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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Les droits fondamentaux en Hongrie font l’objet d’un débat très dur au Parlement européen en présence de Viktor Orban
02-07-2013 / 03-07-2013


Parlement européenLes autorités hongroises doivent remédier rapidement à toute violation des valeurs fondamentales de l'UE, ont estimé le 3 juillet 2013 la majorité des députés européens après un vote en faveur du rapport dit Tavares qui avait été précédé, la veille, d’un débat sur le sujet. En cas de non-respect, les dirigeants du Parlement européen devraient envisager de demander au Conseil de déterminer, conformément à l'article 7, paragraphe 1 du traité de l'UE, s'il existe un risque clair de violation sérieuse. Cette clause permettrait au Conseil des ministres de l'UE de déterminer s'il existe un risque réel de violation sérieuse des valeurs européennes et de suspendre le droit de vote de la Hongrie au Conseil. Les députés souhaitent également la création d'un groupe de haut niveau pour contrôler le respect des valeurs de l'UE dans tous les États membres.

Le rapport Tavares a été adopté par 370 voix pour, 249 voix contre et 82 abstentions. Les partis de droite ont, tout comme le PPE, voté dans leur large majorité contre le rapport, mais tous les députés luxembourgeois ont voté en sa faveur, y compris Frank Engel, Georges Bach et Astrid Lulling affiliés au PPE.

Le rapport Tavares avait déjà recueilli une majorité à la commission LIBE le 19 juin.

Dans ce texte, le Parlement souligne que l'Union est fondée sur des valeurs clés telles que le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité et l'état de droit, qui sont inscrites dans l'article 2 du traité de l'UE. Le rapport demande en particulier aux autorités hongroises de "restaurer pleinement" l'Etat de droit, de respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire et de garantir la liberté d'expression, la liberté des médias, la liberté de culte, le droit de propriété ou encore le respect du droit des minorités.

Le Parlement regrette que le processus de rédaction et d'adoption de la constitution hongroise "n'ait pas bénéficié de la transparence, de l'ouverture, de l'inclusivité et, en définitive, de la base consensuelle que l'on peut attendre d'un processus constitutif démocratique moderne". Les députés déplorent que les changements institutionnels "aient entraîné un affaiblissement manifeste des systèmes d'équilibre des pouvoirs".

Le débat du 2 juillet

Le 2 juillet 2013, le Parlement européen a débattu plus de deux heures et demie sur ce rapport avec la participation du Premier ministre hongrois, Viktor Orban. Les échanges se sont déroulés dans un climat conflictuel tel que le service de presse du Parlement européen avait titré : "La question des droits fondamentaux en Hongrie divise le Parlement".

"Les changements constitutionnels en Hongrie sont systémiques et dessinent une tendance générale qui s'écarte des valeurs européennes déterminées dans l'article 2 du traité de l'UE", a déclaré le rapporteur Rui Tavares (Verts/ALE) lors du débat. "La démocratie, c'est une question d'exercice du pouvoir par la majorité et non d'abus de majorité", a-t-il ajouté.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a bien tenté de calmer le jeu en expliquant au début du débat qu’en tant que "gardienne des traités", la Commission avait reçu des engagements de la part du gouvernement hongrois selon lesquels il allait revenir sur les transferts de cas entre cours de justice et sur la taxe dont la population serait chargée en cas de procédures devant la Cour de justice européenne. Le gouvernement hongrois serait également prêt à revoir sa nouvelle législation qui interdit la publicité politique dans les médias audiovisuels privés, ceux qui ont l’audience la plus forte. Ces trois éléments font l’objet de lettres de la Commission qui n'a pas encore lancé de procédures en infraction à ces sujets. Une procédure contre la Hongrie n’a pas non plus été engagée par le Conseil de l’Europe, qui a reçu des engagements de la part de la Hongrie. Mais le président de la Commission ne s’est pas pour autant dit opposé à un vote en faveur du rapport Tavares. Il a aussi rappelé les problèmes liés au respect des règles d’un Etat de droit en Roumanie et en Bulgarie et la nécessité d’un suivi plus général du respect de ces règles dans l’UE, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression.

Dans son intervention, Viktor Orban a évité de parler des critiques et procédures concrètes de la Commission à l’égard de son pays, mais a dressé le tableau d’un pays sorti de la procédure de déficit excessif, sorti des difficultés par ses propres moyens, sans coûter, contrairement à la Grèce, un euro aux contribuables européens. L’économie repart, les emplois et les salaires augmentent, les pensions aussi, telle est l’image que Viktor Orban a voulu transmettre de son pays. Le rapport Tavares par contre, il l’a qualifié de négatif, injuste, sans se faire d’illusions sur le fait qu’il serait voté "par les socialistes, les libéraux et les Verts contre la Hongrie". Il a même accusé le Parlement européen de vouloir mettre les pays membres sous tutelle en fixant "des critères arbitraires" et en créant "de nouvelles procédures qui n'existent pas dans les Traités"."Nous ne voulons pas une Europe de la soumission, nous voulons une Europe de la liberté", a-t-il déclaré. Et dans une deuxième intervention, il a dénoncé les grandes banques et les services monopolistiques qui n’aiment pas la Hongrie et refusé de prendre des leçons de démocratie. Il a dit du rapport Tavares qu’il était "insultant" et constituait "un abus de pouvoir", étant d’un "parti pris très à gauche". Bref, il a rejeté le rapport, parce qu’il n’exprimait pas des critiques à l’égard de la Hongrie, mais des propositions qui la mettraient sous tutelle.

Intervenant pour le groupe libéral ADLE, Guy Verhofstadt a rappelé au Premier ministre que la Commission de Venise, dans son avis rendu le 14 juin, avait observé 19 problèmes avec la dernière révision de la Constitution, adoptée le 11 mars à Budapest, soit bien plus que les trois problèmes listés par la Commission et cet avis de la commission du Conseil de l'Europe "a été rendu par des constitutionnalistes, pas par des politiques".

Au cours du débat, la commissaire Viviane Reding est revenue à la charge pour rappeler que la Commission maintenait sa procédure en infraction pour vérifier si les assurances du gouvernement hongrois étaient bien mises en œuvre, comme la nécessité de revenir sur la mise à la retraite anticipée des juges, ce qui n'a pas encore eu lieu, et que ses lettres sur le 4e amendement de loi fondamentale devrait être suivie d'effets. Pour la commissaire, le rapport Tavares est un élément important pour aller vers une meilleure manière de défendre l’Etat de droit et la Commission s’est ainsi engagée à donner un suivi aux recommandations du Parlement.

Pour le député PPE Manfred Weber, il n’y avait rien de nouveau en ce qui concerne les infractions de la Hongrie qui, selon lui, respecte les règles et à l’égard de laquelle il faut faire preuve de fair-play.

Quant à Hannes Swoboda, qui s’exprimait au nom des sociaux-démocrates, il a mis en avant le fait que Viktor Orban a évité de répondre à la Commission sur les questions concrètes de procédures d’infraction, alors que la Hongrie est le seul Etat membre qui doit répondre à des critiques en ce qui concerne les droits fondamentaux. Pour le chef de file du groupe S&D, la  Hongrie n’est pas une vraie démocratie.

Guy Verhofstadt a renchéri et a reproché à Viktor Orban le manque de respect des minorités politiques, concluant que la Hongrie est devenue une "démocrature".

Le député PPE luxembourgeois Frank Engel, qui a travaillé dans le groupe de rédaction avec Rui Tavares, s’est dit très énervé tant par le patriotisme hongrois des députés du parti d’extrême droite Jobbik que par l’idée que le rapport Tavares serait le fruit d’une conspiration de la gauche. Pour lui, il y a de vraies craintes, doutes et appréhensions dont il faut éviter qu’ils ne se confirment dans une certaine manière de gouverner. Il a déclaré cela, sachant que ces éléments ne plairaient pas forcément dans son groupe, le PPE, mais qu’ils avaient bien leur place dans le rapport Tavares. Pour lui, il s’agit tout simplement de veiller à ce que dans l’alternance politique, tout gouvernement puisse vraiment gouverner sans être bloqué par les jeux constitutionnels institués par celui qui l’a précédé.