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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – L’inscription de la branche militaire du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes et la reprise des pourparlers de paix entre Israël et la Palestine étaient les deux sujets principaux
22-07-2013


Jean Asselborn, Eamon Gilmore et Miguel Morais Leitao © Conseil de l'Union européenneLe 22 juillet 2013, le Conseil Affaires étrangères s’est réuni à Bruxelles. La décision la plus importante des ministres européens des Affaires étrangères, prise à l’unanimité, fut celle d'inscrire le mouvement libanais Shia, branche militaire du Hezbollah, sur la liste des organisations terroristes de l'UE. Cette décision se veut une réponse à un attentat, attribué au Hezbollah, commis en Bulgarie contre des Israéliens le 18 juillet 2012.

Cette décision, qui doit être publiée le 26 juillet 2013, mettra l’UE en mesure de geler tous les avoirs de cette organisation et des entreprises et particuliers en lien avec elle. Le Royaume-Uni, qui comme les USA et les Pays-Bas, l’avait déjà placée sur une liste nationale des organisations terroristes dès 2008, a été à l’initiative de cette démarche en  mai 2013.

Déjà demandée dans le passé par les USA et Israël, cette inscription éveillait parmi certains Etats membres une "certaine crainte" que le Liban pourrait être déstabilisé, alors que le Hezbollah, présent au Parlement depuis 1992 et comptant même deux ministres au sein du gouvernement, est une "composante politique importante" dans le pays, comme l’a expliqué le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, au Luxemburger Wort. La présence dans le Sud Liban d’une mission Unifil, à laquelle plusieurs Etats membres, dont le Luxembourg, participent, aurait été un autre motif de crainte. L’Espagne, la République tchèque, Malte et l’Irlande auraient été les plus sceptiques.

Le Conseil espère éviter toute déstabilisation en traçant une ligne nette entre branche politique et branche militaire. La version écrite de cette décision doit porter mention de la poursuite de la coopération avec tous les partis, dont le Hezbollah. Néanmoins, comme le rapporte l’Agence Europe, Jean Asselborn, à la différence de son homologue français, pense que cette séparation n’est pas évidente. Elle constitue "la grande question", dit-il. "Il n'y a pas de distinction en fait, je pense qu'on se concentrera sur ceux qui, au nom du Hezbollah, commettent des actes terroristes surtout sur le territoire européen", estime-t-il. "Si le bras militaire du Hezbollah commet un acte terroriste, il ne faut pas fermer les yeux".

De même l'assistance de l'UE au Liban, en particulier sur le plan humanitaire (soit 250 millions d'euros, entre 2011 et 2013) est réaffirmée.

La décision du CAE a été appréciée par Israël qui a réagi, par la voix de la ministre de la Justice, Tzipi Livni, en confiant toutefois qu’elle aurait préféré que l’ensemble du Hezbollah ait été mis sur la liste. Le Liban a pour sa part regretté cette décision et émis le souhait que l’UE adopte "une lecture plus avisée des faits". "La société libanaise, dans toutes ses composantes, continuera à entretenir les meilleurs relations" avec les pays de l'UE, a néanmoins affirmé le chef du gouvernement démissionnaire, Najib Mikati.

Reprise des négociations au Proche-Orient

Les ministres se sont par ailleurs entretenus avec le secrétaire d'État américain, John Kerry, en visioconférence, au sujet de la reprise des négociations de paix au Proche-Orient, reprise annoncée le 19 juillet dernier, après trois ans de sur-place. Selon le Luxemburger Wort, Jean Asselborn a demandé à John Kerry, "si, au vu de la politique de colonisation d‘Israël, il tient pour possible que la Palestine puisse disposer d’un territoire continu, qui ne ressemble pas à un gruyère. Kerry a répondu oui à condition que la politique de colonisation soit freinée maintenant". Les autres points abordés tournèrent autour de Jérusalem, des frontières, de la sécurité, de l'eau et des réfugiés.

Les conclusions provisoires du CAE saluent une "étape cruciale vers la réalisation d'une résolution durable du conflit" israélo-palestinien. "À la lumière des négociations ambitieuses à venir et des décisions difficiles qui doivent être prises, un leadership audacieux par le président Abbas et le Premier ministre Netanyahu et leur volonté soutenue de s'engager de bonne foi seront essentielles pour réussir". Le Conseil a également appelé toutes les parties à s'abstenir de toute action qui pourrait saper le processus de négociations et les perspectives de paix.

Pour sa part, Jean Asselborn a estimé qu’il s’agissait d'"un départ important, qui doit mener à des résultats". Pour ce faire, "Israël doit montrer clairement, qu’elle s’engage pour une solution à deux Etats souverains", option défendue par l’UE. Jean Asselborn a aussi souligné l’importance d’une "réconciliation" palestinienne, entre le Fatah et le Hamas. Il faut "partir du principe que la sécurité d’Israël ne soit pas mise au-dessus de la dignité des Palestiniens", a-t-il dit.

Egypte, Syrie, Somalie, Mali et Bosnie-Herzégovine

Les ministres des Affaires étrangères ont aussi évoqué la situation en Egypte, une semaine après le voyage sur place de la Haute représentante de l’UE Catherine Ashton, où elle a rencontré toutes les forces politiques du pays. "Dans toutes mes conversations, j’ai souligné l’importance de retourner à la transition démocratique aussi rapidement que possible, l’importance de la libération de prisonniers politiques et d’un processus inclusif", a-t-elle dit  dans une déclaration publiée à l’issue du Conseil.  "Nous avons travaillé dut comme nous l’avons fait ces derniers mois, en soutien à une Égypte qui appartienne aux Egyptiens, pleinement inclusive et démocratique à l’avenir, et le Conseil nous a pleinement soutenu dans notre travail", y lit-on encore.

Le Conseil Affaires étrangères a aussi adopté un règlement d'application concernant les mesures restrictives sur la Syrie. Il vise l’assouplissement de certaines sanctions liées au pétrole, à la suite d’une décision prise par le Conseil le 22 avril 2013. Ce règlement, visant à aider la population civile et à soutenir l'opposition, définit les conditions à respecter pour que les États membres autorisent les importations de pétrole et de produits pétroliers, et l'exportation vers la Syrie de technologies essentielles destinées aux secteurs du pétrole et du gaz.

En amont des élections qui se tiendront au Mali le 28 juillet 2013, dans lesquelles il voit une "une étape majeure vers le plein retour à l'ordre constitutionnel sur l'ensemble du territoire", le Conseil Affaires étrangères a adopté des conclusions appelant toutes les parties dans l'ensemble du pays à participer pacifiquement et de manière constructive à ce scrutin, et à assurer la participation la plus large des réfugiés, des personnes déplacées et des Maliens résidant à l'étranger.

Le CAE encourage par la même occasion tous les partis politiques à signer le Code de bonne conduite électorale et souligne que les observateurs de l'UE doivent pouvoir faire leur travail dans les régions du Nord du Mali et dans les camps de réfugiés. Il juge essentiel que l'accord préliminaire de paix signé à Ouagadougou le 18 juin 2013 soit intégralement appliqué par tous ses signataires. Il encourage la Commission et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) à continuer à soutenir le plein retour à la stabilité et la restauration des services de base sur l'ensemble du territoire malien. L'UE salue l'aboutissement du cycle de formation du premier bataillon malien par la mission militaire EUTM Mali, y compris dans les domaines des droits de l'Homme et du droit international humanitaire, et le lancement de la formation du deuxième bataillon.

Les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont aussi abordé les progrès accomplis par la Somalie pour établir les fondations d'un État et ils ont appelé le gouvernement fédéral à étendre ces fondations à toutes les régions du pays. Une conférence internationale, qui se tiendra le 16 septembre à Bruxelles, constitue "une plateforme pour la réconciliation somalienne et la reconstruction de la confiance".

Las du sur-place de la Bosnie-Herzégovine sur la route qui doit l’amener à l’adhésion à l'UE, le Conseil Affaires étrangères a invité les responsables politiques du pays à "trouver d'urgence un accord" sur la mise en œuvre de l'arrêt Sejdic/Finci de la Cour européenne des droits de l'homme. Cet arrêt oblige le pays à modifier sa Constitution de telle sorte que nul ne puisse se voir interdire de se porter candidat à une responsabilité politique au motif de son origine nationale ou ethnique. "La pleine mise en œuvre de l'arrêt est essentielle pour qu'une candidature crédible à l'adhésion puisse être examinée par l'UE", ont rappelé les ministres dans leurs conclusions adoptées lundi 22 juillet.

Diplomatie de l’eau et politique de développement

Le Conseil Affaires extérieures a également approuvé ses conclusions sur la diplomatie de l’eau. La définition de cette approche diplomatique est née du constat que, durant la prochaine décennie, les tensions et conflits sur l’accès à l’eau deviendront plus fréquents et peuvent mettre en danger la stabilité et la sécurité de nombreuses parties du monde. "Cela pourrait avoir une incidence directe sur les intérêts européens, comme sur la sécurité et la paix internationales", lit-on dans les conclusions.

L’enjeu est notamment de contrôler les effets du changement climatique et du développement économique et démographique, comme de concilier les différents usages de l’eau (eau potable et hygiène, agriculture, production alimentaire, industrie et énergie). Le Conseil souligne ainsi "que les pays, organisations internationales, entités régionales et subrégionales devraient affronter ces défis à l’aide de réponses globales en prenant en compte les liens étroits entre le changement climatique, la sécurité alimentaire et énergétique, et mener une série d’actions, notamment à travers des gestions intégrées des ressources en eau à un niveau transfrontalier". Selon le Conseil, la diplomatie de l’eau est en mesure d’aider à "sauvegarder, la sécurité, le développement, la prospérité et les droits humains à l’eau et à l’hygiène".

Les conclusions du Conseil Affaires étrangères saluent également la communication de la Commission européenne de mai 2013 intitulée "Accorder une autonomie accrue aux autorités locales dans les pays partenaires pour une meilleure gouvernance et des résultats plus concrets en matière de développement".

Selon ces conclusions, l'UE devrait investir dans le renforcement des capacités des autorités locales pour qu’elles puissent assumer leurs responsabilités institutionnelles et opérationnelles, en mettant l'accent sur la transparence et la responsabilité au niveau local, et en recourant à de nouvelles modalités de financement innovantes.