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Justice, liberté, sécurité et immigration
L’avenir de la justice dans l’UE et un accord en perspective sur la réforme de la protection des données personnelles ont été les grands dossiers de la réunion informelle des ministres européens de la Justice à Vilnius
19-07-2013


la ministre de la Justice Octavie Modert et son homologue lituanien,  Juozas Bernatonis, lors de la réunion informelle des ministres de la Justice de l'UE, à Vilnius, le 19 juillet 2013L’organisation de la justice dans les Etats membres et la protection des données personnelles ont été les grands points discutés le 19 juillet 2013 par les ministres de la Justice de l’UE lors d’une réunion informelle à Vilnius, la capitale de la Lituanie qui exerce pour la première fois la présidence du Conseil de l’UE. Avec l’affaire Prism qui émeut le continent européen, la question de la protection des données personnelles n’a pas seulement été le dossier-clé de la rencontre, mais le dossier a même fortement évolué suite à une déclaration commune des ministres française et allemande. Christiane Taubira et Sabine Leutheusser-Schnarrenberger ont en effet apporté leur soutien à la Commission et à sa proposition de réforme de la législation européenne de protection des données, ce qui constitue surtout pour l’Allemagne, jusque-là très réticente, un revirement qui débloque les choses. 

L’avenir de la justice dans l’UE

Le premier grand sujet de la réunion a été la suite à donner au "programme de Stockholm" adopté en décembre 2009 par le Conseil européen. Il s’agit d’un instrument pluriannuel axé sur les années 2010-2014 pour le développement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne.$

La ministre luxembourgeoise de la Justice, Octavie Modert, a plaidé dans ce contexte pour une poursuite résolue des efforts de l’UE permettant de garantir un meilleur accès à la justice pour les particuliers et les entreprises. Elle a rappelé les réalisations des dernières années, tel le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale tout comme, en matière pénale, l'harmonisation des garanties procédurales dont disposent les personnes soupçonnées ou accusées.

Comme la plupart de ses collègues, Octavie Modert a déclaré que la dimension de la protection des droits fondamentaux dans la mise en œuvre des politiques européennes demeure essentielle et qu’il faudra poursuivre le processus d’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette dimension "droits fondamentaux" devrait aussi jouer un rôle de premier plan dans le cadre de la coopération judiciaire civile où il sera nécessaire de renforcer les droits de la défense dans les procédures civiles transfrontalières.

La ministre de la Justice a aussi souhaité que l’UE promeuve la libre circulation des actes de l’état civil et la reconnaissance de leurs effets surtout en relation avec les droits de libre circulation et de séjour des citoyens européens. En matière de coopération judiciaire pénale, elle a pointé des lacunes à combler. Ses collègues ont eux aussi évoqué la nécessité d’une étroite collaboration entre les institutions européennes concernées et insisté sur un financement approprié des outils prévus. La présidence lituanienne a résumé les priorités principales dans le secteur de la justice à partir de 2014 de la manière suivante : une mise en œuvre dans les Etats membres des actes législatifs déjà adoptés par l'UE, la protection des droits fondamentaux, y compris la protection des données, une coopération judiciaire plus efficace entre les pays membres, ainsi qu'une utilisation plus large des technologies de l'information dans le domaine de la justice.

La protection des données personnelles dans l’UE sous la pression de l’affaire Prism

Le deuxième point à l’ordre du jour du Conseil informel Justice était le règlement général sur la protection des données personnelles. Les ministres ont été appelés à se prononcer sur le mécanisme de cohérence qui vise à assurer une application cohérente des règles par les autorités de contrôle nationales. La réforme proposée par la Commission prévoit en effet que les organisations n’auront plus comme interlocuteur qu’une seule autorité nationale chargée de la protection des données dans le pays de l’Union où elles ont leur établissement principal. De même, les citoyens pourront s’adresser à l’autorité chargée de la protection des données dans leur pays, même lorsque leurs données sont traitées par une entreprise établie en dehors du territoire de l’UE.

Pour Octavie Modert, "ce mécanisme fait partie de la logique plus large du guichet unique auquel tant les citoyens que les entreprises peuvent s’adresser; et qui est une condition préalable pour pallier à la fragmentation actuelle." L’objectif affiché de la Commission, auquel la ministre adhère, est d’avoir un même niveau de protection élevé sur tout le territoire de l’Union européenne pour les citoyens grâce à l’harmonisation des règles applicables à la protection des données. La présidence lituanienne quant à elle a mis en évidence que  "les ministres ont prêté une attention toute particulière au rôle que le Comité Européen de Protection des Données (CEPD) sera appelé à jouer dans l'application de ce règlement dans tous les pays membres."

Le ministre lituanien de la Justice Juozas Bernatonis a, sans citer l’affaire Prism, déclaré : "L'Union européenne doit réagir avec détermination aux défis de la mondialisation et au développement des technologies de l'information. La défense des droits de l'Homme doit être notre priorité. Tous sont d'accord sur le fait que des mécanismes fiables de protection des données personnelles sont d'une importance vitale", a-t-il affirmé.

Mais l’élément déterminant sur ce dossier a été la déclaration commune des ministres de la Justice française, Christiane Taubira et allemande, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger. Elles ont énoncé une série de principes à suivre pour protéger les données des citoyens européens vis-à-vis des autorités des pays tiers et notamment des programmes de surveillance étrangers. Se disant "très préoccupées par les révélations récentes relatives au programme américain de surveillance PRISM", elles ont mis en avant que "l'accès à des données personnelles par des autorités étrangères a un impact significatif sur la vie privée qui doit être strictement encadré et étroitement contrôlé". Leur conclusion : "À cet égard, chacun doit savoir quelles données personnelles sont collectées par les opérateurs de télécommunications, dans quelle mesure ces données sont transférées à des autorités étrangères et dans quels buts."

La commissaire en charge du dossier, Viviane Reding, s’est réjouie qu'avec Berlin et Paris à bord, une majorité en faveur de son texte était d’ores et déjà atteinte. Et qu'il soit d'accord ou pas, le soutien du Royaume-Uni ne sera pas nécessaire, a encore laissé entendre Viviane Reding.

Pour Viviane Reding, "il n'y aura pas de libre-échange des données personnelles", une allusion aux négociations avec les USA. Elle s’est dite prête à analyser l'accord actuel dit 'Safe Harbour', en vertu duquel les compagnies américaines s'engagent à traiter les données personnelles des Européens selon les dispositions de protection européennes. Elle a jugé cet accord "finalement pas très safe" et mis en doute la sincérité des grandes compagnies américaines quant à leurs engagements vis-à-vis des règles européennes. Celles-ci ont accepté l’application du programme Prism sur leurs banques de données, Prism étant un programme informatique mis en place par la NSA, l'agence nationale de sécurité américaine, pour scanner les communications numériques échangées sur les services en ligne comme Facebook, Google, Skype. Les données personnelles des citoyens européens sont ainsi transférées et utilisées aux Etats-Unis sans qu'ils le sachent, et sans qu'ils aient de moyens pour se défendre devant des tribunaux américains à cause du Patriot Act, adopté après les attentats du 11 septembre.

Viviane Reding voudrait que dès le prochain Conseil JAI en octobre à Luxembourg, des propositions qui se veulent dissuasives pour les entreprises américaines actives sur le territoire de l'UE qui transfèrent des données européennes aux Etats-Unis soient discutées. Elle pense à des sanctions européennes qui pourraient aller jusqu'à 2 % du chiffre d'affaire mondial d'une entreprise comme Google ou Facebook en cas de violation des règles européennes, alors que selon les règles de "Safe Harbour", ces entreprises risquent des sanctions américaines de l'ordre de 100 000 à 200 000 dollars seulement.