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Emploi et politique sociale - Transports
La CSL, qui s’en prend à la libéralisation du rail dans une note sur le 4e paquet ferroviaire, dénonce "la transgression flagrante et itérative par la Commission de ses compétences au regard du principe de subsidiarité"
29-03-2013


Fin janvier 2013, la Commission européenne mettait sur la table son projet de quatrième paquet ferroviaire, un ensemble de six propositions législatives visant à "achever l’espace ferroviaire européen" en procédant notamment à l’ouverture totale du marché du transport de voyageurs à l’horizon 2019. La Commission ambitionne aussi La Commission a mis sur la table le quatrième paquet ferroviaire le 30 janvier 2013d’améliorer l’interopérabilité au sein de l’espace ferroviaire européen et propose de séparer strictement les activités de gestionnaire d’infrastructure et de transporteur.

La Chambre des salariés a publié en mars 2013 une note sur ce paquet ferroviaire. La CSL y condamne "les pressions incessantes de l’Union européenne pour libéraliser les services publics qui relèvent de la responsabilité nationale et demande l’arrêt du démantèlement des sociétés ferroviaires intégrées afin de sauvegarder un système ferroviaire intégré capable de répondre aux attentes de la collectivité".

La CSL appelle aussi la Chambre des députés à analyser ce paquet législatif dans le cadre de la procédure de contrôle de subsidiarité introduite par le traité de Lisbonne. Les députés de la commission parlementaire du Chambre des Salariésdéveloppement durable avaient eux-mêmes demandé un tel examen en février dernier.

Dans sa note, la CSL annonce tout de suite la couleur en dénonçant "la transgression flagrante et itérative par la Commission européenne de ses compétences au regard du principe de subsidiarité". Aux yeux de la CSL, "la Commission s’arroge de nouveau le droit de s’ingérer de manière démesurée et injustifiée dans l’organisation et le fonctionnement du système ferroviaire des Etats membres".

Pour la CSL, la libéralisation a été synonyme de "morcellement flagrant et progressif du secteur ferroviaire"

La CSL déplore "les effets négatifs engendrés par la politique systématique de libéralisation défendue par la Commission". Si elle constate qu’aucune évaluation des effets de la libéralisation et plus particulièrement des effets sociaux n’a été effectuée, la CSL est d’avis que "la libéralisation engagée n’a pas atteint les objectifs escomptés", à savoir une amélioration de l’offre de service et de renaissance du rail. "La politique menée a conduit à une réduction des effectifs", constate la CSL qui estime que "la situation dans le secteur ferroviaire s’est davantage dégradée tant en termes de conditions de travail, de sécurité de l’emploi que de sécurité ferroviaire".

Pour la chambre salariale luxembourgeoise, la libéralisation a été synonyme de "morcellement flagrant et progressif du secteur ferroviaire", et elle met donc en garde, dans un petit pays comme le Luxembourg, contre "les effets potentiellement contreproductifs" qu’impliqueraient "une multiplication démesurée d’acteurs et d’institutions", mais aussi "une possible expansion incontrôlable des externalisations s’opérant au détriment de la main d’œuvre et notamment des conditions sociales, de la qualité des services, ce qui va en fin de compte aux dépens de la sécurité dans le secteur".

La CSL se prononce ainsi "contre l’affaiblissement conséquent des entreprises ferroviaires historiques par leur déstructuration et s’oppose plus particulièrement à l’ouverture du marché ferroviaire, accompagnée du risque d’outsourcing avec toutes sortes de conséquences sociales qui y sont attachées".

Pour la CSL, le transport ferroviaire devrait rester une politique à prédominance publique, basée sur des principes communs tels que : universalité et égalité d’accès, continuité, sécurité, adaptabilité, qualité, efficacité, accessibilité tarifaire, transparence, protection des groupes sociaux défavorisés, protection des usagers, des consommateurs et de l’environnement, participation des citoyens.

La CSL craint que la libéralisation du transport national de voyageurs n’ait pour effet de "remplacer des monopoles uniques et publics par un vaste groupe de quasi-monopoles privés". Les auteurs de cette note font d’ailleurs référence à l’avis motivé adopté par la Chambre des députés en 2010 dans le contexte de la refonte du premier paquet ferroviaire.

La CSL rappelle que la réglementation actuelle portant sur les contrats de service public, le règlement 2007/1370/CE, garantit la liberté de choix quant à la façon d’organiser les services publics au niveau national, régional et local. Les autorités compétentes sont ainsi libres de décider si elles accordent directement les contrats de service publics ou si elles préfèrent opter pour la procédure des appels d’offres. Or, du point de vue de la Chambre salariale luxembourgeoise, par sa nouvelle proposition, la Commission européenne s’immisce dans les compétences des Etats membres en matière d’organisation du transport ferroviaire et impose la libéralisation et la concurrence en éliminant cette liberté de choix, pourtant ancrée dans le Traité et notamment à l’article 14 et dans le protocole n°26.

La CSL rejette par conséquent la proposition de la Commission qui vise "à s’ingérer davantage dans les compétences des Etats membres par l’élimination du principe de la liberté de choix en matière d’organisation du transport ferroviaire de voyageurs".

La CSL s’inquiète de voir encouragé le dumping social

La CSL estime par ailleurs que le processus d’appel d’offres, "basés sur l’octroi des marchés au moins disant", risque d’encourager le dumping social, les soumissionnaires économisant aux dépens des coûts du personnel, des normes de qualité ou de la sécurité ferroviaire. La CSL s’inquiète de voir se développer "une politique de réduction des effectifs et de recrutement à court terme, ce qui risque d’augmenter l’insécurité et la précarité de l’emploi par le recours à des contrats atypiques (intérimaires, contrats à durée déterminée) à l’externalisation et à la sous-traitance". Elle met donc en garde contre "l’émergence d’une main d’œuvre à deux vitesses dans le secteur ferroviaire", qu’elle juge "inévitable" alors que les salariés des entreprises privées travaillent souvent à des conditions sociales moins favorables que les salariés engagés auprès des entreprises historiques nationales.

Autre inquiétude, une réduction des investissements dans la formation, la santé et la sécurité au travail, sans compter les risques d’augmentation du non respect des règles régissant le temps de travail/de conduite/de repos et des conséquences psychosociales y rattachées en raison de l’intensité de la charge et des pressions de travail. La CSL craint aussi "un phénomène de déqualification du personnel de bord qui emporte la suppression de responsabilités opérationnelles, y compris celles liées à la sécurité, ce qui se répercuterait sur la qualité des services".

La CSL s’oppose à l’idée d’une séparation complète entre gestionnaires des infrastructures et opérateurs ferroviaires

 La CSL s’oppose à l’idée d’une séparation complète entre gestionnaires des infrastructures et opérateurs ferroviaires, car cela impliquerait une fragmentation du secteur par la création de nouvelles structures, ainsi que de nouveaux risques. Aux yeux de la chambre salariale en effet, un système de chemin de fer intégré est une garantie de sécurité et de qualité avec une responsabilité globale du système réseau/matériel roulant.

S’appuyant à nouveau sur l’avis motivé adopté en novembre 2010 par la Chambre des députés, la CSL juge les exigences de la Commission "disproportionnées" et dangereuses pour les structures et activités actuelles qui répondent à un besoin et ont donné jusqu’ici satisfaction au Luxembourg. Ces exigences ne "sont pas compatibles avec le principe de subsidiarité", poursuit la CSL en faisant référence au règlement grand-ducal du 6 novembre 2009 qui stipule qu’en leur qualité de gestionnaire d’infrastructure ferroviaire, les CFL s’engagent à exercer ce rôle dans le respect de la réglementation européenne ainsi que des critères d’indépendance y prévalant, afin de garantir un accès équitable et non-discriminatoire à l’infrastructure ferroviaire et d’assurer l’utilisation optimale de celle-ci.

Pour la CSL, "nul besoin d’imposer cette indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle, exigence qui ne se retrouve même pas dans d’autres secteurs autrement plus libéralisés, à savoir celui de l’aviation, et qui mènerait d’ailleurs à une restriction de la liberté du commerce", laquelle est garantie par la Constitution.

En ce qui concerne l’élargissement des compétences attribuées à l’Agence ferroviaire européenne en matière d’autorisation de véhicules et de certification relatives à la sécurité des entreprises ferroviaires, la CSL critique enfin le renforcement de sa mission de supervision des règles nationales et de surveillance des autorités nationales de sécurité, alors que seules ces entités nationales sont concrètement en mesure d’apprécier et d’évaluer la sécurité ferroviaire sur leur territoire respectif. Pour la chambre salariale, l’Agence ferroviaire européenne ne devrait "pas être dénaturée en organisme de régulation du secteur ferroviaire", mais devrait garder sa fonction initiale liée à la sécurité ferroviaire.