Chypre. "Nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier, nous n’attirons pas les capitaux russes au Luxembourg avec de forts taux d’intérêt", résume le Premier ministre luxembourgeois qui explique que la place luxembourgeoise est fondée sur plusieurs piliers, un large éventail de produits, et une participation intense à l’activité internationale de crédit, puisqu’il y a au Luxembourg des fonds d’investissement qui investissent dans 70 pays du monde.

"Luxembourg est une place financière internationale et on ne peut pas mesurer sa stabilité à l'aune de la taille du PIB du pays, mais à ses propres références en matière de stabilité", explique le Premier ministre luxembourgeois qui précise que le ratio de fonds propres des banques luxembourgeoises tourne en moyenne autour de 17 %, ce qui n’était pas le cas à Chypre.

Michel Barnier : "Les deux pays ne sont absolument pas comparables"

Le lendemain, le Handelsblatt et le Figaro publiaient chacun une interview du commissaire en charge du marché intérieur, Michel Barnier.

Le commissaire y affirme lui aussi la spécificité du cas chypriote, et donc des mesures exceptionnelles qui ont été prises pour résoudre le problème auquel faisait face l’île. "Les banques étaient au bord de la faillite, la surveillance bancaire était faible et le secteur bancaire était beaucoup trop grand par rapport au PIB", a résumé Michel Barnier à l’attention du quotidien allemand. "C'est le caractère hypertrophié du secteur financier, associée à une gouvernance et une supervision faible qui a causé les problèmes à Chypre", a-t-il expliqué au Figaro.

Pour autant, lorsque la rédaction du Handelsblatt rebondit en soulignant qu’il y a des secteurs financiers importants dans d’autres pays, et la journaliste cite explicitement le Luxembourg, le commissaire explique qu’au Luxembourg, "la surveillance bancaire fonctionne mieux qu’à Chypre". "Les deux pays ne sont absolument pas comparables", affirme Michel Barnier.

Wolfgang Schäuble : "Le modèle bancaire du Luxembourg est tout à fait différent" de celui de Chypre

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, s’est lui aussi prononcé sur la question sur les ondes de SWR2, dans un entretien dont RTL Radio Lëtzebuerg a diffusé des extraits le 28 mars 2013.

"Le Luxembourg est une place bancaire pleine de succès et Luxembourg a un modèle bancaire tout à fait différent", affirme le ministre qui s’étonne des réactions pour le moins vives de ministre Jean Asselborn. Pour le ministre allemand, une comparaison entre Chypre et Luxembourg est absurde. "A Chypre, il y avait quelques rares banques totalement surendettées, à Luxembourg il y a un grand nombre de banques venant de tous les pays européens, y compris des filiales de nombreuses banques allemandes", explique Wolfgang Schäuble.

Jacques Sapir : "Les situations de Chypre et du Luxembourg ne sont pas comparables d’une manière qualitative", mais "quantitativement l’exposition de Luxembourg au risque bancaire est beaucoup plus élevée que l’exposition de Chypre"

Le journaliste Michel Delage s’est lui enquis de l’avis de l’économiste Jacques Sapir qu’il a interviewé pour la radio 100,7 le 28 mars 2013. Pour lui, considérer que la solution chypriote pourrait être un modèle à l’avenir n’est pas "un faux débat". "En réalité on est en présence d’un ballon d’essai de la part du président de l’Eurogroupe qui s’est rétracté évidemment très vite quand il a vu l’ampleur des protestations que suscitait sa déclaration", explique l’économiste qui est certain que "c’est une déclaration qui avait un contenu réel".

"Cela met en lumière le cas des pays comme le Luxembourg, mais on pourrait aussi dire, comme Malte, comme l’Irlande etc., qui ont construit leur modèle économique autour du développement des services financiers", ajoute l’économiste.

Jacques Sapir reconnaît que "Luxembourg a une industrie de services bancaires beaucoup plus diversifiée que Chypre" et que "les partenaires de Luxembourg sont beaucoup plus nombreux que les partenaires de Chypre". Mais il souligne aussi que "la part de ce secteur des services bancaires par rapport au PIB, ou même tout simplement la part des actifs par rapport au PIB est trois fois supérieure à ce que l’on a à Chypre". En conséquence, "une crise, même moins importante que la crise qui a touché les banques chypriotes, si elle devait se passer à Luxembourg, aurait bien entendu des conséquences extrêmement importantes sur l’industrie financière du Luxembourg".

Autrement dit, "les situations de Chypre et du Luxembourg ne sont pas comparables d’une manière qualitative", mais "quantitativement l’exposition de Luxembourg au risque bancaire est beaucoup plus élevée que l’exposition de Chypre". Et, en cas de crise bancaire, le risque serait "une panique systémique dans la zone euro".