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Marché intérieur - Transports
4e paquet ferroviaire - Les députés européens de la commission Transports ont délibéré sur l’ensemble de leurs projets de rapport sur les six volets législatifs du paquet
08-07-2013 / 09-07-2013


La Commission a mis sur la table le quatrième paquet ferroviaire le 30 janvier 2013Les 8 et 9 juillet 2013, la commission Transports (TRAN) du Parlement européen s’est réunie pour délibérer sur le 4e paquet ferroviaire, un ensemble de six propositions législatives qui visent à "achever l’espace ferroviaire européen" en procédant notamment à l’ouverture totale du marché du transport de voyageurs à l’horizon 2019 et à améliorer l’interopérabilité au sein de l’espace ferroviaire européen. La Commission voudrait également séparer strictement les activités de gestionnaire d’infrastructure et de transporteur, un volet qui pose des problèmes majeurs au petit réseau luxembourgeois et à la CFL.  Le 4e paquet ferroviaire relève ainsi du marché intérieur, des infrastructures, de la technique, de la sécurité, mais aussi de questions d’ordre plus social.

La réunion de la commission TRAN a vu les rapporteurs présenter chacun son  projet de rapport, de sorte de sorte que les eurodéputés ont pu prendre connaissance de l'ensemble des projets de rapports consacrés au paquet ferroviaire. Ces rapports seront discutés en commission et le vote sur les amendements devrait avoir lieu le 26 novembre 2013. Les projets de rapports seront ensuite soumis au vote de la plénière fin février 2014.

L'attribution des contrats de services publics dans le cadre de l'ouverture du marché des services ferroviaires nationaux de transport de voyageurs

Le projet de rapport de Mathieu Grosch (PPE) traite de l'attribution des contrats de services publics dans le cadre de l'ouverture du marché des services ferroviaires nationaux de transport de voyageurs qui représente, en passagers-kilomètres, 7 % environ du volume du transport de personnes dans l'Union européenne, un volume dont il est d’avis qu’il faut le faire progresser, ce qui ne pourra se faire qu’à condition que ce type de transport devienne "plus performant à l'échelle de l'Europe".

Mathieu Grosch constate que si l’'ouverture du marché aux services internationaux de transport de personnes par chemin de fer remonte au 1er janvier 2010, "le marché des services nationaux de transport de voyageurs demeure très fermé dans la plupart des États membres". Cela a ses raisons : "Comme les autres services de transport de personnes que sont l'autobus, le tramway et le métro, les services publics de transport de personnes par chemin de fer ne peuvent pas, le plus souvent, être fournis selon la logique marchande. Aussi sont-ils exploités dans le cadre de contrats de service public. Ces contrats comportent le versement de compensations au titre des obligations de service public."

Le cadre juridique européen actuel est le règlement n° 1370/2007. Le rapport Grosch explique : "L'élément central de ce règlement est l'attribution de contrats de service public selon une procédure de mise en concurrence, la possibilité étant toutefois offerte de pratiquer diverses formes d'attribution directe des contrats." Ainsi, les autorités compétentes sont libres de décider d'offrir des services de transport par leurs propres entreprises (les "opérateurs internes") ou de concéder ces prestations. Cette possibilité de concession directe est soumise à une clause de réciprocité selon laquelle les opérateurs internes n'ont pas le droit de prendre part aux procédures de mise en concurrence organisées hors du territoire de compétence de l'autorité locale en question. La possibilité générale de l'attribution directe de contrats de service de transport de personnes par chemin de fer existe donc. Ce sont même près de 90 % des trajets en train effectués dans l'ensemble de l'Union européenne qui relèvent de contrats de service public, principalement au moyen de trains urbains et de trains régionaux. Une large part des contrats en question continuent d'être attribués directement aux exploitants en place.

Ceci dit, Mathieu Grosch rappelle que "ces dix dernières années, trois dispositifs de mesures relatives au chemin de fer qui tendent à l'ouverture des marchés et à l'accroissement de la compétitivité du rail" ont été adoptés. Dans ce contexte, le Parlement européen a récemment demandé à la Commission de livrer une analyse de la situation dans les transports nationaux de passagers par chemin de fer, une analyse que celle-ci n’a pas livrée dans le délai exigé, c’est-à-dire le 31 décembre 2012. Or, ce rapport aurait dû constituer le socle de nouvelles dispositions législatives relatives à l'ouverture du marché intérieur du transport de personnes par chemin de fer.

Mathieu Grosch voit dans la proposition de la Commission une démarche qui part du constat  que les transports de personnes par chemin de fer ne sont pas assez performants du point de vue nombre de passagers, qualité des services, des infrastructures et des billets et que "dans maints États membres, la charge financière supportée par la puissance publique est encore trop élevée au regard de la qualité des prestations, tandis que les barrières à l'entrée sur le marché sont encore, bien souvent, insurmontables pour les nouveaux entrants". Pour la Commission, ces problèmes peuvent être surmontés au moyen d'une intensification de la mise en concurrence, dont le principe est inscrit dans le cadre général du quatrième paquet ferroviaire." Conséquence : la Commission suggère avant tout la suppression de la possibilité générale de l'attribution directe de contrats de service public dans le transport des personnes par chemin de fer, encore possible avec l'article 5, paragraphe 6, du règlement n° 1370/2007/UE en vigueur.

Néanmoins, les autorités compétentes resteraient compétentes pour édicter des prescriptions précises pour les transports publics dans le cadre de procédures d'attribution des marchés de services de transport par train, autobus, tramway et métro.

Mathieu Grosch "approuve, dans son principe, la proposition de la Commission en faveur d'une concurrence accrue dans les transports ferroviaires" et "la suppression de la possibilité d'attribuer directement, en toutes circonstances, les contrats de service de transport de personnes par chemin de fer". Pour autant, cette concurrence "ne doit pas être un but en soi, mais un moyen d'améliorer progressivement la qualité, la quantité et l'efficience des services de transport de personnes." Bref : "Les structures performantes dont on dispose aujourd'hui doivent être conservées et leur efficacité ne doit pas être compromise par le nouveau règlement." Par ailleurs, et dans la mesure où "la conversion de systèmes aussi complexes que les services de transport de personnes par chemin de fer demande du temps pour porter ses fruits", Mathieu Grosch est d’avis que les délais pour l’ouverture prônée par la Commission, 2019, sont trop courts, ne serait-ce qu’à cause du temps qu’il faudra aux autorités compétentes "pour se préparer à l'organisation d'appels d'offres". Il préconise donc plutôt 2029.

Même si Mathieu Grosch penche en faveur de la suppression de l’attribution directe, celle-ci devrait, pour des raisons de réalisme, être encore possible pour de "très petits contrats de service de transport de personnes par chemin de fer", et pour des "contrats de service de transport de personnes par rail dans le cas de spécifications techniques qui diffèrent sensiblement des normes traditionnelles, par exemple pour les trains à crémaillère, les systèmes mixtes train/tramway ou les trains à voie étroite." Mais "les autorités compétentes devraient avoir l'obligation, lorsqu'elles attribuent directement le marché, de présenter une justification, de manière à ce que les autres opérateurs intéressés puissent effectuer précocement une vérification et, éventuellement, émettre des objections."

Pour Mathieu Grosch, l'autorité compétente continuera, au nom du principe de subsidiarité, de garder "la responsabilité de définir un plan de transports urbains et d'apprécier les services de transport public de personnes qui sont nécessaires" et de définir les obligations de service public. Elle devra aussi trancher "quel itinéraire doit faire l'objet d'un libre accès et sur quels trajets la liberté d'accès doit être limitée au moyen de la passation d'un contrat de service public". Et il ajoute : "La dialectique entre le libre accès et le contrat de service public est une question très sensible", car "une interprétation trop large du principe du libre accès recèle toujours le risque de voir des exploitants privés 'écrémer' les lignes les plus intéressantes au détriment des finances publiques." Et d’y ajouter une remarque d’ordre général : "Une réponse cohérente doit être apportée à cette question, qui est fondamentalement celle de l'équilibre économique d'un contrat de service, non seulement dans le présent rapport, mais aussi dans le rapport relatif à la création d'un espace ferroviaire unique européen." Liberté doit aussi être donnée aux autorités compétentes de formuler certaines exigences à respecter dans les documents de passation des marchés, des normes qualitatives et sociales comme des éléments liés à la notion de durabilité.

Mathieu Grosch se démarque aussi de la Commission qui propose que le volume des contrats de service public ne doit pas dépasser les 10 millions de trains-kilomètres ou un tiers du volume total du transport. Il estime "que cette disposition entraînerait immanquablement, surtout dans les petits États membres de l'Union européenne, un partage en trois sans que l'efficience y gagne".  Aussi préconise-t-il de porter le seuil à 35 millions de trains-kilomètres et de renoncer à l'idée d'une répartition par tiers. Dans une remarque pratique, il explique que "les petits États membres disposeraient, en application du règlement, d'une marge d'appréciation un peu accrue, les marchés ferroviaires de taille moyenne, comme ceux de la Belgique ou des Pays-Bas, devraient procéder à des partages réalistes, tandis que les grands États membres, comme l'Allemagne, connaîtraient une situation inchangée au regard de la proposition de la Commission."

Pour l’eurodéputé luxembourgeois PPE Georges Bach, une telle approche va dans la bonne direction. Il salue l’idée de "clauses spécifiques pour des réseaux de petite taille", comme celui du Luxembourg, et il se félicite aussi du fait que "l’option de maintenir l’attribution directe d’un service public sans appel d’offre obligatoire sera maintenue".

L'ouverture des marchés domestiques passagers et de la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire

L’eurodéputé Saïd El Khadraoui (S&D) a traité la question de l'ouverture des marchés domestiques passagers et de la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire.

Pour lui, la proposition de la Commission vise avant tout les obstacles qui se rapportent à l'accès au marché pour les services de voyageurs intérieurs, des obstacles qui, selon elle, limitent le développement du secteur et créent de surcroît des disparités entre les États membres qui ont ouvert leurs marchés et ceux qui ne l'ont pas fait. Par ailleurs, elle considère les gestionnaires de l'infrastructure comme des monopoles naturels qui ne réagissent pas toujours aux besoins du marché et de ses utilisateurs, de sorte qu’ils nuisent aux performances du secteur dans son ensemble. Elle veut aussi que la coopération transfrontière entre les gestionnaires de l'infrastructure soit être améliorée.

L'entrée sur le marché souffre ensuite selon la Commission de certaines entraves lorsque la gestion de l'infrastructure et les activités de transport font partie de la même structure intégrée. Finalement, les structures intégrées font qu'il est beaucoup plus difficile de mettre en œuvre la séparation comptable entre la gestion de l'infrastructure et les activités des services de transport. Dans ce contexte, "les subventions croisées et les transferts de fonds publics au gestionnaire d'infrastructure en faveur d'activités concurrentielles constituent non seulement une sérieuse entrave à l’entrée sur le marché pour les nouveaux opérateurs, mais aussi une utilisation illégale des aides d'État."

Par rapport à cette vue des choses, Saïd El Khadraoui, qui "souscrit à l'objectif global de la Commission en ce qui concerne la création d'un espace ferroviaire unique européen" pense que "la libéralisation ne devrait pas être un objectif en soi, mais devrait être considérée comme un instrument utile pour créer un secteur plus compétitif avec des services de qualité". L'ouverture des marchés doit donc être accompagnée de règles strictes sur les droits des passagers (informations sur les voyages et billetterie), mais doit aussi aller de pair avec un renforcement des règles sociales pour les travailleurs des chemins de fer. Comme son collègue Grosch, il est d’avis qu’il faut « trouver un juste équilibre entre l'ouverture des marchés et la protection des obligations de service public (OSP) pour chaque État membre ». Et il ajoute dans le même esprit : "Le 'picorage' de lignes commercialement attractives devrait être évité tout comme la fermeture systématique de lignes moins rentables."

Saïd El Khadraoui prône une approche basée sur 5 axes :

  1. une approche plus équilibrée de l’ouverture des marchés et contrats de service public
  2. une meilleure gouvernance du secteur ferroviaire
  3. renforcer les droits des passagers en établissant un système de billetterie directe
  4. renforcer les dispositions sociales
  5. clarifier le rôle du réseau européen des gestionnaires de l'infrastructure

L’eurodéputé demande ainsi que l'ouverture du marché devrait être plus progressive que prévu par la Commission. Il est important pour lui de tenir compte de l'hétérogénéité des réseaux en termes de taille, de densité et de variété des structures organisationnelles des États membres, de sorte qu’il demande que les États membres puissent  bénéficier d'une plus grande flexibilité pour organiser leur réseau en se basant sur "une combinaison optimale des services à accès ouvert et des services réalisés au titre de contrats de service publics" pour assurer une haute qualité de services pour tous les passagers.

Il explique ainsi que la Commission voudrait que les entreprises ferroviaires puissent accéder au réseau ferroviaire dans toute l'UE pour la fourniture de toutes sortes de services de transport, qu'il s'agisse de services de transport de marchandises ou de passagers, au niveau national ou international. Cet accès ouvert peut néanmoins être limité par les Etats membres "pour protéger les services prestés au titre d'un contrat de service public lorsque l'équilibre économique de ce CSP pourrait être affecté par le service à accès ouvert". Saïd El Khadraoui propose en outre que l'accès ouvert puisse être limité "dans les cas où un CSP est attribué par voie de procédure d'appel à la concurrence et donc donner le droit exclusif de prester des services ferroviaires à l'opérateur qui a obtenu le contrat sans avoir à réaliser le test d'équilibre économique." Cette manière de faire pourrait donner "plus de certitude pour la planification aux autorités compétentes et au prestataire du CSP une fois que le service est en cours". Quant au test d’équilibre économique, l’eurodéputé est d’avis qu’il "faut définir les critères du test de l'équilibre économique de manière plus précise et prévoir de meilleurs principes d'orientation pour assurer une application uniforme de ce test dans les États membres."

Au chapitre d’une meilleure gouvernance du secteur ferroviaire, Saïd El Khadraoui "ne propose pas de changement majeur en ce qui concerne les dispositions sur l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure". Il veut des autorités de réglementation fortes qui puissent pré-approuver les droits fixés par le gestionnaire de l'infrastructure lorsque celui-ci appartient à une entreprise intégrée, fortes dans le sens qu’elles disposent de la capacité organisationnelle nécessaire en termes de ressources humaines et matérielles pour remplir leurs fonctions.

Ensuite, s’il y a séparation complète entre le gestionnaire de l'infrastructure et les entreprises ferroviaires, "il peut être utile de leur permettre de coopérer sur des projets concrets qui aboutiraient à une meilleure gestion de l'infrastructure et à un meilleur service de transport de marchandises et de passagers." Mais une telle coopération ou alliance "devrait être limitée dans le temps, être supervisée par l'autorité de réglementation et ne devrait pas menacer l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure." Son objectif serait avant tout d’aider à trouver des modalités pratiques pour résoudre des problèmes spécifiques tels que l'organisation améliorée du trafic sur une partie de l'infrastructure en cas de retards fréquents.

Les dispositions sur les droits des passagers en vigueur actuellement sont pour Saïd El Khadraoui un pas dans la bonne direction. Mais il les juge "trop faibles pour avoir eu une quelconque incidence visible sur le développement d'un système de billetterie directe dans toute l'Union", de sorte qu’il propose de rendre le développement de tels services dans chaque État membre obligatoire d'ici 2020. Quant à la billetterie intégrée, des solutions devraient élaborées en parallèle, en tenant compte de l'utilité de tels systèmes en particulier pour le transport local et régional.

Pour l’eurodéputé social-démocrate, "une ouverture accrue du marché et une plus grande concurrence doivent aller de pair avec le renforcement des règles sociales pour limiter les effets négatifs sur le personnel des chemins de fer". Pour éviter le dumping social, il propose "d'ajouter aux exigences pour l'obtention d'une licence l'engagement des entreprises de respecter les conventions collectives représentatives en vigueur dans les États membres où l'entreprise ferroviaire souhaite opérer." Un système de certification pour le personnel navigant basé sur des exigences minimales au niveau de l'UE devrait être établi à l'image de ce qui a été convenu pour les conducteurs de train.

Quant au  réseau des gestionnaires européens de l'infrastructure proposé par le 4e paquet ferroviaire, le rapporteur le juge utile pour augmenter la coopération transfrontière entre les gestionnaires de l'infrastructure. Il voudrait que certains volets soient clarifiés concernant la coopération entre les corridors du réseau RTE-T et les corridors de fret ferroviaire, la participation des autorités nationales de sécurité et l'AFE, le cas échéant, et le rôle de la Commission dans le réseau.

L'abrogation du règlement sur la normalisation des comptes des opérateurs ferroviaires

Le troisième rapporteur lié à la gouvernance ferroviaire, Jaromir Kohlicek (GUE/NGL), a présenté son projet de rapport sur l'abrogation proposée par la Commission du règlement sur la normalisation des comptes des opérateurs ferroviaires. Le rapporteur est d'avis qu'il vaudrait mieux repousser la date de cette abrogation, voire d'introduire une période transitoire avant d'adapter les législations nationales.

Dans le cadre du 4e paquet ferroviaire, la Commission propose en effet d'abroger le règlement (CEE) n° 1192/69 du Conseil relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer. Ce règlement autorise les États membres à verser, pour des raisons diverses, une compensation à des entreprises ferroviaires pour les dépenses liées à des obligations que les entreprises des autres modes de transport ne sont pas tenues de prendre en charge. Ces obligations peuvent porter sur des indemnités spéciales en cas d'accidents du travail, sur des pensions de retraite pour les cheminots qui prennent habituellement leur retraite plus tôt dans le cadre de certains emplois pénibles, ou encore sur des dépenses relatives aux installations de croisement.

Ce règlement a été adopté avant la libéralisation du marché ferroviaire, à une époque où le transport ferroviaire en Europe se développait principalement à l'intérieur des frontières nationales et où des entreprises intégrées assuraient à la fois l'exploitation des services ferroviaires et la gestion de l'infrastructure ferroviaire. En outre, la relation entre les gouvernements et des entreprises de chemin de fer presque entièrement détenues par l'État n'était encore régie par aucun accord contractuel alors qu'un lien beaucoup plus direct d'appartenance existait entre les deux parties.

Du fait de son intention initiale, le règlement contient une liste des entreprises de chemin de fer anciennement détenues par l'État. Cette liste a été mise à jour à chaque nouvelle adhésion à l'Union européenne, pour la dernière fois en 2007, et compte actuellement trente-six entreprises. La Commission indique que, depuis 2007, quatre États membres ont recouru à ce règlement, à savoir la Belgique, l'Allemagne, l'Italie et la Pologne. Les paiements n'ont concerné que trois catégories sur les quinze. La Commission estime qu'après plusieurs paquets ferroviaires ayant transformé ce secteur, le règlement ne respecte plus l'environnement juridique actuel et opère une discrimination entre les entreprises des chemins de fer incluses dans la liste (et donc éligibles au paiement de compensations) et celles qui n'y figurent pas. La Commission propose de remédier aux éventuelles discriminations entre les entreprises du secteur non pas en procédant à une refonte appropriée, comme dans le cas d'autres textes législatifs, mais en supprimant tout bonnement le texte.

Pour le rapporteur Jaromir Kohlicek , trois options s'offrent donc principalement au législateur:

  1. souscrire à l'intention de la Commission et approuver l'abrogation;
  2. reporter la décision d'abroger le texte et demander à la Commission, à l'issue d'une analyse plus approfondie, de modifier le règlement existant et de l'adapter au cadre juridique actuel;
  3. rejeter l'abrogation et maintenir le règlement en vigueur.

Le rapporteur est favorable à la deuxième solution. Il voudrait que l'impact des dispositions de la nouvelle directive 2012/34/UE sur le secteur ferroviaire, qui est entrée en vigueur au mois de novembre 2012, soit d’abord évalué. Or, cela ne peut se faire qu’après 2015, quand tous les règlements auront été transposés en droit national. Pour lui, il ne fait cependant aucun doute que le contenu actuel du règlement est discriminatoire, car il offre la possibilité de verser des compensations à seulement 36 entreprises bien précises, alors que plus de 1000 entreprises disposent de licences ferroviaires dans l’UE. Mais toute abrogation pure et simple du règlement (CEE) n° 1192/69 serait prématurée.

Par ailleurs, il met l’accent sur "le climat économique actuel" et sur le fait les systèmes ferroviaires à être sous-financés sont nombreux dans les États membres, de sorte qu’il « pourrait s'avérer nécessaire de maintenir la possibilité de verser une compensation à certaines entreprises ferroviaires pour certains paiements auxquels elles sont tenues en vertu de leur droit national, contrairement à d'autres modes de transports ». 

Finalement, Jaromir Kohlicek pointe le fait qu’il y a encore des États membres dans lesquels les régimes de sécurité sociale et les droits acquis à la retraite anticipée des cheminots sont toujours à la charge du budget de l'État en vertu de leur droit national. D’où sa proposition "de reporter la décision finale concernant l'abrogation du règlement (CEE) n° 1192/69 au 31 décembre 2019" et "de demander à la Commission qu'elle évalue, en établissant un rapport qu'elle présentera au plus tard le 31 décembre 2017, les effets de la transposition de la directive 2012/34/UE dans le droit national à l'expiration de l'échéance du 16 juin 2015".

Le commentaire de Georges Bach sur le volet "politique" du 4e paquet ferroviaire

Ces deux premiers rapports, les rapports Grosch et El Khadraoui, constituent le volet "politique" du 4e paquet ferroviaire. L’eurodéputé Georges Bach "reste encore sceptique" vis-à-vis de ce volet qui mène à  "l’ouverture du transport national des passagers à la concurrence et la définition des structures des entreprises, c’est-à-dire la séparation de l’infrastructure et des opérations de transport". Pour lui, "si on fait le bilan des expériences de l’ouverture du trafic de fret et international de passagers, nous voyons que la libéralisation n’a pas abouti à une croissance du secteur. Une libéralisation supplémentaire dans les conditions actuelles ne sera donc probablement pas non plus un succès."

Par ailleurs, Georges Bach est d’avis que la sécurité et les conditions de travail sont liées. D’un côté, "en ce qui concerne l’aspect de sécurité, nous ne pouvons pas prendre de risques et nous devons maintenir le bon niveau de sécurité que nous avons actuellement". Et il ajoute : "C’est pourquoi je plaide également dans ce dossier à inclure les aspects sociaux, les conditions de travail des employés et des conducteurs et les temps de conduite et de repos. Ces aspects devront également faire partie des appels d’offres."

L'interopérabilité

Le volet technique du quatrième paquet ferroviaire comporte le projet de rapport d'Izaskun Bilbao Barandica (ADLE) sur l'interopérabilité.

La Commission a pour objectif de faire passer la part du transport ferroviaire dans le fret au sein de  l’UE de 10 % du fret et de 7 % des passagers à plus de la moitié en 2050. Mais "ces perspectives de développement courent le risque de se retrouver frustrées si les opérateurs existants et les États membres, obnubilés par le maintien du modèle d'activité actuel, s'entêtent à bloquer l'ouverture du secteur et persistent à s'orienter vers une fragmentation de l'espace ferroviaire européen", explique Izaskun Bilbao Barandica. Le progrès par contre passe pour elle par l'intégration du secteur et une offre multimodale sur un réseau européen de transport.

Mais il existe à l'heure actuelle dans l'UE quelque 11 000 règles techniques nationales qui régissent les procédures d'exploitation qui sont fixées par 27 autorités nationales très différentes en termes d'organisation, de moyens et de formation du personnel.

La réception par type du matériel roulant connaît donc aussi, d'un pays à l'autre, de fortes variations. "Cette dispersion implique, pour un fabricant qui souhaite faire réceptionner son matériel roulant, de faire face à des coûts qui se montent à près de six millions d'euros et d'affronter jusqu'à deux ans de procédures administratives", écrit la rapporteure. Ces charges administratives se situent entre 10 et 23 % des coûts de conception et de fabrication d'une locomotive, selon que ce véhicule veut traverser un ou trois des 27 États membres. Cet état des choses empêche par ricochet l'émergence de tout nouvel opérateur. Autant de ressources gaspillées "qui auraient pu être consacrées à l'innovation, dans un secteur dont la viabilité tant intérieure qu'extérieure est intimement liée à la qualité et à l'avance technologique".

Le 4e paquet ferroviaire veut donc améliorer l'efficacité de la législation européenne en vigueur en matière d'interopérabilité, de tracé des réseaux transeuropéens, de mécanismes de financement et de normes de sécurité. La dernière refonte de directives dans ce domaine a eu lieu en 2008, avec la directive 2008/57/CE relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l'Union et modifiée par les directives 2009/131/CE et 2011/18/UE. Mais aucune de ces directives n'a permis le changement d'aiguillage dont le secteur a tant besoin, pense Izaskun Bilbao Barandica.

La Commission souhaite pour cela transformer l'Agence ferroviaire européenne (AFE) en guichet unique qui délivre une autorisation de mise sur le marché d'un véhicule, la mise en service relevant, quant à elle, de la responsabilité de l'opérateur. La proposition confère davantage de transparence et de simplicité à la gouvernance interne de l'agence, qui voit son rôle en matière de surveillance et de révision des normes nationales renforcé, pour permettre d'éviter toute redondance ou contradiction avec la norme européenne.

La rapporteure soutient cette approche et ses amendements visent uniquement à renforcer, en toute transparence, la sécurité juridique et réglementaire du secteur, ainsi qu'à favoriser l'investissement et l'entrepreneuriat, et ce après avoir entendu des dizaines d’organisations compétentes. Elle estime par ailleurs essentiel que l'AFE appuie le développement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) et bénéficie des connaissances accumulées par les agences nationales, avec lesquelles elle devra définir un cadre de relations.

La sécurité ferroviaire

Le rapporteur sur la sécurité ferroviaire, Michael Cramer (Verts/ALE), demande l'instauration d'une "culture de la sécurité" et une bonne coopération entre tous les opérateurs intéressés tant au niveau communautaire que national. "Il faut un certificat unique mais les autorités nationales devront continuer de remplir leur rôle", a-t-il expliqué.

Pour l’eurodéputé vert, "le rail constitue déjà le moyen de transport le plus sûr dans l'Union européenne et a encore amélioré ses performances en matière de sécurité au cours des décennies passées". Mais cela n’exclut pas la possibilité d’accidents ferroviaires graves dans un environnement ferroviaire qui a subi de profonds changements. "La création progressive de l'espace ferroviaire unique européen se caractérise par une multiplication des acteurs, un recours accru à la sous-traitance et des arrivées plus fréquentes sur le marché", résume-t-il. Et dans ce contexte de plus grande complexité, "la sécurité ferroviaire dépend essentiellement de l'interaction entre tous les acteurs, à savoir les entreprises ferroviaires, les gestionnaires de l'infrastructure, l'industrie ferroviaire et les autorités de sécurité."

La directive 2004/49/CE qui est le cadre réglementaire commun pour la sécurité ferroviaire en vigueur actuellement a révélé des lacunes "qui sont parfois exploitées à des fins protectionnistes", de sorte qu’il doit être changé selon le rapporteur. Le Parlement européen est pour l’introduction d’un certificat unique de sécurité pour toute l'UE sous la responsabilité de l'AFE, et selon la proposition de la Commission, les agréments de sécurité pour les gestionnaires d'infrastructure seront encore délivrés par les autorités nationales de sécurité.

Parmi les propositions de Michael Cramer, qui ont "pour but de renforcer la dimension européenne du certificat de sécurité, de clarifier certaines parties du texte à la lumière de l'expérience (passée) et d'accroître la prévisibilité des procédures pour le plus grand profit des acteurs engagés", on trouve des propositions pour renforcer le rôle de l'AFE en tant qu'unique autorité délivrant les "certificats de sécurité uniques". Il faut clarifier aussi les responsabilités de tous les acteurs et harmoniser progressivement, sur la base d'exigences minimales, des règles opérationnelles ou de sécurité, sans compromettre la sécurité. L'UE devrait aussi traiter la dimension transfrontalière de la sécurité, par exemple pour les tunnels ferroviaires transfrontaliers et les services d'urgence qui y sont liés.

Le renforcement de l'Agence ferroviaire européenne (AFE)

Le rapporteur sur l'Agence ferroviaire européenne, est le député conservateur letton Roberts Zile.

La proposition de règlement sur l'Agence ferroviaire européenne (AFE) constitue, avec la proposition de refonte de la directive 2004/49/CE concernant la sécurité des chemins de fer et la proposition de refonte de la directive 2008/57/EC (interopérabilité), la partie technique du 4e paquet, centrée sur la suppression des obstacles administratifs et techniques subsistants tels que la fragmentation et la discrimination, et débouche sur des règles plus harmonisées:

  • en mettant sur pied une approche commune en matière de règles de sécurité et d’interopérabilité afin d’augmenter les économies d’échelle pour les entreprises ferroviaires actives dans l’Union européenne;
  • en réduisant les coûts administratifs;
  • en accélérant les procédures administratives, et en évitant les discriminations déguisées;
  • en conférant de nouvelles tâches à l'Agence ferroviaire européenne.

Dans son rapport, l’eurodéputé constate que "sept ans après sa création, l'AFE est complètement opérationnelle et joue un rôle important dans l'harmonisation des exigences nationales de sécurité et d'interopérabilité et dans leur remplacement progressif par des spécifications techniques communes et des objectifs et méthodes de sécurité communs".

Si la Commission a proposé que l'AFE reçoive maintenant un certain nombre de tâches supplémentaires de nature exécutive, c’est pour améliorer le système actuel, extrêmement décentralisé, où les fonctions des acteurs individuels sont parfois peu clairs, et d'assurer la dimension européenne des services ferroviaires. Elle délivrerait un certain nombre d'autorisations et de certifications actuellement accordées par les autorités nationales de sécurité, mais ne remplacerait pas ces dernières. Elle continuerait donc à s'en remettre au personnel et aux compétences du personnel des autorités nationales de sécurité pour effectuer certaines des activités concernées au sein des États membres.

Si Robert Zile considère "qu'un système d'autorisations et de certifications amélioré, plus centralisé, serait profitable à toutes les parties concernées" et que l'AFE devrait jouer "le rôle de guichet unique", il pense qu’il faudra veiller à ce que ces nouvelles compétences "ne créent pas d’effets négatifs opposés".

Les exigences de sécurité et d'interopérabilité des chemins de fer européens devront en même temps "garantir aux acteurs un environnement concurrentiel et favorable aux entreprises dans toutes les parties du marché, national ou transfrontalier". Il s’agit par exemple de veiller à ce que les redevances de certification à payer ne dépassent pas les moyens des "entreprises ferroviaires des États membres de la périphérie en particulier". Le député letton pense à la Finlande et aux pays baltes, dont les réseaux ferroviaires fonctionnent avec un écartement de voie qui diffère de l'écartement standard de 1435 mm de l'Union, mais qui sont très bien intégrés dans le réseau d'écartement de 1520 mm qui couvre la Russie et les pays de la CEI. Selon Robert Zile, ces réseaux devraient avoir le choix de demander la certification et l'autorisation à l'AFE ou à l'autorité nationale de sécurité, même si le tout devrait être régi par la législation de l'UE et des États membres. Il faudrait donc "donner le choix au demandeur pour l'autorisation des véhicules et la certification de sécurité".

En outre, l'Agence doit être chargée d'autoriser les éléments du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), afin de garantir un système unique européen, plutôt qu'une multitude de systèmes nationaux.

Le rapporteur voudrait aussi que la responsabilité de l'AFE soit clarifiée, puisque celle-ci doit assumer la pleine responsabilité, y compris contractuelle et extracontractuelle, pour ses décisions d'autorisation et de certification. En outre, les accords conclus entre l'AFE et les autorités nationales de sécurité doivent clairement préciser les responsabilités de l'Agence et des autorités nationales de sécurité en ce qui concerne les tâches accomplies par chacune des parties contractantes.

Le rapporteur considère aussi  qu'il faudra préciser plus clairement "qu'il sera possible au demandeur de communiquer avec l'AFE dans la langue de son choix, dans la mesure où il s'agit de l'une des langues officielles de l'Union", et logiquement, il demande à ce que les réponses de l'AFE soient rédigées dans la langue utilisée par le demandeur.

Finalement, l'AFE, qui coopère avec les pays tiers, devrait, dans la mesure où ses compétences et son expertise le permettent, faciliter l'accès réciproque des entreprises ferroviaires de l'Union aux marchés ferroviaires des pays tiers, ce qui n’est pas toujours le cas, comme par exemple avec la Russie.

Le commentaire de Georges Bach sur le volet "technique" du 4e paquet ferroviaire

L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach, qui est le rapporteur fictif sur le texte relatif à la sécurité ferroviaire, a une vue très favorable du pilier "technique" du 4e paquet ferroviaire : "Cela fait bien des années que je plaide pour une plus grande interopérabilité et harmonisation technique au niveau européen. Nous comptons trop de systèmes différents, chaque Etat membre a mis en place ses propres spécificités techniques et ses règles et exceptions particulières. De cette manière, nous comptons de nos jours plus de 11 000 règles dans le secteur ferroviaire européen. Ceci représente un travail administratif énorme et des coûts inutiles pour les opérateurs ferroviaires. Or, je suis persuadé qu´une plus grande harmonisation aurait dû être la condition préalable avant la libéralisation du trafic ferroviaire de fret et du transport international des passagers."

Et cela l‘amène à constater qu’il est "assez déçu des propositions de la Commission". Car pour lui, "le vrai défi consiste à amener le secteur ferroviaire à une croissance et à développer tout son potentiel face aux autres modes de transport, dont surtout la route. Une mise en œuvre de ce potentiel représente également une création d’emplois. C’est pourquoi l’aspect social va être renforcé par le Parlement."

Georges Bach pense aussi qu’une "harmonisation technique poussée permettra également à l’industrie ferroviaire européenne, qui joue un rôle primordial au niveau mondial, d’éviter des coûts superflus pour des certifications et spécifications nationales", ce qui devrait selon lui aussi conduire à de "grandes opportunités de croissance et de création d’emplois".

Et il conclut avec ce jugement sur le travail de ses six collègues : "Comparés aux propositions de la Commission, je pense que les rapports proposés au Parlement vont dans la bonne direction: la subsidiarité entre en jeu, il n’y aura plus le modèle 'one size fits all' voulu par la Commission.  Nous aurons des clauses spécifiques pour des réseaux de petite taille. L’option de maintenir l’attribution directe d’un service publique sans appel d’offre obligatoire sera maintenue. Le Parlement européen va essayer dans les mois à venir à arriver à un compromis viable pour tous les Etats membres. Mais cela restera un grand défi."